Il y a quelques années, une élève du secondaire se suicidait en Gaspésie parce qu’elle était victime d’intimidation. Ce geste désespéré avait ému la communauté de l’éducation québécoise en entier, et ce, des élèves aux parents, des enseignants au ministre : tous étaient d’accord pour que l’école ne tolère pas de tels comportements et qu’elle soit un havre permettant à nos jeunes de s’épanouir. Ça, c’est pour les élèves.
Pour les adultes, cependant, c’est différent. C’est fou ce qu’on tolère dans nos écoles et sur les réseaux sociaux en lien avec notre profession. La liberté de parole, souvent invoquée comme droit fondamental, n’a plus de limites. Prenez ceci par exemple :
Comment un syndicat peut-il faire autant dans la bassesse ? Comment un organe démocratique qui représente des professionnels peut-il publier de telles images ? Comment ses membres peuvent-ils accepter non seulement que ceci soit fait en leur nom, mais que des ressources financières issues de leurs cotisations soient ainsi utilisées ?
Peut-être avez-vous raison si vous me rappelez à l’ordre pour me dire que ces questions relèvent de leur gestion interne. Or, à mon sens, elles relèvent de l’éthique professionnelle !
Quelle aurait été la réaction si le ministère de l’Éducation, son ministre ou ses mandarins avaient fait la même chose avec la tête d’une instance syndicale ? On aurait crié au scandale et les coupables auraient été lynchés sur la place publique. On aurait exigé des excuses publiques et, très certainement, les coupables auraient été congédiés.
Si de tels actes sont initiés par ceux qui sont, de facto, des modèles pour nos jeunes et qu’ils sont dirigés en toute impunité vers celui qui incarne le pouvoir de l’État en éducation, comment, inversement, peut-on sanctionner ces mêmes jeunes qui, en toute légitimité, reproduisent de tels comportements en manquant de respect envers leurs propres enseignants ? Et si c’était votre visage qui était sur l’affiche et qui circulait sur réseaux sociaux ? Ne crieriez-vous pas au manque de respect de votre personne ? De votre profession ?
Bref, c’est correct de la part des adultes d’avoir de tels comportements, mais pour les élèves, s’ils font cela envers d’autres élèves, il y a de forts risques que ce soit traité sévèrement comme étant un dossier relevant de l’intimidation. S’ils font cela envers des enseignants ou n’importe quel membre du personnel scolaire, c’est inacceptable et des sanctions disciplinaires s’imposent. Je veux bien croire que le ministre de l’Éducation est un personnage public, mais à mon humble avis, mépriser la classe politique équivaut à mépriser ceux qui l’on élue. Et quand on travaille avec les enfants de ceux qui ont majoritairement élu cette classe politique, ce n’est rien pour aider les relations avec les parents et espérer une reconnaissance professionnelle de leur part, non ?
En effet, plusieurs acteurs du monde scolaire se plaignent, à juste titre, du manque de reconnaissance du public de la profession enseignante. Est-ce que ce genre d’image nous aide à établir une meilleure image de l’éducation au Québec ? Aucunement !
En parlant de l’image que nous projetons, pensons-y bien. Les pages Facebook publiques destinées aux enseignants, dans certains cas, ressemblent davantage à une discussion sur les Canadiens de Montréal sur RDS.ca plutôt qu’un forum issu d’une communauté d’apprentissage professionnel entretenue par des professionnels de l’éducation qui ont, rappelons-le, un brevet universitaire. Non, mais, c’est vrai… L’éducation québécoise est devenue un dossier similaire au hockey : des commentaires dont les vérités sont exprimées parce qu’elles sont vues et vécues. Les sophismes sont employés à toutes les sauces : on généralise, on prend nos émotions pour des vérités inéluctables, ou d’autres vérités naissent parce qu’on est plusieurs à penser de la même façon. Chers lecteurs, je vous rappelle respectueusement que nous dénonçons nous-mêmes les parents qui emploient ce genre de discours et qui estiment tout connaitre, tout savoir sur la pédagogie…
Il est également difficile de penser autrement en éducation au Québec. Il faut résolument penser selon des lignes directrices qui sont soit imposées par une culture organisationnelle forte ou par celles que certains syndicats imposent. Dans ce dernier cas, n’avez-vous pas parfois l’impression d’être en mode revendication perpétuel ? Et on se plaint du climat de travail dans nos écoles ? Je sais que c’est une impression et que j’ai à force de lire des certains messages sur les réseaux sociaux ou d’échanger avec des confrères et consœurs dans divers congrès ou colloques, mais il y a une atmosphère de « pied de guerre » très désagréable.
Pour conclure ma tirade, un professeur d’université me disait récemment, de façon informelle : « en éducation, tout est vrai et tout est faux ». Voilà une phrase empreinte de sagesse. N’est-ce pas ce qui fait la beauté de notre travail ? Pourquoi diminuer ceux qui ont nécessairement tout faux ? Pourquoi les ostraciser ? Ne sommes-nous pas le reflet de ce que nous détestons ? N’implantons-nous pas ce que nous voulons éviter de voir en éducation ?
L’éducation à la différence, ce n’est pas que pour les jeunes ; c’est l’affaire d’une vie ! Force est d’admettre que certains d’entre nous préfèrent la confrontation perpétuelle, la méfiance, le cynisme comme outil de mobilisation en éducation. Une question demeure : vous mobilisez qui et dans quel but ? Certainement pas dans le but d’améliorer l’apprentissage de vos élèves et de faire un milieu scolaire où il fait bon vivre !