Une tirade contre la méfiance et le cynisme chez les professionnels de l’éducation


Il y a quelques années, une élève du secondaire se suicidait en Gaspésie parce qu’elle était victime d’intimidation. Ce geste désespéré avait ému la communauté de l’éducation québécoise en entier, et ce, des élèves aux parents, des enseignants au ministre : tous étaient d’accord pour que l’école ne tolère pas de tels comportements et qu’elle soit un havre permettant à nos jeunes de s’épanouir. Ça, c’est pour les élèves.

Pour les adultes, cependant, c’est différent. C’est fou ce qu’on tolère dans nos écoles et sur les réseaux sociaux en lien avec notre profession. La liberté de parole, souvent invoquée comme droit fondamental, n’a plus de limites. Prenez ceci par exemple :

Comment un syndicat peut-il faire autant dans la bassesse ? Comment un organe démocratique qui représente des professionnels peut-il publier de telles images ? Comment ses membres peuvent-ils accepter non seulement que ceci soit fait en leur nom, mais que des ressources financières issues de leurs cotisations soient ainsi utilisées ?

Peut-être avez-vous raison si vous me rappelez à l’ordre pour me dire que ces questions relèvent de leur gestion interne. Or, à mon sens, elles relèvent de l’éthique professionnelle !

Quelle aurait été la réaction si le ministère de l’Éducation, son ministre ou ses mandarins avaient fait la même chose avec la tête d’une instance syndicale ? On aurait crié au scandale et les coupables auraient été lynchés sur la place publique. On aurait exigé des excuses publiques et, très certainement, les coupables auraient été congédiés.

Si de tels actes sont initiés par ceux qui sont, de facto, des modèles pour nos jeunes et qu’ils sont dirigés en toute impunité vers celui qui incarne le pouvoir de l’État en éducation, comment, inversement, peut-on sanctionner ces mêmes jeunes qui, en toute légitimité, reproduisent de tels comportements en manquant de respect envers leurs propres enseignants ? Et si c’était votre visage qui était sur l’affiche et qui circulait sur réseaux sociaux ? Ne crieriez-vous pas au manque de respect de votre personne ? De votre profession ?

Bref, c’est correct de la part des adultes d’avoir de tels comportements, mais pour les élèves, s’ils font cela envers d’autres élèves, il y a de forts risques que ce soit traité sévèrement comme étant un dossier relevant de l’intimidation. S’ils font cela envers des enseignants ou n’importe quel membre du personnel scolaire, c’est inacceptable et des sanctions disciplinaires s’imposent. Je veux bien croire que le ministre de l’Éducation est un personnage public, mais à mon humble avis, mépriser la classe politique équivaut à mépriser ceux qui l’on élue. Et quand on travaille avec les enfants de ceux qui ont majoritairement élu cette classe politique, ce n’est rien pour aider les relations avec les parents et espérer une reconnaissance professionnelle de leur part, non ?

En effet, plusieurs acteurs du monde scolaire se plaignent, à juste titre, du manque de reconnaissance du public de la profession enseignante. Est-ce que ce genre d’image nous aide à établir une meilleure image de l’éducation au Québec ? Aucunement !

En parlant de l’image que nous projetons, pensons-y bien. Les pages Facebook publiques destinées aux enseignants, dans certains cas, ressemblent davantage à une discussion sur les Canadiens de Montréal sur RDS.ca plutôt qu’un forum issu d’une communauté d’apprentissage professionnel entretenue par des professionnels de l’éducation qui ont, rappelons-le, un brevet universitaire. Non, mais, c’est vrai… L’éducation québécoise est devenue un dossier similaire au hockey : des commentaires dont les vérités sont exprimées parce qu’elles sont vues et vécues. Les sophismes sont employés à toutes les sauces : on généralise, on prend nos émotions pour des vérités inéluctables, ou d’autres vérités naissent parce qu’on est plusieurs à penser de la même façon. Chers lecteurs, je vous rappelle respectueusement que nous dénonçons nous-mêmes les parents qui emploient ce genre de discours et qui estiment tout connaitre, tout savoir sur la pédagogie…

Il est également difficile de penser autrement en éducation au Québec.  Il faut résolument penser selon des lignes directrices qui sont soit imposées par une culture organisationnelle forte ou par celles que certains syndicats imposent. Dans ce dernier cas, n’avez-vous pas parfois l’impression d’être en mode revendication perpétuel ? Et on se plaint du climat de travail dans nos écoles ? Je sais que c’est une impression et que j’ai à force de lire des certains messages sur les réseaux sociaux ou d’échanger avec des confrères et consœurs dans divers congrès ou colloques, mais il y a une atmosphère de « pied de guerre » très désagréable.

Pour conclure ma tirade, un professeur d’université me disait récemment, de façon informelle : « en éducation, tout est vrai et tout est faux ». Voilà une phrase empreinte de sagesse. N’est-ce pas ce qui fait la beauté de notre travail ? Pourquoi diminuer ceux qui ont nécessairement tout faux ? Pourquoi les ostraciser ? Ne sommes-nous pas le reflet de ce que nous détestons ? N’implantons-nous pas ce que nous voulons éviter de voir en éducation ?

L’éducation à la différence, ce n’est pas que pour les jeunes ; c’est l’affaire d’une vie ! Force est d’admettre que certains d’entre nous préfèrent la confrontation perpétuelle, la méfiance, le cynisme comme outil de mobilisation en éducation. Une question demeure : vous mobilisez qui et dans quel but ? Certainement pas dans le but d’améliorer l’apprentissage de vos élèves et de faire un milieu scolaire où il fait bon vivre !

La numérisation des épreuves ministérielles n’équivaut pas à leur modernisation !

Plusieurs diront : « finalement » ! Il semblerait que les épreuves ministérielles québécoises prendront le virage numérique dans quelques années… Voilà une belle tentative du ministère pour mettre ses pratiques évaluatives à jour quoique ce dernier pourrait faire preuve d’audace et ainsi saisir l’impulsion du moment pour les moderniser en profondeur.

Dans un premier temps, soyons honnêtes : il n’y a rien de révolutionnaire dans cette annonce. À titre d’exemple, autour de 120 000 iPads sont actuellement dans les mains de jeunes Québécois en ratio 1:1 dans nos écoles. Ces appareils sont d’ailleurs en forte croissance puisqu’il y a trois ans, on parlait d’environ 60 000 unités qui étaient en circulation dans ces mêmes écoles. À titre de comparaison, au Canada, ce sont environ 500 000 unités et aux États-Unis, ce sont 12 000 000 iPads qui sont dans les classes américaines. Bien qu’il ne s’agisse que d’un exemple didactique, il n’en demeure pas moins que les chiffres sont impressionnants. Divers outils de pointe étant désormais disponibles aux enseignants pour l’enseignement, qu’en est-il des stratégies évaluatives ? Bien que l’on puisse en conclure qu’elles demeurent principalement ancrées dans la tradition, il semble qu’on pourrait néanmoins constater qu’un changement est en cours et qu’elles s’adaptent de plus en plus aux approches pédagogiques et aux outils employés. Cela dit, quand les pratiques de terrain, soit celles ayant cours dans un nombre grandissant de classes, sont à des années-lumière des pratiques évaluatives ministérielles ancestrales, n’est-ce pas signe que ce dernier doit mettre les bouchées doubles pour être à l’avant-garde de la pédagogie québécoise ? Depuis quelques années, le « coulage » des épreuves dans les médias sociaux démontre bien que ces dernières ont mal vieilli et qu’elles se sont mal adaptées aux réalités sociales contemporaines. Également, pas plus tard que l’année scolaire dernière, le simple fait de permettre la tablette ou l’ordinateur à des élèves à l’examen de français était d’une complexité bureaucratique folle. Imaginez, en 2017, on doit encore demander une dérogation au ministère de l’Éducation !

Dans un deuxième temps, il faut sortir du carcan de la numérisation des vieilles pratiques pédagogiques, et ce, tant sur le plan de l’enseignement qu’à celui de l’évaluation. Reprendre le même format des évaluations ministérielles et en transformer le format afin qu’il soit compatible avec les outils utilisés en classe, ce n’est pas suffisant. Cette substitution, pour reprendre le jargon du modèle SAMR de Ruben Puentedura, ne fait que changer le contenant sans en modifier le contenu. Cette cure de rajeunissement n’est définitivement pas de refus, mais force est d’admettre que ce qui est plutôt nécessaire, c’est une évaluation des compétences issues du 21e siècle, essentiellement celles permettant, entre autres, l’émergence de la créativité, de la collaboration, du développement de l’esprit critique, de la pensée informatique (ou séquentielle), lesquelles permettent toutes de contribuer à la résolution de problématiques authentiques et complexes.

Autrement dit, ce ne sont pas les services d’informaticiens que le ministère propose de s’adjoindre qui est nécessaire, mais bien ceux de pédagogues dont les pratiques et les approches favorisent le développement des compétences citées au préalable.

Saluons les premiers pas du ministère reconnaissant implicitement que l’intégration des technologies à l’apprentissage n’est pas qu’une simple tendance moderne, mais en même temps, cette reconnaissance doit mener à une importante prise de conscience qui se traduit par des gestes concrets, ayant une incidence sur les acteurs à l’œuvre sur le terrain, en l’occurrence les enseignants et les directions d’écoles ou de commissions scolaires. Comme nous le savons, particulièrement en sixième année du primaire ainsi qu’en quatrième et cinquième année du secondaire, la tendance est à l’enseignement en fonction des épreuves ministérielles, ce qu’on qualifie, en anglais, de « teaching to the test ». Pourrions-nous conclure ou du moins espérer que changer le format des épreuves ministérielles donnerait l’exemple et inciterait les enseignants des matières concernées à changer leurs approches pédagogiques à leur tour ?

En ce sens, la numérisation des épreuves ministérielles telle que proposée ne peut être envisagée comme étant une modernisation. Elle est plutôt un petit pas dans la bonne direction dans une perspective de vision à très court terme. Cependant, pour le long terme, c’est le format complet de ces évaluations qui doit être revu. À ce moment, on pourra parler de modernisation desdites épreuves.

 

Céder à l’enthousiasme

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Depuis les États généraux sur l’éducation, vous avez connu une quelconque initiative ministérielle d’une aussi grande envergure que celle proposée par le ministre de l’Éducation aujourd’hui ? Moi non. Il fallait être sur place aujourd’hui, au lancement de la Politique de la réussite éducative, pour ressentir cette authentique effervescence.

Enfin, un vent d’air frais qui vient d’en haut. Les intervenants scolaires se plaignent du manque de leadership ou de vision de la part des instances ministérielles; les voilà finalement servis !

J’ai souvent dénoncé le manque d’ambition de l’éducation québécoise à tous les points de vue. Voilà un gros pas dans la bonne direction !

Bien sûr, il faut se garder une petite gêne. Il s’agit d’une politique et une telle politique ne prend son sens que dans l’action. Les éternels opposants dénoncent que rien n’a changé sur le terrain ou que rien ne changera en septembre. C’est vrai. Les bases sont jetées et on bâtit le reste au-dessus. Ne faut-il pas commencer par là ? Une étape à la fois, non ? Soyons patients !

Peut-on prendre le temps de se réjouir de ce pas de géant et de ce vent de fraicheur ? Peut-on savourer cet optimisme ? La méfiance peut-elle laisser enfin place à l’espoir ? À l’enthousiasme ?

Le ministre l’a répété ad nauseam aujourd’hui : c’est une première étape. Il y a encore du travail à faire et il y aura des mesures plus concrètes qui arriveront durant les prochaines années. N’ai-je pas entendu 1.8 milliard de dollars ? N’ai-je pas entendu de milliers de nouvelles embauches dans nos écoles ?

Dépolitiser l’éducation

Oui, je sais… je vous ai entendus : mauvais timing pour un tel lancement… opportunisme politique… engagements préélectoraux… on s’est fait saigner et maintenant, on réinvestit… des promesses vides… on veut du concret… etc.

Vos craintes sont probablement justifiées. Votre méfiance l’est aussi. Cependant, j’aimerais faire une petite mise au point : lors d’une discussion avec le ministre (oui, je suis un des désormais fameux Crinqués), je lui faisais part de l’une de mes attentes : il faudrait dépolitiser l’éducation québécoise. Nous avons besoin de leadership et de stabilité à la tête du ministère. Il y a eu trop de ministres qui se sont succédé ces dernières années et cela n’aide en rien l’éducation québécoise. Sachant que la présence de ce dernier à la tête du ministère était conditionnelle à sa réélection et aux remaniements ministériels, serait-il possible qu’il y ait un ministre d’État à l’éducation ? Un ministre non élu ?

On pourrait débattre longtemps de cette idée, mais tel n’est pas le but du propos. Je veux tout simplement mettre l’accent sur l’importance d’évacuer le politique de l’éducation pour mettre cette dernière à l’abri des aléas budgétaires, des élections (et des promesses qui y sont associées), de la partisanerie, etc.

Pendant ce temps, à l’autre bout du spectre politique, il y a les gens de terrain. Eux aussi, ils doivent cesser de politiser l’éducation. Exit le cynisme, la ligne de partie, la partisanerie et le reste des comportements humains qui n’aident pas plus la cause de l’éducation au Québec. Bref, on converge. On travaille ensemble dans un seul et unique but : l’élève. Ses apprentissages et sa réussite scolaire.

Bref, passons un bel été. Laissons-nous porter par l’espoir et l’enthousiasme. Permettons-nous de faire ce que plusieurs ont cessé de faire en éducation depuis trop longtemps : rêvons ! Mais surtout, soyons patients et donnons la chance au coureur ! Il y a un ministre à l’écoute de ce qui se passe sur le terrain. Il semble avoir les coudées franches pour agir et changer les choses.

N’oubliez pas : tout le monde veut que ça change, mais personne ne veut changer. Pire : personne ne veut être contraint à changer ! Si vous voulez que le ministre bouge, assurez-vous d’être mobile vous aussi, car je ne pense pas que ce qui s’en vient prolongera le statu quo indéfiniment.

Bon été, bon repos… mérité !

 

 

 

Passer d’une mentalité fixe à une mentalité de croissance en éducation

 

 

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En presque vingt années dans le monde de l’éducation, autant en tant qu’enseignant que de directeur, j’ai entendu plusieurs excuses provenant de la bouche de professionnels de l’éducation refusant d’intégrer les technologies à leur pédagogie. Je les ai entendues et, je dois l’avouer, je les ai dites également à certains moments de ma carrière d’enseignant. Ces excuses répétées ad nauseam par des milliers d’enseignants, de directeurs, de cadres scolaires et de bureaucrates ont fait que l’école accuse désormais un immense retard technologique sur tous les autres domaines de la société. C’est là qu’on est rendu : nous sommes le wagon de queue, alors que l’école devrait être une locomotive sociale. Voici donc quelques perles traduisant la mentalité fixe qui tapisse les murs de tous nos milieux scolaires, mais surtout, voici comment on peut les transformer en trésor de mentalité de croissance !

« Les élèves passent trop de temps devant un écran ».

C’est bien vrai ! Cela dit, ce n’est pas parce qu’on intègre les technologies de l’information et de la communication (TIC) qu’on doit toujours placer les élèves devant un écran ! Oui, le magistral a encore sa place et oui, il est possible de collaborer sans y avoir recours. Il y a de la place pour des activités débranchées. Imaginez, il y a même possibilité d’introduire la pensée informatique et d’aborder la programmation sans ordinateur ! On peut même le faire en les faisant bouger et en allant dehors !

Autrement dit, il ne faut pas que l’exposition prolongée aux écrans devienne un prétexte pour bannir l’utilisation des TIC des classes. C’en est un suffisamment pertinent pour coordonner les pratiques des enseignants dans l’école et pour se réinventer tant aux plans pédagogiques qu’organisationnels. Quand on y pense bien, que tous les élèves soient assis devant une présentation PowerPoint pendant cinq heures d’affiliés un jour après l’autre, cela ne nous préoccupe pas. Mais s’ils le sont devant leurs bidules numériques en contexte scolaire, ça c’est préoccupant ! Deux poids, deux mesures !

Reformulation selon le principe de mentalité de croissance : Afin d’éviter que les élèves passent trop de temps devant un écran, je m’assure de deux choses essentiellement :

  • De varier mes approches pédagogiques;
  • D’être flexible dans mes approches. Je peux enseigner n’importe quelle notion de différentes façons (je ne recycle pas mes approches nécessairement);
  • De communiquer avec les autres enseignants de mon niveau pour planifier le temps d’exposition à un écran;
  • De comprendre que le temps d’exposition à un écran est peut-être néfaste, mais celui d’exposition à un tableau l’est également. Une pédagogie active est envisageable !

« J’enseigne de la même façon depuis 25 ans et cela a toujours bien fonctionné. Pourquoi aujourd’hui cela ne serait plus bon ? »

C’est probablement ce que j’ai le plus souvent entendu dans ma carrière ! Ceux qui utilisent cette excuse sont ceux qui s’attendent à faire la même chose d’une année à l’autre pendant 35 ans. Ce sont ceux qui tiennent pour acquis que le temps se fige et que rien ne change durant ce moment. Ironiquement, cette excuse semble bien propre au monde de l’éducation. Imaginez un moment que votre médecin vous serve cet argumentaire. Vous seriez effrayé, non ? Les temps changent. Les humains changent. Les jeunes changent. Vos pratiques éducatives doivent changer également.

Reformulation selon le principe de mentalité de croissance : Je prends part au changement en éducation. Je le façonne au lieu de le subir. Je prépare mes élèves aux défis de la contemporanéité et j’accepte d’apprendre à leurs côtés.

Les jeunes en connaissent bien plus que moi par rapport aux TIC !

C’est probable. Ils ne connaissent cependant absolument rien en pédagogie et c’est ce qui fait toute la différence. S’ils en connaissent plus que vous avec les outils technologiques, tant mieux. Déléguez-leur l’aspect technique : c’est valorisant pour eux et cela leur donne un autre rôle à jouer dans leur propre séquence d’apprentissage. De votre côté, fixez les intentions pédagogiques, les modalités évaluatives et encadrez-les en termes de citoyenneté numérique. De grâce, ne vous stressez pas avec l’aspect technique.

Reformulation selon le principe de mentalité de croissance : J’ai confiance en mes moyens. Je ne suis peut-être pas si technocompétent, mais je le deviendrai en utilisant mes outils. D’ici là, j’offre des occasions à mes élèves de m’aider et ainsi, en quelque sorte, prendre part à l’aspect didactique de ma profession !

« On fidélise les jeunes à une marque, à un logo ».

Décidément, il y en a qui ont de l’imagination. Prétendre que l’école doit être à l’abri des offensives médiatiques mercantiles implique une conception en silo de l’éducation. Retranchée dans ses cloisons, bétonnée dans un abri antinucléaire, l’école doit protéger les élèves contre les grandes marques qui veulent les fidéliser. Tannés de voir les pommes croquées au revers des tablettes électroniques de leurs élèves et des logos qui apparaissent lorsqu’ils mettent leur TNI sous tension, ces enseignants omettent que des marques apparaissent même sur les crayons de bois et les effaces de ces mêmes élèves. Il est surprenant que cela ne fasse pas l’objet d’une levée de boucliers, non ? Les marques sont partout : sur nos voitures, sur les panneaux publicitaires, sur notre linge, sur nos sacs, etc. Peut-on trouver des excuses plus sérieuses ? Éduquer à la pensée critique ne se fait pas en laboratoire aseptisé.

Reformulation selon le principe de mentalité de croissance : Je profite de l’occasion pour permettre aux élèves de développer un sens critique face aux marques et à la fidélisation à de grandes entreprises. Cette distance stratégique se développe dans l’action et elle est le résultat du transfert d’un esprit critique en une action critique.

« J’ai besoin d’une formation ».

Lorsque la première tablette électronique est arrivée sur le marché, ma fille avait environ deux ans et demi. Elle a compris assez vite comment cela fonctionnait. Probablement qu’elle n’était pas animée par une crainte de faire des erreurs ou de briser l’appareil… À la défense des enseignants et des autres professionnels de l’éducation, elle n’était pas face à un groupe d’élèves non plus. Il y a un aspect exploratoire qui s’est perdu en enseignement et qu’on aurait avantage à retrouver rapidement.

Les formations de nature « pédagonumériques » sont incontournables, bien évidemment. Cependant, le sempiternel souhait d’être formé par autrui implique une attente que quelqu’un d’autre se charge de ce qui doit être fait pour faciliter lesdites formations. Il semble contre-indiqué de s’attendre à ce que du temps personnel soit pris pour en apprendre plus sur sa propre profession : tous doivent être libérés ou compensés. Pourquoi faut-il attendre après quelqu’un pour se former et pourquoi cela doit-il se faire nécessairement durant les heures de travail ?

Reformulation selon le principe de mentalité de croissance : Je prends le plein contrôle de mon développement professionnel. J’en assume l’entière responsabilité et, lorsque j’ai des opportunités offertes par mon employeur, une association ou mon syndicat, je saisis l’opportunité et la considère comme un complément à ma propre démarche de développement professionnel.

« Je n’ai pas le temps ».

Dans la même veine, il y a deux types de « je n’ai pas le temps ». Il y a celui du programme scolaire qui nous pousse dans le dos et qui fait du quotidien scolaire une routine quotidienne basée sur l’urgence de « passer la matière ». Il y a aussi le temps à investir personnellement dans notre développement professionnel.

Oui, il y a un programme à couvrir, mais recourir constamment à l’enseignement direct par souci d’économie de temps a tendance à démontrer le peu de créativité de bon nombre de professionnels en plus de dévoiler un manque de flexibilité de l’organisation scolaire qui laisse que trop peu de latitude à ses professionnels pour expérimenter pédagogiquement.

Lorsqu’on regarde les enseignants technophiles, ceux qui ont épousé les TIC et les ont intégrées avec succès à leur enseignement, ce sont ceux qui ont investi de leur propre temps dans leur développement professionnel. Et oui, eux aussi ont des obligations personnelles et familiales… Il faut cesser d’attendre après le gouvernement, la commission scolaire ou l’employeur pour évoluer professionnellement ! Bien évidemment, ils doivent en faciliter la tenue, mais la formation continue est d’abord et avant tout une responsabilité partagée et une posture professionnelle assumée personnellement par l’enseignant, le directeur, le cadre scolaire ou le personnel de soutien.

Reformulation selon le principe de mentalité de croissance : Le temps scolaire m’est imposé, mais en tant que professionnel autonome, j’aménage ce temps dans le meilleur intérêt de mes élèves.

Quelques raccourcis

Bien évidemment, ce texte se veut une généralisation. Il n’a pour but que de placer les professionnels de l’éducation dans une perspective de mentalité de croissance pour reconnaitre que les choses doivent changer en éducation et que les forces motrices de ce changement sont à pied d’œuvre dans les classes, avec les élèves. En éducation, il faut cesser d’avoir cette mentalité fixe prétextant que tout est vain, inutile ou dû.

L’élève est en situation d’apprentissage perpétuel et ceux qui l’accompagnent aussi. On ne vous demande pas de tout savoir; on vous demande d’être prêt à avancer avec l’élève, en apprenant à ses côtés. Faites-vous confiance et surtout, faites leurs confiance.

Devant ces quelques généralisations et raccourcis dans le texte, un fait demeure : nous n’avons pas encore atteint le point de bascule qui fait des technologies, un outil incontournable de la pédagogie du 21e siècle pour ainsi développer d’autres compétences chez les élèves. Car, au-delà des compétences disciplinaires, il y a celles qui forment l’élève à devenir un citoyen du 21e siècle : collaboration, créativité, pensée informatique, esprit critique et résolution de problèmes complexes.

Enseignant. Ministre. Du pareil au même !

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J’ai toujours cru que l’union faisait la force. Pas nécessairement dans le sens de faire résistance en bloc. Je parle plutôt de l’union des enseignants, celle qui fait de son collègue un meilleur professionnel et celle qui nous permet, collectivement, de s’élever grâce à l’émulation. Celle qui implique qu’ensemble on repousse les limites pour faire évoluer la profession enseignante et l’éducation au grand complet. Je crois au partage des expertises et de l’expérience. Je crois à la libre-circulation des idées.

Cela dit, je n’ai pas vu le ministre de l’Éducation du Québec à Tout le monde en parle. Je n’écoute pas vraiment la télé. Je n’ai pas pris la peine à regarder son entrevue non plus sur Internet. Parait-il que le ministre y affirmait consulter les enseignants sur le terrain et, aussitôt, la mascarade a débuté. Mon compte Facebook a été dès lors assailli par la médisance de quelques centaines enseignants frustrés :

« À qui parle-t-il ? Pas à moi en tout cas! »

Et le bal partit…

« À moi non plus ! »

« Ouin, moi non plus… »

(Je vous épargne les autres commentaires recelant des quolibets peu éloquents)

Quelques éclairés ont bien tenté de ramener de l’ordre sur le forum quand même suivi par près de 18 000 membres, mais ils ont été rabroués par une masse de fielleux remplis de hargne.

Mon but n’est pas de faire le procès de personne. Cependant, considérons ce qui suit et qui pourrait faire de nous une profession mieux soudée :

  1. Cela fait deux fois que j’assiste à un congrès sur le leadership en éducation en Alberta. Les deux fois, le ministre de l’Éducation albertain y a été invité et il y a livré un discours. Dans les deux cas, il a été présenté par le président de l’Alberta Teachers’ Association (ATA). L’an dernier, à sa première année dans ses nouvelles fonctions, il a été ovationné. Vous avez bien lu : un ministre de l’éducation ovationné par des enseignants, des directeurs, des conseillers pédagogiques de sa province. Cette année, il n’y a pas eu d’ovation, mais je me souviens très bien d’avoir entendu le président syndical présenter son ministre comme étant « mon bon ami » avant de lui céder le micro et avoir vu une franche poignée de main. Les deux hommes se vouaient une admiration réciproque. En Alberta, il y a un seul syndicat qui est aussi un ordre professionnel pour les enseignants (oui, les deux à la fois). Le président de l’ATA est une personne puissante et influente. Tout cela pour dire qu’on ne verrait jamais cela au Québec. Pourquoi ? Parce que la ligne de partie ne s’établit pas en fonction de l’équilibre entre ce qui est mieux pour l’élève et pour les professionnels qui les encadrent.
  1. Les enseignants qui se plaignent de ne pas être écoutés semblent oublier qu’ils sont eux-mêmes dans une position d’autorité. Ils prennent constamment des décisions qui ont des effets sur des enfants, leurs parents et des familles. Le pouvoir d’un enseignant sur la vie d’autrui est immense. Comment peuvent-ils ne pas comprendre l’immensité de cette même responsabilité qui pèse sur les épaules du ministre ?
  1. Cessons de jouer à la victime. On s’humilie soi-même ! Est-ce que se plaindre de son triste sort aidera à faire reconnaitre la pratique professionnelle ? On se nuit mutuellement. L’image que nous projetons à la population nous concernant est carrément gênante à cet égard.
  1. Nous critiquons constamment les gouvernements qui se succèdent, lesquels ne sont jamais à la hauteur de nos attentes. Et si nous nous rangions derrière le ministre ? Et si on s’élevait au-delà du discours politique ? Ne critiquons-nous pas quand le politique ou l’économique prend le dessus sur l’éducation ? Et que faisons-nous ici ? Nous politisons un débat. Bref, nous faisons exactement ce que nous reprochons à nos élus. On a le gouvernement que l’on mérite, celui que nous élisons. Un soutien à un ministre de l’Éducation, quel qu’il soit, est un soutien à l’éducation. Ce soutien donne les coudées franches à ce dernier pour aller revendiquer des fonds au Conseil des ministres. Ce n’est donc pas avec un cynisme aussi acrimonieux qu’on réussira à mettre l’éducation à l’avant-plan des orientations gouvernementales ! Le rapport de force existe parce qu’on l’alimente. Point.
  1. Cessons de chialer que « le gouvernement n’écoute pas les enseignants ». On l’a entendu à la suite de l’implantation de la réforme il y a plus de quinze ans et on l’entend encore fréquemment en ces temps d’austérité budgétaire. Ça veut dire quoi « écouter les profs » ? Parlent-ils d’une seule et unique voix ? Non. Quels sont les conseils qui sont donnés au ministre ? Mettez-vous à sa place : vous allez dans les écoles, vous rencontrez le personnel scolaire de chacune des écoles visitées. Et ensuite ? Vous tracez une ligne de ce qui est commun dans les discours et dans ce que vous avez constaté de visu. Or, l’école n’est pas que l’apanage des enseignants. C’est une institution sociale et culturelle. Il y a d’autres acteurs aussi qui y gravitent sans nécessairement en être des experts en pédagogie ! L’école doit être à l’image de sa communauté. Cessons de prétendre que seuls les enseignants (ou les directeurs par la même occasion) détiennent le monopole de la vérité. De plus, le personnel scolaire sait mieux que quiconque que ce qui est bien pour un élève n’est pas toujours ce qui est exigé par ce dernier ou par ses parents ! Ce qui est le mieux pour l’éducation n’est pas nécessairement ce qui est prôné par les enseignants. Le discours du « écoutez-nous, on a raison » est totalement condescendant.
  1. Quel exemple donnons-nous à nos élèves ? Ne leur enseignons-nous pas à dépersonnaliser les débats et à faire preuve d’objectivité, eux qui sont des réelles boules d’émotions sur deux pattes. Combien de fois entendons-nous que « le prof ne m’aime pas », « le prof m’ignore » ou « le prof a ses préférés ». Et cela est vrai ? Non. Pourquoi utiliser nous-mêmes une rhétorique similaire ? De plus, serions-nous fiers de faire lire ces centaines de commentaires à nos élèves ? Que penseraient-ils s’ils vous lisaient en train de vilipender votre patron de la sorte ? Que penseraient-ils de vous s’ils constataient que vous agissez contrairement à ce que vous prêchez en classe ? Accepteriez-vous que vos élèves écrivent de tels commentaires à votre égard dans un groupe Facebook ? Vous êtes un personnage public vous aussi et, je vous le rappelle, on vous juge et on se méfie de vous aussi, et ce, bien souvent sans raison. Nous sommes tous dans le même bateau. Aussi bien ramer ensemble, dans la même direction…

Les communautés d’apprentissages en ligne sont pertinentes et incontournables. Nous l’avons vu, elles ont également leurs torts et leurs travers. Quand je lis qu’ils doivent être « Un lieu de discussion et de partage au sujet de l’enseignement et de l’apprentissage », je me dis qu’on vient de manquer à cette visée.

Le leadership féminin en éducation, une histoire de portes fermées

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English version below

Le leadership féminin en éducation, une histoire de portes fermées

J’assiste à une intéressante journée de discussion sur le leadership féminin en éducation. Il y a certainement une centaine de participantes et environ cinq hommes qui y participent. Il n’y a que deux participants du Québec, malheureusement. Toutefois, je suis heureux de découvrir de nouvelles leaders qui proviennent de (presque) partout au Canada et même, certaines viennent d’Angleterre et d’Écosse !

On parle d’obstacles principalement à être relevés par des femmes, soit des obstacles qui n’ont pas à être relevés par les hommes. S’il est intéressant d’entendre les femmes verbaliser leurs difficultés à s’affirmer comme leaders dans leurs milieux respectifs, il n’en demeure pas moins que ces dernières semblent différer selon les milieux.

On y parle d’ouvrir des portes aux femmes en éducation et, surtout, cette discussion devrait s’étendre à toutes les filles d’âge scolaire, en tant que leaders en devenir. Cela semble une évidence et, d’ailleurs, qui pourrait s’opposer à cela ? Cependant, ne peut-on plus simplement se contenter de marcher à travers des portes qui nous ont déjà été ouvertes ? Ce qui est à souhaiter est que la société instille toute la confiance et la détermination nécessaires à ces femmes pour qu’elles enfoncent les portes qui demeurent fermées. Ce faisant, elles en inspireront d’autres à faire de même et, à ce moment, les choses finiront par changer.

Plusieurs femmes veulent que les portes demeurent ouvertes ? C’est louable. Ce qu’elles peuvent tenir pour acquis aujourd’hui a certainement été un combat autrefois. Ce que je souhaite, cependant, c’est que nous formions et éduquions des générations de jeunes femmes qui puissent apprendre à défoncer ces portes. Il faut les éduquer au courage, à l’opiniâtreté et à la persévérance. C’est la seule façon, à mon avis, de voir à l’égalité des sexes.

Women leadership in education, a tale of closed doors

(English is not my first language so please bear with me… Just trying to get out of my comfort zone here !)

I had the pleasure to participate to a full-day workshop concerning women leadership in education : over a hundred women from everywhere in the world (and about five men…), but, sadly, only two participants from Québec. I was fortunate enough to meet with fabulous female leaders from (almost) everywhere in Canada, as well as England and Scotland.

We talked about barriers to become leaders in education, which are mainly reserved for female leaders, barriers that men don’t need to address. It is rather interesting to hear women verbalizing their feel on such an emotional subject and I realize that those barriers simultaneously seem common to all of them as well as being unique, in a way, to their respective environment.

We talked about opening doors to women in education, but most importantly, we should extend the discussion to young girls in their process to become a leader. Open doors… who could oppose to such a conclusive evidence ? However, should we satisfy ourselves by simply walking through already opened doors ? Instead, what we need is a society that instills confidence and determination to female educators so they feel strong enough to smash into closed doors. Therefore, they will inspire other women (and other men) to do the same and only then, things will change !

Most women want doors to stay open ? That’s truly amazing. What they can take for granted today was once a struggle for them. However, I dearly wish that we educate and instruct young females to learn to persevere and be courageous so they can, eventually, smash their own closed doors. As far as I’m concerned, it’s the only way we’ll be able to implement sustainable change.

Perdre la faculté de rêver

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Avoir des projets en éducation, c’est douteux et inquiétant. Si ce l’est pour les enseignants et pour les directions d’école, ce l’est encore plus pour le ministre de l’Éducation ! L’idée de Lab-école est-elle si mauvaise ?

Ce qui irrite les sempiternelles vierges offensées du monde de l’éducation, c’est essentiellement deux choses. D’une part, on ne consulte pas ceux qui travaillent dans les écoles et, d’autre part, on investit 1.5M$ annuellement dans ce projet pendant cinq ans alors que les écoles décrépissent à vue d’œil et que le système d’éducation québécois s’enlise peu à peu depuis des années de vache maigre.

En éducation au Québec, ceux qui ont de bonnes idées dérangent. On les trouve prétentieux, idéalistes, déconnectés et menaçants. Ils prennent trop de place. On les jalouse. On les ostracise. L’éducation, malheureusement, c’est le royaume de la mentalité fixe, celle où rien ne doit changer ni évoluer.

Encore une attitude cloisonnée

Qu’y a-t-il de mal à ce que des acteurs de la société se donnent la main pour aider l’éducation ? Ils n’en ont pas l’expertise ? Est-ce que les enseignants, eux, vont dire à Ricardo comment faire son potage ? Devons-nous citer à l’unisson ce magnifique cri de ralliement désormais célèbre : « L’expert dans la classe, c’est le prof » ? À chacun son métier, semble-t-il !

Un architecte rêveur, un sportif extrême et un chef reconnu apporteront leur contribution pour réinventer l’école. Hérésie ! Pourquoi demander à des personnes hors du réseau scolaire de réinventer l’école, alors que des centaines de milliers d’acteurs du réseau sont à pied d’œuvre quotidiennement dans nos écoles et commissions scolaires ? La réponse est simple : ceux qui sont en place depuis une vingtaine d’années (ou même plus), et je m’inclus dans le lot, ont tout simplement échoué à faire évoluer l’éducation au même rythme que la société. Imaginez quelques représentants de ce beau monde autour d’une table lancer ad nauseam les habituels « ça ne fonctionnera pas ».  Je pense que nous avons démontré que nous avons fait le tour du jardin des idées de l’intérieur. Nous avons besoin d’aide de l’externe.

La vraie question à se poser est plutôt celle-ci : pouvons-nous nous permettre de refuser une quelconque aide en éducation ?

Ces trois individus en ont beaucoup à nous apprendre à bien des égards et leur contribution à la société québécoise est indiscutable. Non seulement ont-ils réussi dans la vie, mais en plus ils ont voyagé et appris des choses que nous ignorons et qui pourraient nous être utiles dans les circonstances. J’ai vu une conférence de Pierre Thibault et son récit de visite des écoles au Danemark, au Japon et ailleurs. J’ai pris des notes et ces notes se transformeront en action prochainement. Dans nos écoles, dans nos commissions scolaires, bien peu d’intervenants peuvent s’offrir le loisir d’aller dans d’autres pays ou même d’autres provinces pour s’enquérir des mœurs éducatives et venir en témoigner ici au Québec. C’est rare essentiellement pour deux raisons : si on a le malheur de dépenser des sous pour autre chose qu’un besoin dans une classe, c’est inacceptable. Deuxièmement, nous sommes trop absorbés par l’urgence du quotidien scolaire et il nous est pratiquement impossible de nous affranchir de nos obligations pendant une ou deux semaines; le monde arrêterait de tourner !

Un investissement ?

Selon la planification budgétaire dévoilée en mars dernier, le Gouvernement québécois dépensera un total de 103.7G$ pour l’année. Il mettra un tout petit 1.5M$ de côté pour financer le Lab-école. On parle ici d’une minime partie du budget qui est investi à ce projet : 0.0014% des dépenses de l’état. Oui, je sais, 1.5M$ ferait toute la différence dans nos écoles, surtout dans celles en milieu défavorisé. Et si on considérait plutôt cela comme un investissement et une tentative de réinventer notre modèle scolaire qui semble être sur le respirateur artificiel ? Devrions-nous vraiment dénoncer 1.5M$ investis annuellement pour les cinq prochaines années, lesquels pourraient permettre de mieux organiser nos écoles et ainsi, entre autres :

  • Diminuer le taux de décrochage scolaire de façon durable;
  • Augmenter le sens d’appartenance des élèves, leur mobilisation et leur motivation;
  • En faire un lieu central dans nos quartiers, un lieu ouvert sur la communauté ?

On critique l’inaction des instances ministérielles ou gouvernementales. On critique également leur manque de créativité et de flexibilité. On les accuse d’être déconnectées des réalités des milieux scolaires. Quand ces mêmes instances accouchent d’un projet, que faisons-nous ? Nous les critiquons, bien évidemment ! Tant qu’à être critiqué, autant bien l’être en essayant de changer les choses. En ce sens, bravo monsieur le ministre de l’Éducation.

Il faut donc être réellement culotté pour critiquer des initiatives extérieures qui pourraient nous aider à travailler dans un environnement plus propice aux apprentissages et au bien-être de nos élèves. Nous manquons d’humilité. C’est un peu comme si les bonnes idées devaient nécessairement venir de l’intérieur du cercle. La vérité est crue : peu importe d’où viennent les idées en éducation, on les écrase, on les passe à la moulinette. Même, parfois (un peu trop souvent), on défait également ceux qui ont ces idées. Il n’y a pas de place pour le rêve dans notre profession : on a trop de correction, trop de paperasse, trop de « tâches connexes » pour lesquelles nous ne sommes pas payés. À s’écouter chialer, on se demande pourquoi notre travail n’est pas reconnu dans la société… on peine à reconnaitre le travail et les initiatives de nos propres collègues… Comment espérer être reconnu par « monsieur et madame tout le monde » ?

Donner la chance aux coureurs

Le Lab-école est-il viable ? Je pense que oui. Du moins, je leur donnerai la chance de le prouver et même, si je le peux, je ferai en sorte que ce projet réussisse. Je demeure disponible pour eux. N’importe où, n’importe quand, n’importe comment. Mon but et le leur est le même : faire de l’école une expérience de vie enrichissante pour moi et surtout, pour ceux que j’aime : mes enfants, mes élèves et mes collègues. Point à la ligne.

Cependant, il faut avertir les trois vedettes et le ministre : bonne chance ! Vous allez vous buter à un paquet d’obstacles que les acteurs de l’éducation placeront devant vous. Vous serez critiqués et même boudés. Nous sommes effectivement passés maitres dans l’art de se mettre des bâtons dans nos propres roues et dans celles de nos collègues. On vous critiquera sur idées de beurre d’arachides à la cafétéria (en passant, j’y suis allergique) ou sur les clôtures Frost qui ceinturent les terrains de nos écoles, et ce, bien avant que vous ayez pu débattre de ces idées entre vous et que vous les ayez présentées officiellement aux acteurs du milieu scolaire. On vous fera comprendre que vous ne connaissez rien en éducation et c’est justement ce pour quoi nous n’avons pas notre place parmi vous : nous avons perdu la faculté de rêver. Allez… au travail, messieurs, et ça presse.

 

REFER l’empreinte professionnelle

Impression

En visite à la quatrième édition du Rendez-vous des écoles francophones en réseau (REFER) à Québec, je dois vous avouer qu’il y a quelques petites perles à partager !

En effet, il y a quelques jours, je publiais un texte qui a fait réagir le milieu scolaire : les profs enseigneraient comme on leur a enseigné lorsqu’ils étaient eux-mêmes à l’école. Un ancien collègue de direction a d’ailleurs saisi l’occasion pour m’informer avoir entendu ceci lors d’une formation il y a quelques années : « Un prof, c’est un élève qui a changé de bord ! » Voilà qui est révélateur, non ?

Pourtant, je suis au REFER depuis tôt ce matin. J’y rencontre plein d’enseignants allumés qui parlent de créativité en pédagogie. Oui, les deux termes sont compatibles ! Et je dirais même plus : dans toutes les discussions que j’ai eues avec les congressistes, il a été question de collaboration. Autrement dit, on décloisonne la pédagogie en collaborant et en pensant à l’extérieur des cadres habituels dans lesquels nous menons le quotidien éducatif des élèves qui nous sont confiés ! Je serais même porté de prétendre que la créativité et la collaboration, du moins en pédagogie, vont de pair. Rien de moins. Il semble impossible d’aborder l’un sans l’autre !

Effectivement, au 21e siècle, il semble essentiel de sortir de son silo pour aller à la rencontre des autres enseignants afin d’explorer de nouvelles approches pédagogiques. Il semble illusoire de créer en pédagogie en étant seul dans son coin. Avec l’invasion des outils technologiques combinée à celle des médias sociaux, de nouveaux moyens s’offrent à nous et les possibilités pédagogiques sont décuplées. Devant ce vaste univers, choisir de demeurer seul et isolé est aussi déplorable qu’effrayant, car cela risque fort de conduire l’enseignant lentement vers un trou noir, pour y être complètement aspiré. Le plus effrayant est certainement le statu quo dans un monde en mouvement, non ?

Pour sa part, le REFER contribue à défaire cette culture traditionnelle en enseignement pour instiller un vent de changement. Il aide à défaire cette vieille empreinte tenace pour en implanter une nouvelle plus flexible et mieux ancrée dans le siècle actuel. En ce sens, il contribue à REFER l’empreinte professionnelle des enseignants.

Les compétences du 21e siècle

Le ministre de l’Éducation Sébastien Proulx a, encore une fois, su séduire son auditoire enseignant. Pour ma part, j’ai retenu une chose de son discours : il a abordé la question des compétences du 21e siècle. Eh bien, je ne pensais jamais entendre ceci de la bouche d’un ministre ! Cela démontre qu’il est d’avant-garde et qu’il maitrise bien ses dossiers. J’oserais même dire qu’il est plus à l’avant-garde d’un bon nombre d’enseignants, de directeurs, de syndicats, de bureaucrates et de politiciens !

Le ministre dit vouloir rassembler des enseignants allumés pour jaser de la place des technologies en éducation. Présent ! On est rendu là depuis un bout et il est temps qu’on en parle sérieusement. Bravo pour l’initiative !

La est également bien installée : 9 élèves en mode création en direct. Une imprimante 3D roule sans arrêt. Un drone prêt à voler ! Des launch pads, des ordinateurs, des caméras 4K, etc. Quelle est la réaction des enseignants ? Il y a de l’émerveillement, de l’étonnement, mais c’est surtout la phrase suivante qui sort de leur bouche : « on n’avait pas ça quand on allait à l’école ! »

Sommes-nous en train de briser le réflexe culturel lié à l’empreinte professionnelle en enseignement ? Probablement. Ce genre de commentaire nous laisse croire que nous sommes effectivement sur la bonne piste !

 

Si l’évaluation n’était pas une finalité…

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Si l’évaluation n’était pas une finalité au Québec, le quotidien scolaire de nos élèves serait bien différent. Voici quelques exemples éloquents :

La rétroaction serait présente souvent et tôt dans le processus d’apprentissage

Pour une fois que les chercheurs en éducation pointent tous dans le même sens ! La rétroaction en cours d’apprentissage est incontournable. Bien malheureusement, bon nombre d’enseignants n’ont pas compris cela encore et la seule rétroaction disponible est le résultat d’une évaluation qui, avouons-le, survient trop tardivement dans le processus d’apprentissage. Bien au contraire, cette pratique devrait tapisser toute la démarche académique et y jouer un rôle central.

Voilà une preuve accablante que nous accordons plus d’attention à l’évaluation en tant que produit fini considéré à tort comme imperfectible plutôt qu’à la progression de la démarche elle-même. Si, en corrigeant, vous percevez qu’il y a une grande place à l’amélioration, peut-être que la rétroaction est l’ingrédient manquant à la recette pour le succès ?

Les possibilités de plagiat seraient minimes

Cette citation tirée du pour une pédagogie renouvelée, active et contemporaine en a fait sourciller plus d’un : « L’évaluation, dans un contexte numérique, est donc à remanier. À quoi vont servir les quantités phénoménales d’informations dans lesquelles l’élève est plongé quotidiennement ? Pourquoi l’évaluer en lui posant des questions auxquelles Google pourrait si facilement lui répondre ? ».

La qualité de l’évaluation reflète bien souvent celle de la pédagogie et cette dernière, trop souvent, est complètement déconnectée des réalités sociales contemporaines. Tous ces enseignants qui s’évertuent à enseigner comme il y a 20 ans continuent à évaluer de la même façon, et ce, malgré que les élèves aient accès à d’autres outils qui n’existaient pas à l’époque. Souvenez-vous bien : avant, dans le bon vieux temps, à l’époque où tout était mieux que maintenant (sic), le plagiat se limitait presque à poser les yeux sur la copie de son voisin ou à la réutilisation du travail d’un collègue. Aujourd’hui, avec ses milliards de pages, il y a de belles possibilités de copier du matériel issu d’Internet. Cette situation est exacerbée par le fait que l’évaluation n’a malheureusement pas évolué : nous posons toujours les mêmes questions mobilisant pratiquement les mêmes savoirs déclaratifs au même moment, au lieu de mobiliser la globalité de l’élève au sens où, on rend compte de qui il est devenu (en prenant pour acquis que l’apprentissage a un effet transformateur chez l’apprenant), de ce qu’il sait et surtout, de comment il transfère ce qu’il a appris dans des situations authentiques issues de son monde.

Bref, il est facile de plagier quand ce qui est attendu des élèves équivaut à régurgiter ce qu’ils ont présumément appris ou à chercher des réponses sur lesquelles des millions de personnes se sont déjà penchées précédemment. Et c’est là que la créativité entre en jeu. Pourquoi ne pas reproduire, par l’évaluation, des contextes réels, susceptibles d’intéresser les élèves, au lieu de s’évertuer à demeurer dans un laboratoire contrôlé ?

Les évaluations seraient différenciées

On réviserait nos modes évaluatifs tous les ans en fonction de nos élèves plutôt que de réutiliser les mêmes évaluations au même moment de l’année. Cela a deux fonctions principales. La première : elle permet à l’enseignant de façonner l’évaluation en fonction des élèves présents en classe. La différenciation pédagogique n’est pas que pour l’enseignement ; elle est pour l’évaluation aussi ! En second lieu, comment se sentent les élèves face aux épreuves récurrentes ? Soit que l’enseignant dit « l’examen est difficile. Les élèves échouent toujours cette partie » ou que cette rengaine provient de leurs propres compagnons de classe : « c’est le même examen. Il est difficile ! Eille, bonne chance ! » Bref, peut-on cesser cette routine évaluative ? On y évalue les élèves d’aujourd’hui avec des approches axées sur ceux d’hier ! Quel décalage humain rétrograde ! Cessons de rechercher l’épreuve uniformisée !

Il n’y aurait pratiquement aucune pénalité pour des travaux remis en retard ou non remis !

En Ontario, il a été question de cesser de pénaliser les élèves qui remettent leurs travaux en retard ou qui ne le remettent pas du tout sous prétexte que cela nuit à la réussite. Bien évidemment, ceux-ci ont une obligation d’implication dans leurs propres études et ils doivent démontrer une honnêteté intellectuelle, mais faut-il ajouter une pénalité supplémentaire à celle qu’ils s’infligent eux-mêmes ? La commission scolaire ontarienne de York Region estime, dans son document de règles et procédures intitulé « Procedure #305.1, Timely Completion and Submission of Assignments for Evaluation, Grades 7-12 », que l’élève se pénalise lui-même puis qu’il semble évident que l’apprentissage s’insère dans un momentum, au moment où il est réalisé dans la classe, avec tous les participants. Si le travail est remis deux mois plus tard, l’élève s’affranchit volontairement de ce momentum et choisit de travailler à l’extérieur d’un contexte favorable mis en place par un enseignant bienveillant.

Dans ce document, il est question de la responsabilité qu’a l’élève de démontrer, par des artéfacts et des traces, du degré de maitrise d’une compétence. Dans le cas où il choisit de ne pas le faire, le zéro est la dernière solution et il est clairement indiqué que ce zéro, le cas échéant, ne doit aucunement entrer dans le calcul de la note finale puisque ce zéro témoigne davantage de compétences liées à l’organisation de l’apprentissage ou aux habitudes de travail plutôt qu’à l’apprentissage lui-même.

Au Québec, on est loin de là. Un travail non remis, et on l’entend souvent dans nos écoles, « ce n’est pas mon problème ». Même, à la limite, c’est moins de travail. En Ontario, il est attendu de l’enseignant qu’il communique avec les parents, prenne une entente avec l’élève, le talonne, lui donne de l’aide supplémentaire, etc. Bref, un travail non remis en Ontario, c’est tout un problème et une grande charge de travail. Un travail non remis, c’est définitivement le problème de l’enseignant et c’en est tout un ! Ce problème doit être partagé par tous les intervenants externes à l’élève et l’enseignant, en l’occurrence les parents et la direction d’école.

Autrement dit, l’évaluation n’est pas une fin en soi. C’est une étape de l’apprentissage et l’occasion pour l’enseignant d’utiliser divers instruments pour mesurer où en sont les apprenants sous sa responsabilité. Et l’outil évaluatif le plus important, ce ne n’est pas l’examen ou le travail à remettre ; c’est le jugement de l’enseignant, sa capacité à observer les indices visibles et à en témoigner.

En fait, l’évaluation des élèves ne révèle pas seulement des indices sur l’apprentissage des élèves ; elle en révèle également énormément sur les pratiques pédagogiques de l’enseignant !

Le gala des profs qui dérangent…

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Un jour, j’ai complimenté ma plus vieille alors que ma plus jeune était tout près : « Bravo ma grande. Tu as bien travaillé ! » Et ma plus jeune de répondre : « Et moi, j’ai mal travaillé ? ». Cette petite histoire familiale banale traduit bien ce qui se produit dans le monde professionnel de l’éducation lorsque des enseignants sont félicités par leurs supérieurs immédiats ou un professionnel d’encadrement à la suite d’un accomplissement particulier :

« Moi aussi je fais de belles choses et je ne suis jamais félicité ! »

« Ce sont toujours les mêmes qui sont félicités. »

« Bon… encore le têteux de boss ! »

« C’est du favoritisme ! »

Il n’est pas facile de renforcer des enseignants dans leur travail ! À titre d’exemple, je me souviens, il y a plusieurs années, la présidente du syndicat était venue me rendre visite dans mon bureau : « Je suis mal à l’aise que tu prennes du temps dans les journées pédagogiques pour féliciter des enseignants. » J’en étais frappé de stupeur ; je ne pouvais croire que celle qui devait représenter ses membres et veiller à leurs intérêts venait expressément de me demander de cesser de les encourager et de souligner leur(s) accomplissements(s). « Oui, tu en félicites un ou deux. Et les autres ? » Elle m’a expliqué que cela rendait la majorité mal à l’aise, ainsi que les enseignants félicités.

Malheureusement, cet exemple n’est pas un cas isolé. Combien d’enseignant brillent d’ingéniosité et d’innovation sans être reconnus dans leur milieu ? Je veux bien croire que nul n’est prophète dans son pays, mais les plus persévérants iront chercher cette reconnaissance à l’extérieur de leur milieu. Voilà qui est triste et pathétique : ils ont souvent un plus grand effet dans d’autres milieux que les leurs ! Dans leur école, ils sont souvent ostracisés ou font l’objet de railleries, et ce, quand ils ne sont pas carrément victime d’intimidation !

Voilà qu’en même temps, cette profession en mal de reconnaissance est en proie aux impératifs de nivèlement vers le bas, elle qui a du mal à gérer le renforcement positif ! Quel paradoxe ! Pourtant, la reconnaissance n’est-elle pas le principal facteur d’une équipe efficace (Wils et Tremblay, 2002) ? Pour espérer une reconnaissance sociale, il faudrait bien que cette dernière vienne d’abord des pairs, non ?

Un enseignant qui brille par son sens de l’innovation et par ses initiatives en est un dont la renommée rejaillira directement sur le milieu, donc sur ses collègues. Le problème en éducation, c’est simple : quand un professionnel s’élève, ceux qui sont incapables de s’élever à leur tour se sentent menacés. Il est donc plus simple de faire le nécessaire pour ramener son collègue sur Terre plutôt que de s’élever à son tour.

Pourtant, dans plusieurs milieux professionnels, on fait le contraire. Les cabinets d’avocats sont fiers d’avoir les meilleurs dans leur firme. Lorsqu’un médecin développe une nouvelle expertise, sa renommée rejaillit sur toute sa profession et même sur le domaine de la santé au complet. Cela fouette même les autres à rivaliser d’ingéniosité à leur tour. Même les artistes ont cet effet : lorsqu’un musicien se dépasse au sein d’un groupe, c’est le groupe en entier qui en bénéficie ! Idem lorsqu’il est question de la distribution d’acteurs ou de comédiens dans un film, une série ou une pièce de théâtre. Il existe même des galas qui mettent en valeur les réalisations de certaines professions : entrepreneurs, sportifs professionnels et les artistes, mais pas pour les professionnels de l’éducation ! Il y a même l’employé du mois chez McDonald’s, mais pas dans nos écoles !

Le gala des professionnels de l’éducation

En parlant des galas, imaginez un gala des professionnels de l’éducation…

« Et l’enseignant de mathématique qui s’est le plus démarqué au Québec en 2016 est… »

Panique. On sort les quolibets et les « on sait ben… » :

« On sait ben… il enseigne au privé » ou « C’est injuste, il a moins d’EHDAA que moi » ou « Moi, j’enseigne dans un quartier défavorisé », etc.

« Et le directeur d’école qui s’est le plus démarqué au Québec en 2016 est… »

On continue avec les railleries :

« C’était évident. Sa femme est bien placée au cabinet du ministre » ou « Je connais un parent dont la fille va à son école. Il parait qu’il est hautain » ou « Il y a trois profs en burnout dans son école », etc.

« Et l’école qui s’est la plus démarquée au Québec en 2016 est… »

« C’est une école publique située dans un quartier favorisé » ou « Ils sélectionnent leurs élèves en musique, à l’éducation internationale, et au sports-études », etc.

C’est triste. Le fait est qu’en éducation, nous sommes nés pour un petit pain en s’adaptant toujours au plus faible des maillons de la longue chaine que nous constituons. Nous nous livrons trop souvent à nos plus bas instincts : jalousie, envie, commérages, etc. Ne pourrions-nous pas être fiers de ce que l’autre réalise et s’en servir comme tremplin vers notre propre croissance professionnelle ?

Nous sommes nés pour un petit pain en s’adaptant toujours au plus faible des maillons de la longue chaine que nous constituons.

La reconnaissance sociale de la profession enseignante (au sens large du terme) viendra lorsque que nous saurons constituer un rempart de fierté protégeant les meilleurs d’entre nous au lieu de les placer en situation où il est devenu obligatoire de prêter flanc aux pires critiques acerbes de nos collègues lorsque nous tentons d’innover ou de nous dépasser.

Vous trouvez que j’exagère ? Vraiment, j’en doute. Je ne peux évidemment pas certifier que cela est présent dans toutes les institutions scolaires, mais j’ai la chance de côtoyer des enseignants novateurs issus de partout au Québec et je pense qu’extrapoler ce que je décris n’est probablement pas si loin de la réalité ! Et pendant qu’on y est, si vous jugez qu’autour de vous « on félicite toujours les mêmes », eh bien… posez-vous des questions !

 

 

Wils, T. et Tremblay, M. (2006) La mobilisation des ressources humaines : une stratégie de rassemblement des énergies de chacun pour le bien de tous. La mobilisation des personnes au travail. Collection « racines du savoir » p. 34-58.

Les derniers retranchements

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À l’origine, nous estimions que le changement en milieu scolaire se mettrait en oeuvre par la force de la mouvance sociale, à savoir que la perméabilité entre ce qui se passe dans la société et ce qui se passe à l’école finirait rapidement par imprégner le tissu scolaire d’avant-gardisme et d’innovation. Nous avions tort; le processus se fait, certes, mais très lentement. Par la suite, nous avons compris que les résistances aux changements dans les milieux scolaires étaient dues à des réactions humaines, normales dans les circonstances : peurs, réticences, croyances établies, forte tradition, etc. En conséquence, plusieurs commissions scolaires et écoles ont mis l’accent sur le leadership transformationnel pour voir émerger le changement directement des classes. Voici quelques observations que j’ai eu l’occasion de faire cette dernière année à travers plusieurs discussions et rencontres que j’ai eues avec plusieurs agents de changements issus d’écoles du pays en entier.

Les fractures pédagogiques et technologiques

Plusieurs décideurs scolaires ont choisi d’outiller les enseignants novateurs pour leur permettre de s’affranchir des contraintes pédagogiques, culturelles et organisationnelles qui les forcent à se complaire dans un modèle scolaire qui ne leur ressemble plus. Ces décideurs voyaient une occasion de contribuer à mettre un terme au nivèlement vers le bas des pratiques pédagogiques pour offrir des modèles professionnels accessibles et rendre l’ambition des leaders locaux enfin accessible. Si cette stratégie a permis à plusieurs professionnels de l’éducation de s’élever et s’émanciper pédagogiquement, il n’en demeure pas moins qu’un autre constat se dresse : les fractures pédagogiques et technologiques se sont accrues ! Si les uns se sont élevés, d’autres sont demeurés là où ils campent depuis belle lurette. Désormais, il y a un schisme, une scission entre les pratiques novatrices des uns et celles plus traditionnelles des autres.

Et qui parcourt quotidiennement cette distance sans cesse grandissante entre les pratiques enseignantes ? L’élève. La question est désormais la suivante : comment rétrécir les fractures pédagogiques et technologiques sans compromettre l’audace pédagogique et ainsi niveler vers le bas ?

La réponse est simple en théorie, mais complexe en pratique : pour paraphraser l’inspirante , il faut adopter le « no teacher left behind » (clin d’œil au « no child left behind » américain). Il est impératif d’aller vers les enseignants rébarbatifs à revoir leurs approches pédagogiques et leur démontrer clairement ce qu’ils ont à gagner et comment leurs élèves en bénéficieraient. Peut-on leur donner accès à conseiller ou mentors pédagogiques ? Les accompagner pédagogiquement en leur permettant de se faire eux-mêmes un plan de développement professionnel ? Ou encore, peut-on les inviter dans différentes communautés d’apprentissages et de partage d’expertises professionnelles dans lesquelles ils peuvent autant contribuer qu’apprendre ?

Sachant pertinemment que pratiquement tous les enseignants qui cherchent à se réinventer le font déjà en profitant d’un contexte didactique favorable à cet égard depuis quelques années, il n’en demeure pas moins qu’il faut accepter que ce ne sont pas tous les enseignants qui sont dans cette prédisposition. Néanmoins, tous doivent instiller une mentalité de croissance professionnelle en tout respect au rythme de chacun. Il importe d’être en mouvement alors que les leaders scolaires mesurent souvent leur ascendant sur la vitesse des professionnels qu’ils aspirent à influencer.

Savoir se réinventer

Cela dit, il faut aller chercher les professionnels de l’éducation dans leurs derniers retranchements. Ils savent tous que tôt ou tard, ils devront changer leurs approches pour les moderniser. Ils savent que ce qui se passe autour d’eux finira par les forcer à adopter une nouvelle posture professionnelle. Ils s’accrochent tant bien que mal à leurs conceptions originales de ce qu’est leur propre profession.

Chaque jour, je découvre de nouveaux enseignants qui sortent de leur silo professionnel. Je les rencontre dans les médias sociaux, à des colloques, congrès, conférences, activités de réseautage, à la lecture de leurs blogues, dans des écoles, dans leurs classes, etc. On en veut plus : plus souvent et plus rapidement. Si ces « nouveaux venus » sont de plus en plus visibles, je doute que nous ayons atteint une masse critique pour faire basculer ce système désuet qui convient plus aux professionnels de l’éducation qu’à leurs élèves.

Pour 2017, j’invite tous ceux qui œuvrent dans l’éducation québécoise, à faire preuve d’audace professionnelle pour ainsi collaborer pour, ultimement, aspirer à ce que nos élèves fassent de même dans leur démarche d’apprentissage. J’invite tous les professionnels de l’éducation à sortir de leur silo dès 2017 pour rejoindre leurs confrères et consœurs et ainsi former une immense communauté d’apprentissage et de partage d’expériences qui sera à la base du renouvèlement des pratiques professionnelles en éducation, et ce, autant pour les enseignants que le personnel de soutien ou de direction.

Six (ou sept) idées pour vous aider à améliorer votre pratique en éducation

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Dans une démarche d’amélioration professionnelle continue et de mentalité de croissance, il m’apparait important de prendre le temps de saisir l’arrivée d’une nouvelle année pour réfléchir à ce qui a bien fonctionné dans nos actions éducatives et ce sur quoi nous devons nous améliorer. À défaut d’être en mesure de le faire immédiatement, la résolution pourrait être de mettre un système permettant l’amélioration des pratiques l’année suivante.

Quoi qu’il en soit, voici six (ou sept) idées pour vous aider à améliorer votre pratique professionnelle en éducation :

Alimenter régulièrement une liste de gestion des tâches (to-do list)

La critique la plus dure, bien souvent, vient de vous-même. Dans le feu de l’action, vous réalisez que telle chose ne fonctionne pas bien ou que, la réaction de vos élèves n’est pas à la hauteur de vos attentes. Que faites-vous ensuite ? Le monde scolaire est cyclique : ce que nous faisons aujourd’hui risque fort d’être répété les années suivantes sensiblement à la même période. Cela offre donc une occasion d’amélioration. Cela dit, comment vous vous y prenez pour vous assurer de tout prendre en note pour l’année suivante ?

Je vous recommande fortement d’utiliser un logiciel de gestion des tâches. Dans tous les téléphones intelligents et ordinateurs, il y en a une, mais trouvez-en une qui se synchronise avez tous vos appareils. Vous pourrez saisir vos idées peu importe où vous êtes, au moment où vous le souhaitez. Pour ma part, j’utilise Todoist qui est intuitif, puissant, multiplateforme et disponible dans plusieurs langues, dont le français !

S’impliquer dans des activités de formation continue

Mon collègue récemment : « l’enseignant est aussi apprenant. La formation initiale n’est que ça, initiale ». Il s’agit de deux grandes vérités qui doivent faire partie de la conscience professionnelle de tout intervenant en éducation : d’une part, nos études universitaires ne sont pas suffisantes pour garantir 35 années à œuvrer auprès des jeunes qui sont à l’image d’une société en pleine évolution et, d’autre part, ces professionnels doivent adopter une posture d’apprenant. En effet, il n’y a aucune dichotomie professionnelle entre enseignement et apprentissage : les meilleurs enseignants sont souvent les meilleurs apprenants !

Les meilleurs enseignants sont souvent les meilleurs apprenants !

Enfin, la recherche en éducation est en pleine effervescence et elle est facilement accessible. Tous les professionnels en éducation doivent la consulter et se tenir à jour des avancées. Le RIRE-CTREQ est habituellement un bon carrefour scientifique en éducation et en voici un bon exemple.

Lire des livres, des articles de blogue, visionner des vlogs

On parle de plus en plus d’éducation dans les médias traditionnels. De plus en plus de praticiens ou de chercheurs écrivent des livres accessibles ou rédigent des articles de blogue. Internet regorge de ressources fantastiques pour suivre des gens inspirants qui ont des idées novatrices. Profitez de cette manne !

À titre d’exemple, lisez mon livre et celui de Jean-François Roberge, parmi tant d’autres.

Participer à une communauté d’apprentissage et de partages d’expériences professionnelles (CAPEP)

Sortez de votre silo et entrevoyez l’immensité des possibilités en éducation, lesquelles sont décuplées au contact d’autres passionnés de l’éducation. Ouvrez-vous un compte et sélectionnez minutieusement ceux qui feront désormais partie de votre garde rapprochée virtuelle. Pour savoir qui suivre sur Twitter en éducation, voici les .

Il existe également une pléthore de groupes Facebook formés d’enseignants : abonnez-vous à ceux qui vous intéressent ! Certains de ces groupes comptent des dizaines de milliers de membres ! Voilà deux façons de participer à un CAPEP en direct du confort de son foyer ou de son bureau !

Essayer une nouvelle approche

Il faut essayer de nouvelles choses; il est faux de prétendre que ce que vous faisiez il y a 15 ans peut être reconduit avec succès dans les 15 prochaines ! Vous avez certainement des formules gagnantes, certes, mais comment peuvent-elles devenir encore meilleures ? Vous avez également des formules que vous savez que vous devez changer. Pourquoi ne pas remplacer ces dernières ? Prenez votre temps pour élaborer votre nouvelle approche et lorsqu’une idée surgit, notez-la (voir point 1).

Impliquer les élèves

Les élèves doivent avoir leur mot à dire dans ce qui est à la base de leur démarche d’apprentissage. Consultez-les et mettez-les à contribution. Laissez-leur la chance d’élaborer des activités d’apprentissage et même, des activités d’évaluation. Sollicitez leur opinion. Servez-vous d’eux pour améliorer votre travail auprès d’eux.

Corrigez moins !

Pour les enseignants, corrigez moins ou plutôt, évaluez différemment. Vous certainement passez trop de temps à corriger des textes, devoirs, examens, etc. N’oubliez pas que vous avez un pouvoir de jugement et que ce dernier doit s’appuyer sur des traces. Ces traces ne sont pas seulement des évaluations conventionnelles dont la somme des pondérations doit donner 100%. Servez-vous de , de ChallengeU ou d’autres logiciels ou plateformes pour consigner les travaux des élèves et vos impressions sur leur élaboration.

Donner une rétroaction efficace à vos élèves en cours d’apprentissage permet non seulement de consolider les apprentissages et de mieux réussir, mais aussi, cela vous aide à sauver du temps de correction.

L’évaluation fait partie de l’apprentissage. Il faut cesser d’y voir une fin en soi et la considérer comme étant un outil de mesure de l’apprentissage mis en place à des moments stratégiques pour mieux adapter notre enseignement en fonction des buts à atteindre. Je sais, c’est gros : il faut changer les mentalités des élèves, des écoles, des parents, du système scolaire en entier en plus de celle des enseignants. Cependant, force est d’admettre que l’évaluation prend trop de place dans nos écoles et qu’elle est devenue trop protocolaire, officielle et lourde de conséquences. Conséquemment, elle devient source de stress et d’angoisse pour tous !

Je vous souhaite une bonne année 2017, remplie de projets.

 

Inspiré de

 

Le royaume des éteignoirs

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C’est triste à écrire, mais ça fait quelques années que le cynisme a imprégné plusieurs sphères de la société occidentale. L’exemple le plus probant exprimant cette réprobation des modèles traditionnels est certainement l’élection de Donald J. Trump. En fait, la remise en question des modèles traditionnels ne m’inquiète pas. Bien au contraire ! Ce qui m’inquiète, c’est la façon dont cela se traduit dans les relations entre les humains.

Même à Percé, un lieu pittoresque et normalement tranquille, un référendum portant sur un projet de développement commercial de 1.8M$ a fait l’objet d’une réelle campagne de peur. Cela s’est traduit par le rejet du projet et la démission de six conseillers municipaux.

De Percé aux États-Unis, je vous dirais bien honnêtement qu’en éducation, l’amalgame cynisme et campagne de peur, c’est du connu !

Il est bien plus facile de s’opposer plutôt qu’agir et s’investir en se responsabilisant. Effectivement, ne rien faire désengage, mais implique une responsabilité ultérieure encore plus lourde ! Bien que cette responsabilité soit bel et bien présente, elle n’est évidemment pas assumée lors de l’échec. Ces critiques blâmeront sans retenue les initiateurs de la démarche de changement pour l’échec survenu, alors que leur désinvestissement est certainement autant à blâmer, sinon davantage. Ils ne réalisent pas qu’ils participent plus au problème qu’à sa solution. Bref, critiquer donne la possibilité de se désinvestir en se donnant le beau rôle : les critiques pourront toujours dire : « Je vous l’avais dit ! »

img_0034Ils justifient leur immobilisme en se permettant de dénigrer ceux qui se démènent pour voir au succès de l’implantation du projet. Comme quoi, pour paraphraser Carl Leblanc, romancier québécois, « certains critiques sont capables de détruire, mais incapables de créer ». Le proverbe ouzbek suivant traduit également bien cette situation : « le confort est l’énergie de celui qui ne veut pas relever de défis ».

Du courage… 

le répète ad nauseam. On a besoin de courage en éducation. J’extrapolerais : on a besoin de courage dans la société pour faire changer les choses, et ce, malgré que tous les ingrédients soient rassemblés pour nous faire craindre le pire : contextes financiers difficiles, éclatement des modèles de référence traditionnels, bouleversements sociaux, instabilité politique, etc. Il faut continuer à avoir le courage d’avancer et, justement, il faut se servir des contraintes qui nous sont imposées pour innover : comment un emprunt de 1.8M$ pour une petite ville peut-il servir de levier au développement économique régional et à la réalisation d’éventuels revenus pour une rentabilité rapide ? Dans la même veine, comment peut-on repenser nos écoles, incluant le travail de ceux qui y œuvrent quotidiennement ?

Le courage d’innover n’est peut-être pas à la portée de tout le monde. Chacun a sa personnalité. Cependant, le courage de se rallier est à la mesure de tous. Autrement dit, on peut bien débattre en long et en large, mais quand une décision est prise, il faut se rallier rapidement pour assurer la pérennité de nos institutions. Le courage fait en sorte que tous mettent la main à la pâte et rament dans le même sens pour que le changement mis en place puisse réussir. Quand les humains sont aptes à laisser leurs velléités de côté au profit du bien commun, c’est à ce moment que les liens se tissent et qu’on parvient, tous ensemble, à s’affranchir des forces gravitationnelles qui nous retiennent bien ancrés dans notre confort.

Autant dans les villages que dans le monde de l’éducation, il y a trop de place au leadership négatif, celui qui par la peur, la médisance ou le caquetage réussit à paralyser les autres. Il faut croire que cette dernière se transmet plus facilement que l’espoir ! Présentement, ces timorés ont trop de place dans nos institutions. La norme est de voir ces derniers se plaindre et chialer contre tout. Ils ont une belle écoute de la majorité silencieuse. Et pourquoi ne pas inverser cette norme ? Prendre le plancher pour ceux qui ont des idées et un plan pour les mettre en place, ceux qui osent prendre de « beaux risques » ?

Nous vivons dans une démocratie qui s’ankylose et s’atrophie. Un système où l’oisiveté habite le gros de ses immenses tentacules. La belle ville de Percé vient probablement de le réaliser violemment alors que ceux qui évoluent en éducation réalisent quotidiennement ce qu’il en est. Malheureusement, l’éducation est le royaume des éteignoirs. Il n’y a qu’une façon de s’en sortir : allumer le plus de réverbères possibles.

Il faut bâtir. Il faut innover, et ce, autant à l’école que dans le reste de la société. L’occasion est là pour l’école : devenir la locomotive plutôt que l’éternel wagon à tirer.

N’importe qui peut enseigner

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Visiblement, l’écart continuera toujours de croitre dans les pratiques des milliers d’enseignants québécois et, contrairement à ce qu’on peut penser, ce n’est pas la technologie qui en est la nature, mais bien la conception de l’éducation de ces mêmes enseignants qui est en cause. Ceux-là mêmes qui, encore et toujours, se tiennent debout devant leur classe, calcifiés, craie à la main en répétant toujours les mêmes choses, au même moment, année après année.

Ces automates-en-chef-qui-forment-des-automates-en-devenir
Au diable l’autonomie professionnelle de l’enseignant qui choisit ses approches et ses outils! Plutôt, il doit appliquer des recettes datant des années 1600 et d’autres issues des années 1900 sans remettre quoi que ce soit en question. Exit la pratique réflexive! La culture et la tradition doivent avoir préséance coûte que coûte et elles doivent déterminer comment l’enseignant doit enseigner. Avec cette conception de l’enseignement, à quoi bon imposer quatre années d’université? Avec cette conception de l’enseignement, n’importe qui peut enseigner! L’important est qu’il ait des histoires à raconter et qu’il puisse faire état de l’immensité de ses connaissances! Point final. Le discours, enflé d’une inépuisable rhétorique n’a pas à être connecté sur les besoins des élèves. Vu qu’il se fait sans appareils numériques, il est automatiquement connecté sur l’élève… vous savez, rien de mieux qu’un bon lien d’humain à humain sans intermédiaire. Comme si le pédantisme ne constituait pas une entrave pédagogique en soi!

Cette outrecuidance (ou naïveté éduquée) pousse même ces maîtres de l’axiomatique à prétendre développer l’esprit critique de leurs élèves… tant qu’ils font exactement ce qui leur est demandé.

Les élèves incultes
Justement, et l’élève là-dedans? Bah, il est inculte et absorbé par un contenu éphémère d’une pop culture disponible et relayée par ses appareils numériques. Il est une honte à notre glorieuse civilisation. C’était tellement mieux dans la Grèce antique…

Et la rétroaction? On s’en fout… souvenez-vous que l’activité pédagogique ne va que dans un sens: celui de l’enseignant vers ses élèves.

Et la collaboration? Ha! Les élèves perdent leur temps en groupe et ils ne savent pas travailler en équipe (Notez l’ironie ici: ils ne savent pas faire quelque chose, personne ne leur enseigne comment le faire et, en plus, on les critique de ne pas savoir comment le faire!)!

Et la différenciation pédagogique? Si les élèves se forçaient en classe et qu’ils faisaient leurs devoirs, on n’aurait pas besoin de différencier!

Et la formation continue des enseignants? Avez-vous vraiment besoin de formation si vous faites toujours les mêmes recettes?

Vous en avez assez?
Vous êtes exaspéré de lire ces inepties dans les journaux ou sur internet? Moi, non. Voici pourquoi :

1. Je m’attends à lire cela. Et on n’a pas fini!
2. Les positions rétrogrades soutenues par ces auteurs dépassés par l’avancement social, ne sont habituellement pas celles du commun des enseignants. Ce sont des commentateurs qui demeurent dans les idées et qui ne feraient certainement pas long feu dans une classe. Ils rejoignent une minorité d’enseignants qui se sentent réconfortés par des idées. Vous savez, ces enseignants qui, depuis 15 ans, prédisent l’échec de la Réforme…?
3. La pratique universitaire commence à prendre le virage de l’enseignement au 21e siècle. Lorsque je lis les travaux de professeurs comme Margarida Romero, Thérèse Laferrière, Thierry Karsenti, Éric Morissette, Robert David (ainsi que plusieurs autres), je me dis que nous sommes sur la bonne voie!
4. Le monde de l’éducation est en pleine mutation et à tous les jours, des enseignants prennent le virage du changement. Ils changent leurs approches, leurs outils didactiques, l’aménagement de leur classe, la nature de l’évaluation, etc. Il y en aura toujours qui résisteront et ce qui est rassurant, c’est qu’il y en a de moins en moins.
5. Il faut se concentrer sur ces enseignants, ceux qui sont en mouvement. Il faut les outiller et les épauler.
6. En effet, il y a de plus en plus d’enseignants qui adoptent des postures d’apprenants et qui comprennent désormais que le domaine de l’enseignement ne peut être pris pour acquis. Il est flexible, intangible, insaisissable et impossible à cerner dans sa globalité. Ils comprennent également que l’impression de détenir la vérité dans cette profession est le début de la fin, car l’étrange impression d’être au sommet de sa profession implique qu’il ne reste qu’un seul chemin à prendre: celui du déclin. Il est difficile d’accepter que certains de nos confrères font ce choix, mais au moins, ils ne sera jamais trop tard pour prendre le chemin de la prédisposition à se dépasser!

Pour en revenir à la façon dont on considère nos élèves, je me dis que si nous aspirons à être le reflet de la mentalité de croissance que nous souhaitons insuffler chez nos jeunes, il faut bien évidemment commencer par l’incarner!

Bref, si n’importe qui peut enseigner, force est d’admettre que ce n’est pas n’importe qui qui peut apprendre! Et c’est là qu’on distingue les bons enseignants du reste: ils réalisent que l’enseignement n’est pas donné à tous, mais que tous nos jeunes (et moins jeunes) peuvent apprendre. L’effet enseignant, ça va dans les deux sens!

NB: Merci à David Chartrand de ChallengeU pour la permission d’utiliser son image!

Lettre ouverte au ministre de l’Éducation du Québec

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Monsieur le Ministre,

Récemment, j’écoutais une bribe d’une de vos entrevues tenues à la radio de Radio-Canada. En vous paraphrasant, vous mentionniez que vous souhaitiez trouver les leviers qui mèneraient un maximum d’élèves vers la réussite scolaire.

Cette préoccupation, je suis certain que vous le savez déjà, est partagée par une très forte majorité des intervenants du milieu scolaire, sans égard à la nature de leur travail auprès des élèves. J’ajouterais qu’elle l’est d’ailleurs depuis fort longtemps. L’objet de ma lettre ouverte est de vous sensibiliser à l’importance de cesser de tenter de rénover le système d’éducation qui se caractérise désormais par sa désuétude et d’envisager, enfin, de reconstruire un nouveau modèle scolaire pour le Québec. Bref, la réussite ne pourrait-elle pas se trouver dans un autre paradigme ? Si ses leviers se trouvaient toujours dans le système actuel, je crois qu’avec tous les intervenants de qualité qui y œuvrent quotidiennement, nous les aurions trouvés.

À cet égard, je citerais Richard Buckminster Fuller : « On ne change jamais les choses en combattant la réalité existante. Pour changer quelque chose, construisez un nouveau modèle qui rendra obsolète celui existant ». Là est notre problème, du moins depuis 2001 : ce qui a longtemps été appelé le Renouveau pédagogique était novateur, mais construit sur d’anciennes bases, toujours présentes. C’était un renouveau mi-figue, mi-raisin, une vieille Chevette dans laquelle on place un moteur de Porsche 911 Turbo.

À la base, Monsieur le Ministre, que souhaitons-nous tous ? Nous voulons que les élèves aient envie d’être à l’école et qu’ils s’y sentent bien, sans nécessairement voir leur parcours scolaire comme étant un passage obligé. À cette ultime priorité, nous souhaitons éduquer (instruire est un peu trop limité !) nos jeunes en plus de les rendre compétents, connaissants et en mesure d’assumer leurs éventuelles responsabilités sociales, professionnelles, familiales, etc.

Pour ce faire, j’aimerais humblement vous faire quelques propositions pour une école bien ancrée au 21e siècle :

Une école ouverte et flexible

J’aimerais voir une école ouverte où les élèves avancent à leur propre rythme et où les parcours d’apprentissages sont multiples. On parle souvent de différenciation pédagogique; je crois qu’il est temps de donner une réelle portée à ce terme qui est utilisé dans toutes les écoles quotidiennement. Cessons de différencier exclusivement dans la salle de classe; différencions les parcours d’apprentissages des élèves ! Ne pourrions-nous pas permettre à nos élèves de choisir les cours auxquels ils sont inscrits et dans quel ordre ils pourraient les suivre ? Bien évidemment, il y aurait quelques prérequis orientant certains choix et quelques cours obligatoires, mais abaissons les murs des classes et même ceux des écoles. Brisons les rangs d’ognons dans lesquels les élèves sont confinés. Donnons à nos écoles les allures d’un lieu ouvert, décloisonné, flexible, adapté à ceux qui le fréquentent.

À l’heure actuelle, nos élèves ont bien peu de choix dans leur propre démarche scolaire. Ils ne    contrôlent ni le temps scolaire ni la matière étudiée. Ils doivent souvent s’assoir à une place assignée pour suivre un cours défini. Ils n’ont aucune prise sur la séquence pédagogique et encore moins sur les outils mis à leur disposition en cours d’apprentissage. Également, pourquoi ne pas implanter des badges numériques qui pourraient, éventuellement, former un diplôme d’études secondaires ? L’idée est de permettre à l’élève d’obtenir un renforcement positif lors de sa progression scolaire et de donner une valeur à ces badges.

Une compétence professionnelle évolutive

J’aimerais que les enseignants puissent exercer une réelle autonomie professionnelle et qu’ils puissent aussi faire de véritables choix pédagogiques. Je souhaite qu’ils puissent être valorisés dans leur profession et qu’ils puissent exercer leur créativité professionnelle. Nous avons un criant besoin d’innovation en éducation et ce n’est certes pas en recyclant les approches ou les pratiques actuelles (ou plutôt les approches passées) que nous y parviendrons. Mettons-les réellement à l’avant-plan des activités scolaires au lieu de les étouffer par des programmes lourds et un temps limité. Ne vous gênez pas pour leur imposer des activités de formation continue afin qu’ils développent ou conservent un haut degré de professionnalisme et de compétence. Si l’effet enseignant joue un rôle dans la réussite scolaire, elle peut aussi lui nuire. Ne l’oublions pas !

Il est de votre responsabilité de leur permettre d’accéder à leurs propres leviers de transformation. Offrez des enveloppes budgétaires pour les écoles pour faciliter la formation continue chez les enseignants, mais surtout, donnez-leur des mesures incitatives. Par exemple, à chaque centaine d’heures de formation continue suivie, l’enseignant obtient une journée de congé ou quelque chose du genre. C’est bien peu, mais c’est un bon début de reconnaissance pour ceux qui s’impliquent activement dans leur développement professionnel.

Donner un nouveau souffle aux compétences transversales

Je sais, l’enseignement par compétences ne fait pas l’unanimité dans le milieu. Pendant que plusieurs se plaisent à opposer compétences et connaissances, j’aimerais réitérer ce que de plus en plus d’enseignants comprennent : il s’agit plutôt de deux concepts complémentaires. Cela dit, il faut faire de la place pour intégrer les compétences transversales au quotidien des élèves. Sans qu’elles soient nécessairement évaluées, elles doivent être intégrées dans les parcours de nos élèves qui vivront leur vie entière au 21e siècle : collaboration, cocréation, résolution de problèmes, communication, etc. Les Finlandais ont, semble-t-il, abandonné les compétences disciplinaires pour centrer leur action éducative sur les thèmes transversaux. Sans faire un tel virage qui risquerait d’effrayer autant le personnel scolaire que les parents, il y a certainement un moyen de faciliter la transversalité des contenus et d’abolir les matières-silos dans chaque école. Les matières sont des chasses gardées au contenu exclusif alors qu’il y aurait tellement lieu d’en faire une belle trame d’évènements continus coulant tous dans le même sens : celui que l’élève lui donne.

La sempiternelle question du financement

Le financement… Je me doute que vous êtes lassé d’en entendre parler. Je sais que le Québec suit les grandes lignes financières des pays de l’OCDE (OCDE, 2015), mais je souhaite vous rappeler qu’il y a lieu de faire mieux. Je sais, un programme de formation uniforme vous permet de mieux mesurer la performance du système, de vos écoles et des élèves. Vous pouvez ensuite comparer cela avec les autres pays de l’OCDE et vérifier la « rentabilité » de vos investissements en éducation.

Bien que je comprenne que les finances de l’État sont précaires et que tout le monde tire sur sa couverte, ne perdons pas de vue l’essentiel : investir en éducation maintenant risque fort de désengorger le domaine de la santé demain. Vous investirez dans l’innovation pour trouver de nouvelles solutions qui pourront améliorer la santé de nos concitoyens. Mais, de grâce, cessez de financer les piliers érodés d’un système qui finira, tôt ou tard, par imploser.

Monsieur, alors que vous tenez des consultations sur la réussite scolaire, je souhaitais vous sensibiliser à la perspective que nous cherchons peut-être la réussite là où elle ne se trouve plus. Ce n’est pas en (re)mélangeant les mêmes cartes que nous implanterons un réel changement qui engendrera une réelle réussite scolaire. Il faut résolument chercher ailleurs.

(…) nous cherchons peut-être la réussite là où elle ne se trouve plus.

Monsieur le ministre, je vous demande de tenir tête à ceux qui veulent rénover un modèle qui a fait son temps. Je vous demande de faire preuve d’audace pour inspirer les intervenants en milieu scolaire à en faire autant. En redéfinissant un nouveau modèle, vous nous inciterez à redéfinir nos pratiques.

Il manque de leadership et de vision en éducation au Québec. En fait, je corrige : ceux qui ont de la vision et du leadership sont trop souvent rabroués par d’autres collègues qui se font les porte-étendards d’un système rigide et qui se sentent menacés par des idées hérétiques.

Et c’est pour cela que j’ai choisi de vous écrire. Vous avez le pouvoir de faire que le différent et le contrasté puissent devenir une norme en éducation et que le banal et l’habituel deviennent ce qui est proscrit. Plus que jamais, nous avons besoin de quelqu’un qui pave la voie en éducation au Québec pour donner du courage à ceux qui sont prêts à vous suivre dans cette voie. Monsieur le Ministre, j’ai eu l’occasion de rencontrer une pléthore de professionnels de l’éducation ces dernières années et je peux vous dire que nous sommes mûrs pour un tel changement et que vous aurez un support indéfectible, mais apolitique de la part d’un grand nombre d’enseignants audacieux, de cadres scolaires inspirés et de professionnels en soutien dévoués.

Je vous remercie d’avoir pris le temps de me lire si cette lettre s’est rendue jusqu’à vous et je demeure à votre disposition pour en discuter plus longuement,

 

Marc-André Girard

Directeur d’école

Doctorant en administration de l’éducation

Auteur, blogueur et conférencier

La vraie autonomie professionnelle

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À quoi se réfère-t-on lorsqu’on fait référence à l’autonomie professionnelle chez les enseignants ? Si pour certains, il s’agit d’un simple acquis qui vient d’office avec un brevet d’enseignement, détrompez-vous : cela vient avec son lot de responsabilités et de devoirs à plusieurs égards.

À la lumière des explications de Levasseur (2004), nous pouvons conclure que la professionnalisation de l’enseignement repose sur la qualité des enseignants en fonction des critères suivants :

  • Une formation universitaire pratique, où les stages en milieu scolaire jouent un rôle important dans la formation des maitres;
  • Un référentiel de douze compétences professionnelles qui sont, en quelque sorte, la pierre d’assise de la formation universitaire des futurs enseignants, programme qui, rappelons-le, se déroule sur quatre années;
  • Un programme de formation laissant aux enseignants la plus grande latitude qu’ils n’ont jamais eue en regard des choix des outils didactiques et des approches pédagogiques à employer, en plus des types d’évaluation à envisager. Ils disposent, justement, d’une importante autonomie professionnelle à cet égard;
  • Des perspectives de formation continue qui sont de qualité et qui sont également accessibles pour eux;
  • Des critères d’embauche nécessitant une qualification reconnue et uniforme, et ce, malgré le fait qu’il existe bel et bien des milieux scolaires qui ont des difficultés de recrutement.

Le capital professionnel

Andy Hargreaves et Michael Fullan ont écrit un fantastique, lequel met l’accent sur ce qu’ils appellent le capital professionnel. Ce concept dépasse largement la notion de capital financier et de rentabilité sur l’investissement. Il est question d’essentiellement trois choses qui, lorsque conjuguées, libèrent la puissance du capital professionnel :

  1. Un capital humain, qui représente l’ensemble des talents et aptitudes de l’enseignant et de tout l’aspect intrinsèque qui l’anime à faire le nécessaire pour assurer la réussite éducative de leurs élèves.
  1. Un capital social, lequel est le résultat de l’exercice du capital humain d’un enseignant évoluant dans un réseau professionnel. Connectés entre eux à travers une communauté d’apprentissage et de partage d’expériences, ils croient fermement que ces interactions sont gages d’amélioration de leurs pratiques professionnelles. Le partage des idées, d’expériences et de rétroactions qui en émane est un élément fort à la consolidation des pratiques professionnelles probantes en éducation. Ces discussions offrent un havre où les enseignants peuvent être vulnérables ensemble et où cette vulnérabilité devient une étape vers le perfectionnement de leurs pratiques.

Les capitaux humains et sociaux, ensemble, peuvent changer la dynamique complète d’une école. Imaginez des enseignants dont les capitaux humains et sociaux sont mis de l’avant et valorisés. Imaginez comment l’effervescence scolaire finit, tôt ou tard, par entrainer les élèves dans son sillon… Encore mieux, imaginez un chapelet de ces écoles effervescentes dans un système éducatif comme le nôtre ! Le réseautage n’a pas à être confiné à l’enceinte d’une école; il peut (et il doit) certes transcender les murs de l’institution pour permettre les échanges entre professionnels grâce à une activité mutuelle d’exportation et d’importation des expertises.

  1. Un capital décisionnel permet d’ajouter aux cinq critères de Levasseur. En effet, il y aurait lieu d’ajouter ceci : Making decisions in complex situations is what professionalism is all about (Hargreaves et Fullan, 2012). Voilà le cœur de ce qu’est l’autonomie professionnelle des enseignants : prendre des décisions difficiles, dans des situations complexes, en se basant sur son expérience et en s’appuyant et sur celle des leaders du milieu (collègues enseignants, non-enseignants et directions d’école), ainsi que sur la nature du projet éducatif de l’école. Il ne s’agit pas d’éviter les situations complexes, mais plutôt de les affronter avec toute la confiance du monde en ses propres capacités issues de notre expérience et notre jugement professionnels. Cette confiance est confortée par des décideurs qui se tiennent debout face à ces mêmes situations complexes et qui s’appuient sur les décisions des intervenants préalables.

C’est la pierre angulaire de l’autonomie professionnelle en éducation. Il ne s’agit pas de se limiter à être en mesure de prendre des décisions, mais surtout, il s’agit de les prendre en toute transparence sans se soustraire à l’opinion de ceux qui sont concernés par lesdites décisions, soit bien souvent les élèves et leurs parents. Trop d’enseignants se cachent : ils veulent décider en pleine unilatéralité, sans toutefois avoir à confronter les parties impliquées dans cette décision. Il faut comprendre que l’autonomie professionnelle n’est pas l’exercice d’une souveraineté, mais bien un exercice de transparence : devoir justifier pourquoi on prend ces décisions et accepter le principe fondamental de reddition de comptes ou de redevabilité dans une profession publique. Oui, nous sommes maitres dans nos classes et nous sommes autonomes professionnellement, mais attention : nous ne sommes pas pour autant des travailleurs autonomes !

Nous sommes maitres dans nos classes et nous sommes autonomes professionnellement. Nous ne sommes pas pour autant des travailleurs autonomes !

D’ailleurs, pour ceux qui se soucient de la reconnaissance du public face à l’enseignement, je dirais qu’elle vient lorsque nous sommes non seulement en mesure de juger d’une situation qui a un grand impact chez l’élève, mais surtout, lorsque nous nous tenons debout, pour assumer les effets collatéraux de ces décisions. Voilà donc un premier jalon posé pour l’autonomie professionnelle, la reconnaissance de la profession et, surtout, pour la performance en enseignement. Comme Hargreaves et Fullan le signalent, des enseignants transparents, ouverts à la rétroaction, fiers et responsables de leur travail quotidien sont ceux qui sont respectés par leurs pairs, par leurs élèves et par le public en général. L’autonomie professionnelle n’est donc pas nécessairement un acquis; elle s’acquiert à la sueur de nos fronts et à nos habiletés à piloter le navire en pleine tempête, en se tenant droit à la barre.

 

Hargreaves, A., Fullan, M. (2012). Professional Capital: Transforming Teaching in Every School. Teachers College Press.

Levasseur, L. (2004). Le sens de la professionnalisation de l’enseignement. Formation et profession, vol. 10(2), p. 10 à 12.

L’insoutenable paradoxe des épreuves uniques

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J’ai déjà écrit à propos du format des épreuves uniques qui est dépassé. Hier, le MÉES nous a donné un nouvel argument démontrant clairement que ses fameux examens sont bel et bien désuets. Probablement que dans vos écoles, vous avez entendu parler de l’Info-Sanction du ministère stipulant que les calculatrices graphiques sont désormais interdites alors qu’elles étaient permises ou tolérées depuis au moins une quinzaine d’années. Oui, vous avez bien lu : au tournant du siècle, aucun problème pour une calculatrice à affichage graphique, mais aujourd’hui, avec tous les bouleversements technologiques dans notre société, on retire cet outil.

Profonds paradoxes

Le problème, avouons-le, ce n’est pas l’outil : calculatrice à affichage graphique ou non, Desmos, les iPad et les autres outils de simulation, etc., c’est du pareil au même. Le problème est le format de l’épreuve; c’est une épreuve unique dans tous les sens du mot : un seul examen, fait individuellement, qui a lieu à un seul moment pour des dizaines de milliers d’élèves, avec un seul outil, une seule grille de correction, etc.  Celle-ci va pourtant dans le sens contraire des impératifs de différenciation pédagogique mis de l’avant par ce même ministère. Bref, chers enseignants, adaptez votre enseignement aux élèves qui sont dans vos classes. Laissez-leur le choix des outils à utiliser. Offrez-leur des perspectives d’approfondissement de la matière et donnez-leur des choix pédagogiques à faire en lien avec leur processus d’apprentissage. Reconnaissez la différence et la diversité et valorisez l’hétérogénéité. Et surtout, donnez aux élèves des occasions de collaborer dans la réalisation de tâches complexes.

En parallèle, cependant, le ministère évalue la singularité, l’uniformité et l’homogénéité. Pas fort ! Restreindre le choix des outils à une épreuve ministérielle est un pas en ce sens. Quels paradoxes !

Une finalité en soi

Devons-nous le rappeler ? L’évaluation fait partie du processus d’apprentissage. Or, dans l’état actuel des choses, les épreuves ministérielles sont une fin en soi. À l’heure actuelle, en science, mathématique et histoire de quatrième secondaire, les activités d’enseignement sont orientées vers la réussite de l’examen. Comme le cite Mario Asselin dans son article de ce matin, c’est le fameux teach to the test. Ce n’est pas pour rien que les enseignants de ces matières verbalisent souvent leur difficulté à enseigner autrement et lorsqu’ils le font, ils se font souvent rabrouer par leurs directions d’écoles, les parents de leurs élèves ou leurs élèves eux-mêmes. Chaque année, en quatrième secondaire, la panique prend, le stress monte d’un cran. Les enjeux sont grands et la réussite aux examens est une partie importante de ces craintes qui se renouvèlent annuellement, une cohorte après une autre…

Des pistes de solution

N’y a-t-il pas moyen que les élèves démontrent leur compréhension autrement en mobilisant les ressources de leur choix ? N’est-ce pas une des particularités des compétences à développer au 21e siècle, soit d’être en mesure de mobiliser les outils et les ressources nécessaires pour résoudre des problèmes complexes et représentatifs de la réalité ? N’est-ce pas l’essentiel du développement des compétences ?

Il faut revoir le format des épreuves ministérielles pour mettre l’accent sur le développement global de l’élève, son éducation au lieu de se borner à valider des connaissances souvent décontextualisées ou encore vérifier l’état du développement des compétences sur des feuilles 8 ½ x 11. Il y a certainement une façon à imaginer pour rendre ces épreuves plus signifiantes.

Pourquoi les épreuves uniques ne seraient-elles pas une série de consignes à fournir à des enseignants en leur laissant le soin d’élaborer ladite épreuve eux-mêmes ? Pourquoi ne pas mobiliser les équipes-écoles en ce sens ? On ferait une pierre, deux coups : revamper des épreuves désuètes dont le format a peu changé en comparaison des approches pédagogiques sur le terrain tout en permettant aux enseignants d’exercer leur autonomie professionnelle. Ne sont-ils pas les mieux placés pour savoir ce qui est le mieux pour l’élève ? Il y a certainement lieu de décentraliser ces épreuves ministérielles, quitte à les faire approuver par le ministère l’automne précédant la session d’examens de juin.

La fragilité des épreuves ministérielles

Les épreuves ministérielles sont fragiles et vulnérables. Quand ce n’est pas un certain coulage qui annule une question ou une partie d’un examen, c’est un examen trop court ou trop long ou encore trop facile ou trop difficile. Bref, non seulement ces épreuves ne font-elles pas l’unanimité au sein de la communauté des professionnels de l’éducation, mais en plus, elles sont totalement vulnérables aux aléas de la vie moderne : médias sociaux, facilité de tricherie, coulage, calculatrices, feuilles de notes, etc. N’est-ce pas un signe comme quoi leur format n’est plus adapté aux réalités scolaires actuelles ?

Pendant ce temps, je ne peux que souligner le superbe paradoxe et l’inconséquence du MÉES qui incite ses enseignants à se connecter (dans tous les sens du mot) alors que lui-même choisit de se déconnecter (dans tous les sens du mot, encore une fois !).

Autrement dit, faites ce que je dis et non ce que je fais. Et pendant ce temps, on envoie encore des signaux contradictoires au personnel scolaire qui travaille sur le terrain, lequel doit improviser dans bien des cas.

Lorsque le MÉES tangue, c’est tout le système scolaire qui tergiverse ! À quand un vrai leadership visionnaire, conséquent et cohérent en éducation ?

La puissance du blogue

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De plus en plus, on voit des espaces de blogues émerger. En y pensant bien, cela était inévitable puisque, grâce à l’avènement des médias sociaux jumelé avec cette effervescence qui caractérise le monde de l’éducation actuel, il fallait bien s’attendre à ce que des praticiens envahissent la blogosphère pour rendre compte de leurs approches pédagogiques.

L’idée de cet article est venue il y a quelques semaines alors que mon collègue ontarien Marius Bourgeois a publié un intitulé La question se pose et où il fait état des avantages du blogue pour les directions d’écoles. Également, lors d’un cours à l’Université de Montréal auquel j’étais inscrit l’été dernier, nous discutions du fait que le blogue était devenu un outil d’explicitation des pratiques. Nous y reviendrons.

Bloguer pour apprendre
À première vue, on pourrait croire que le blogue est une activité altruiste et qu’elle ne bénéficie qu’au lectorat. Or, on néglige souvent ceci : pour le blogueur, c’est une occasion inespérée de rassembler ses idées et d’entamer une démarche de réflexion sur sa propre pratique. C’est un des rares moments où le professionnel accepte de se soustraire à l’urgence du moment pour ainsi s’offrir un espace de réflexion sur différents éléments qui constituent son quotidien scolaire :

  • Un retour sur des événements antérieurs pour en comprendre les rouages;
  • Un retour sur nos réactions relatives à ces événements pour essayer de comprendre comment et pourquoi nous réagissons d’une telle façon;
  • Rendre compte de nos trouvailles, de nos expériences, de nos réussites et de nos échecs;
  • Prendre position;
  • Partager son expertise ou, à tout le moins, la diffuser pour qu’elle puisse aider ou inspirer nos collègues;
  • Informer ou relayer des sources informatives (site web, livres, articles de journaux ou de périodiques, etc.);
  • Etc.

Lorsqu’il est question des pratiques professionnelles, il semble que les professionnels qui ont un haut degré de compétence aient de la difficulté à verbaliser les éléments que constitue leur propre pratique. La raison est simple : ils savent tellement quoi faire au moment opportun et en plus, ils savent comment le faire de façon presque spontanée et irréfléchie. Ces actions professionnelles automatiques échappent à notre conscience puisque les gestes ont souvent été réalisés machinalement ou automatiquement. Le blogue peut donc devenir un outil d’explicitation de nos pratiques alors qu’on détaille nos actions pour les rendre accessibles à notre conscience. On mobilise notre propre expérience comme levier dans l’atteinte d’un plus grand degré de compétence. En réussissant à verbaliser ou écrire sur ce que l’on fait, cela nous permet de mieux saisir l’ampleur de nos actions.

Bloguer, c’est un pas de plus vers une mentalité de croissance professionnelle.

Bloguer pour déranger
Le blogue est aussi un outil de saine provocation. Il permet de véhiculer d’autres points de vue que ceux normalement véhiculés par les canaux culturels traditionnels. Pour en apprendre davantage sur sa profession, à l’heure des changements en éducation, les blogues sont une source intarissable d’information.

La culture du silence est bien imprégnée dans les moeurs du système scolaire. Bien sûr, il faut briser ce moule du silence qui façonne trop d’intervenants scolaires. Ce silence est un symptôme d’une tradition conservatrice trop bien ancrée dans nos écoles : il ne faut surtout pas déranger les habitudes ou les routines de ses collègues. Pourtant, comme je l’écris dans mon livre :

l’école n’est pas un havre à l’abri du changement. Elle en est l’incubateur.

Ce ne sont pas uniquement les élèves qui doivent voir leur quiétude intellectuelle bouleversée; les enseignants et autres professionnels de l’éducation aussi !

Bien évidemment, bloguer signifie se rendre vulnérable aux railleries des autres. Il est en effet incontournable que certains de vos lecteurs vous dénigrent, mais rassurez-vous : avec la majorité de votre lectorat, vous ouvrirez un espace de débat qui, à défaut de se tenir en votre présence, il finira par naitre dans les écoles ou dans divers contextes et chez différents intervenants : des parents, des enseignants, des directions d’école, des professionnels et même, possiblement, des décideurs publics réutiliseront vos arguments.

Vous ne ferez pas que des heureux ! Pour paraphraser encore une fois, il est vrai que quand on essaie de faire différemment, ça dérange. Il est d’autant plus vrai que quand on réussit à faire différemment, on dérange encore plus. Si, en plus, on parle haut et fort de nos réussites (ou qu’on blogue à cet effet), c’est comme ajouter l’insulte à l’injure ! Nous sommes perçus comme étant prétentieux, vantards dans un monde où l’humilité et les belles valeurs judéo-chrétiennes de modestie, pudeur et de résignation, prédominent. Il faut changer de mentalité :

Il ne suffit plus de se soumettre à plus grand que soi. Au contraire, il est question de s’élever pour faire partie de plus grand que soi !

Bloguer pour mener et inspirer
Il faut prendre le risque de contribuer à ce qui se passe dans le monde de l’éducation. Trop de professionnels de l’éducation se plaignent de subir les décisions des instances. Bloguer offre une voix dans l’immensité. Peut-être votre voix sera-t-elle étouffée par la surabondance médiatique qui caractérise notre époque, mais au moins, vous aurez su vous exprimer, ce qui est déjà mieux que de demeurer inerte et muet. La tache est lourde : il faut prendre position pour une école renouvelée et bien ancrée dans le siècle actuel.

Le monde de l’éducation a besoin de leaders visionnaires et mobilisateurs. Le blogue est l’espace parfait pour exercer ce rôle : on y consigne des mots qui se traduisent par des actions autant chez le blogueur que chez le lecteur. Le but ici est de réinvestir ces idées dans la pratique, et ce, rapidement. Autrement dit, le blogue est un outil d’aujourd’hui pour diffuser les idées actuelles qui façonnent un système scolaire en pleine mutation !

En ce sens, le blogue professionnel en éducation est à la fois un miroir et un phare : un miroir pour celui qui rédige et qui adopte une posture réflexive et un phare qui éclaire ceux qui émergent de la grande noirceur d’un monde de l’éducation dépassé qui cherche à justifier sa nature ancestrale. C’est ceux-là qui doivent être guidés. Entre-temps, n’oublions pas :

la croissance nait de la passion, de la lumière et du bruit.

Il est inévitable de devoir déranger et il y aura toujours des personnes qui tenteront de vous éteindre. Au moins, vous saurez où vous abreuver pour retrouver l’énergie qu’il vous faut pour persévérer !

Pour en finir avec l’urgence du quotidien scolaire

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Je n’ai pas le temps… Je vais manquer de temps… Je n’aurai pas le temps de couvrir tout le programme d’ici juin… N’est-ce pas quelques-unes de complaintes que tous les enseignants ont formulées plusieurs fois dans leur vie professionnelle ? Alors que la nouvelle année scolaire est bel et bien en branle, essayons de briser la perception négative de la temporalité que nous entretenons et qui nous afflige en nous recentrant sur la véritable nature de l’éducation.

Je n’ai pas le temps !

C’est un triste constat ! S’il y a une chose que nous avons en ce bas monde c’est certainement du temps ! Nous en avons tellement que le réel problème est de gérer son abondance et de l’organiser : notre temps personnel, notre temps familial, notre temps professionnel, etc. La réalité est que si vous n’avez pas le temps pour un élève, un collègue ou un parent, c’est que vous craignez que ce temps à prendre empiète sur un autre temps, le vôtre par exemple.

Ne pas avoir le temps, c’est se fermer à l’autre. C’est le refuser, le rejeter au nom de la prédominance du moi. C’est également se fermer à la sérendipité et au hasard qui impliquent forcément flexibilité et adaptation de notre part. C’est la négligence de vivre l’instant présent pour mettre l’accent sur ce qui s’en vient au nom du respect de notre planification de cours qui, bien souvent, a été élaborée il y a quelques années ! Vivre dans l’appréhension négative du futur, ne l’oublions pas, c’est entretenir le mal du siècle chez nos jeunes : l’anxiété.

Ne pas avoir le temps, c’est nier la raison fondamentale pour laquelle nous sommes des professionnels de l’éducation et que nous avons choisi cette profession : l’autre.

Ironiquement, ceux qui n’ont jamais le temps de prendre le temps (!) sont souvent ceux qui en exigent le plus auprès de leur direction ou de leurs collègues. Vous savez ces fameux : as-tu-trente-secondes-pour-moi-qui-prennent-plutôt-dix-minutes ? C’est une belle ironie !

Prendre le temps

Vous n’avez pas le temps ? Prenez-le ! Il s’agit d’un geste volontaire de mettre les autres choses qui occupent nos journées de côté pour ce concentrer sur ceux qui ont besoin de nous. Le temps est élastique et cette même élasticité instille une certaine flexibilité à la nature humaine. Cette conception du temps en éducation permet une adaptabilité et une prédisposition au changement chez les professionnels de l’éducation qui s’émancipent du joug temporel. Changer implique un investissement en temps comme en énergie de la part de l’individu qui souhaite se redéfinir professionnellement. Il s’agit d’adopter une posture d’ouverture à ce qui se passe autour de soi en adoptant une pratique qui est d’abord et avant tout réflexive.

Prendre le temps, c’est s’ouvrir au regard empathique qui illumine le visage des professions œuvrant dans le milieu scolaire.

Pour ce faire, il est primordial de cesser d’entretenir l’état d’urgence quotidien en éducation. Les professionnels de l’éducation sont tous animés par se satané sentiment d’urgence et cette crainte de manque de temps pour mener à bien leurs actions et leur travail. Ne faut-il pas prendre le dessus sur nos inquiétudes liées au « passage la matière » en comprenant, une bonne fois pour toutes, que le vrai programme, c’est celui de la vie que chacun d’entre nous se doit d’enseigner aux élèves qui se succèdent année après année dans nos classes ? Oui, il faut instruire, évidemment, mais avant tout, ne faut-il pas veiller à contribuer au façonnement des humains qui fréquentent nos institutions ? Et cela ne se fait certainement pas dans la hâte !

Prendre le temps, c’est s’ouvrir au regard empathique qui illumine le visage des professions œuvrant dans le milieu scolaire.C’est un détachement volontaire de nos obligations liées à l’instruction des élèves pour se concentrer sur notre responsabilité première d’éducation de ces jeunes humains qui aspirent, à leur tour, à éduquer les plus jeunes. À ceux qui n’ont pas le temps de changer ou qui en ont déjà trop sur les épaules : peut-être est-ce le moment de délaisser certaines habitudes, approches ou attitudes pour vous tourner vers ce qui s’en vient ? Il s’agit de se soustraire au dictat de l’urgence scolaire pour ce qui compte vraiment en éducation : l’autre. C’est ainsi qu’on nourrit l’humanité !

Quelle fin d’année scolaire !

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Dans les écoles, il est facile de blâmer le ministère de l’Éducation et de l’Enseignement Supérieur (MÉES). Si vous vous attendez à ce que je le cloue au pilori à mon tour, vous serez déçus. En fait, c’est le dernier endroit où j’aimerais être à l’heure actuelle. Disons que déjà que cette période de l’année est stressante dans les écoles, imaginez ce à quoi ça ressemble à la Sanction des études et ailleurs dans le Complexe G à Québec !

Tout a débuté avec un examen de mathématique en sixième année du primaire trop long qui finira, du moins partiellement, par être annulé. Une partie aurait également été coulée. Quelques jours plus tard, c’est au tour de l’épreuve unique d’histoire de quatrième secondaire. La fameuse question à développement, celle qui vaut la moitié de l’examen, donc le quart de l’année scolaire, a été coulée également. Il n’en fallait pas plus pour que la planète éducation québécoise, et elle est grande et combien ratoureuse, s’emballe : le corrigé circulait sur les réseaux sociaux avant l’examen, et celui de l’examen suivant, en science, circulerait déjà. Panique. L’examen d’histoire sera-t-il annulé ? Les paris sont ouverts. Le MÉES a néanmoins demandé que les notes soient transmises comme à l’habitude.

Après cette explication très sommaire de ce fiasco, j’en viens à deux conclusions :

Un ordre professionnel pour tous les professionnels en éducation

Soyons clairs, les examens ministériels sont envoyés au responsable de la sanction des études dans chaque école ou commission scolaires. La plupart du temps, il s’agit de personne-cadre ou de direction dans l’école qui le reçoit et en assume la responsabilité. Cela veut dire que cette information a d’abord été coulée par une de ces personnes et qu’elle a été coulée ensuite, semble-t-il, à un enseignant d’histoire de la Mauricie. Une de ses élèves l’aurait imité en faisant un tutoriel sur Facebook.

Bien que le MÉES mène une enquête à l’heure actuelle, la vérité est simple. Peu importe ce qui s’est réellement passé, on ne peut présumer du professionnalisme que tous les intervenants qui gèrent la sanction des études dans les écoles ou commissions scolaire. Un ordre professionnel viendrait mettre de l’ordre dans tout cela en encadrant la profession enseignante ainsi que celle de la direction d’une école.

En éducation, l’éthique professionnelle est un concept élastique qui, si pour la plupart des intervenants ce n’est pas un problème, il n’en demeure pas moins que c’est une minorité qui porte atteinte à la profession. Lorsqu’on aborde la question de l’ordre professionnel, bien souvent, la première conclusion qui émane des discussions est la suivante : protéger le public contre quoi au juste ? Eh bien, on en a maintenant un élément de réponse, non ?

Le format des examens ministériels est dépassé

Plusieurs enseignants refusent d’épouser les nouvelles approches pédagogiques, et ce, particulièrement en quatrième et cinquième secondaire. La raison est simple : les épreuves ministérielles n’ont pas pris ce virage ! Cela nous démontre que ces examens sont une fin en soi et non pas une partie intégrante de la démarche d’apprentissage. C’est malheureux de constater que les approches sont dictées par les évaluations et non le contraire…

Lorsqu’il est aussi facile de faire couler un examen, cela démontre clairement que son contenu est mal adapté à la réalité de la société d’aujourd’hui, alors que les médias sociaux agissent davantage comme canal de divulgation de contenus et de tricherie potentiel plutôt que d’outil de collaboration. Et si les outils d’aujourd’hui étaient plutôt un levier pour, non seulement valider les contenus disciplinaires, mais surtout, pour consolider les compétences du 21e siècle ?

La nécessité de revoir ses examens dépasse largement la question de leur nature. C’est aussi une question de cohérence. On demande aux enseignants de différencier leurs approches pédagogiques alors que les épreuves ministérielles sont uniformisées. On favorise le big data au détriment du small data ou des données globales identifiant des tendances au détriment des informations locales et des observations des intervenants sur le terrain.

Les mésaventures de la sanction des études de ce mois-ci révèlent au grand jour deux besoins criants en éducation : un organisme de régulation de la profession enseignante (incluant la direction) et une refonte en profondeur des épreuves ministérielles, ce qui pourrait même se transformer en une abolition pure et simple, en transférant ce genre d’opération aux écoles ou commissions scolaires.

 

 

La nouvelle panacée : l’obligation de fréquentation scolaire

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Pendant que le politique s’obstine sur qui a eu l’idée originale de rallonger le parcours scolaire jusqu’à 18 ans et que cette avenue semble, soudainement, être devenue la panacée pour diminuer drastiquement le taux de décrochage scolaire, il faut se poser une vraie question : pourquoi prolonger le jeu de l’école au-delà de 16 ans ? Je dis le jeu (en fait, c’est le terme de ), car depuis des lustres, les élèves ont saisi l’astuce : enregistre ce que le prof te dit, recrache le tout sur une feuille au bon moment et vise 60%. Bingo, tu auras ton diplôme !

Déjà, alors que l’école est obligatoire à partir de 5 ans, et ce, jusqu’à 16 ans, nous observons un taux de décrochage scolaire oscillant, bon an, mal an, entre 17% et 25%. On serait en droit de douter de la pertinence de rallonger le parcours scolaire dans ce cas. Cela pourrait-il avoir pour effet de décourager les élèves de poursuivre ? Par la contrainte, nous réussirons probablement à augmenter la persévérance scolaire, mais nous créerons encore plus d’élèves fantômes ! De toute façon, ce qui compte, ce sont les chiffres et les données probantes; mais qu’en est-il de chaque élève dans chaque classe ? Comment se sentent-ils ? Sont-ils motivés ? Sont-ils heureux d’être là, en classe ? C’est le dilemme du big data et du small data que Pasi Sahlberg a présenté au Sommet international du leadership scolaire à Banff (uLead16), le mois dernier : doit-on privilégier les statistiques globales ou les observations personnalisées de chacun des intervenants scolaires.

Je n’ai aucune objection à ce que l’école débute plut tôt. Je comprends tout à fait que cela ait une incidence positive sur la réussite scolaire, surtout en milieu défavorisé. Je n’ai rien non plus contre le fait que l’obligation de fréquentation scolaire s’étende jusqu’à 18 ans. Ce qui m’importe, c’est ce qui se passe au milieu, pendant ces années de scolarisation. Ce qui m’importe, c’est ce qui se passe à l’école et dans la classe.

Qu’on commence plutôt à tenter de répondre aux questions simples, mais incessantes des élèves :

  • À quoi ça sert d’apprendre ça?

Les jeunes ont une vision à court terme. Leur répondre que ça leur servira plus tard ou l’an prochain, ils s’en foutent éperdument ! C’est ce que l’on appelle la signifiance : donner un sens aux objets d’apprentissage et à la démarche qui s’en suit.

  • Est-ce que ca compte?

Justement, voilà un signe de l’élève fantôme qui souhaite investir ses énergies où ça compte vraiment. On a beau dire que tout compte tout le temps, les élèves, en suivant l’exemple d’un bon nombre d’intervenants scolaires, ont la fâcheuse propension à niveler vers le bas et à offrir le moindre effort en espérant le meilleur résultat.

Ces questions enfantines devraient entrainer un questionnement enseignant selon : Comment transformer l’élève passif en élève actif? Passer de Quelle est la réponse? à Comment puis-je trouver la réponse?

Lorsqu’on sera en mesure de répondre à ces questions toutes simples par des gestes quotidiens, je verrai d’un bon œil que le parcours scolaire se termine à 18 ans. Pour l’instant, tant que les choses ne changent pas en éducation, 4 ans ou 5 ans, 16 ans ou 18 ans, c’est du pareil au même.

Saisissons cette opportunité pour revoir en profondeur la structure d’un système désuet et les approches pédagogiques dépassées de professionnels de l’éducation intouchables. Le débat important concerne encore et toujours les pratiques professionnelles; celui de l’âge de la scolarisation est secondaire.

La machine à saucisses

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Les systèmes d’éducation de bien des pays occidentaux sont de grosses machines à saucisses. Du moins c’est ce que prétend , professeur à l’Université Oregon. Je reprends ici quelques-uns de ces arguments et j’y ajoute quelques réflexions.

Pourquoi une machine à saucisses ? Parce qu’on prend des ingrédients qui, séparés, ont tous une certaine valeur nutritive et on les combine avec d’autres ingrédients peu recommandables. On place le tout dans le hachoir à viande pour obtenir un mélange est conforme à nos attentes. Toutes les saucisses doivent être identiques, sinon elles connaissent une fin tragique !

Autrement dit, on prend des élèves qui sont, à l’origine, totalement différents les uns des autres grâce à des aspirations, des personnalités et des passions complètement distinctes et nous leur faisons subir une école qui s’évertue à rendre ce mélange le plus homogène possible. En bref, les intrants sont imprévisibles, variés et hétérogènes. Une fois qu’ils sont rentrés dans le système, l’école fait son œuvre : onze années d’homogénéisation des élèves où un système entier conspire à rendre les élèves identiques pour éventuellement, une étape à la fois, un niveau à la fois, recueillir un produit normalisé et complètement prévisible. Dans cette grande manufacture qu’est devenue l’éducation, nous fabriquons des automates. L’école est une usine produisant des élèves transformés. Le problème, c’est que cette transformation est opérée par un système au parcours unique et prédéterminé pour tous. Le système change les jeunes, mais pas nécessairement de la bonne façon. Malheureusement, je souhaiterais que ce soient les individus qui changent nos jeunes et qui les fassent évoluer. Je souhaite également que ce soient les expériences vécues et les apprentissages réalisés qui redéfinissent nos élèves. Oui, l’école est un milieu de changement et d’évolution, mais il faut que ce soit l’aspect humain qui permette cette mutation et non un système désuet !

D’ailleurs, plus j’y pense, plus je réalise que la vie n’est certainement pas plus facile pour les enseignants qui tentent de fonctionner à l’encontre des principes impossibles de la machine à saucisse ! La culture, les collègues et la direction s’occupent de les rappeler à l’ordre !

Le tout, dans l’usine la plus aseptisée qui soit. Les élèves sont surprotégés, et ce, autant à la maison qu’à l’école. On craint tellement pour leur intégrité physique et psychologique qu’on aplanit toutes les possibilités d’obstacles ou de difficultés sur leur parcours. La machine à saucisses doit être bien huilée !

Comme dans n’importe quelle usine de fabrication d’aliments transformés, on évalue le produit final en fonction des standards que le système s’est fixés. Ce n’est pas la saucisse qui détermine le niveau de réussite. Idem en éducation ! Pourquoi l’élève ne fixerait-il pas ses propres objectifs à atteindre pour permettre des parcours mieux personnalisés ? Pourquoi l’enseignant n’accompagnerait-il pas ce dernier, avec les parents de l’apprenant, dans la fixation des attentes ? Plutôt, dans notre glorieuse machine à saucisses, nous blâmons les élèves pour leurs différences au lieu d’être prêts à accompagner des élèves différents et ainsi valoriser la diversité en éducation.  Tout le système d’éducation conspire à normaliser et à modérer les résultats scolaires et les accomplissements des élèves pour satisfaire l’appétit insatiable de la loi gaussienne; ne faut-il pas que nos jeunes s’éloignent trop de la courbe normale ?

 

L’entrepreneuriat à la rescousse !

Ne devrions-nous pas encourager une culture de l’entrepreneuriat autant pour les élèves que pour le personnel scolaire au lieu de cultiver une culture organisationnelle sclérosée et léthargique ? Pourquoi l’entrepreneuriat ? Tout simplement pour offrir des opportunités à nos élèves. De ces opportunités naît la possibilité de résoudre des problèmes complexes de différentes façons. Le 21e siècle est l’âge de la résolution de problèmes faisant appel à la créativité, l’innovation, la collaboration grâce à la pensée computationnelle et l’esprit critique. Où loge l’école à cet égard ? Elle continue à fabriquer des saucisses…

En terminant, Yong Zhao affirme que la société est dans une nouvelle révolution industrielle, où les machines intelligentes prennent de plus en plus de place. La seule façon qui nous permettra de ne pas céder le pas à cet envahissement est de nous distinguer de ces machines. Malheureusement, la machine à saucisse de l’éducation fabrique des élèves qui seront facilement remplacés par des machines. Il n’y a qu’une seule façon d’éviter ce désastre appréhendé : faire entrer l’école au 21e siècle.

 

 

Redresser la formule

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Avez-vous déjà pris le temps de réfléchir à ceci ? On a commencé par intégrer les TIC à la pédagogie en toute hâte, sans nécessairement prendre la peine de réfléchir à ce que cela engendrait comme changement d’ampleur. Axée vers les idéaux de l’école de demain, cette décision n’a malheureusement pas impliqué les enseignants ou tenu compte de leurs besoins immédiats en formation ou en organisation spatiale. Peut-être est-ce pour cela qu’il n’est pas rare de constater que plusieurs enseignants ont un outil technologique entre les mains, mais qu’ils s’évertuent à conserver les mêmes vieilles approches pédagogiques ?

On s’est donc concentré ensuite à tenter de comprendre les résistances au changement. On a analysé la démarche d’intégration des technologies à la pédagogie pour ensuite réaliser les quelques manquements qui mènent à cette intégration qui s’effectue moins rapidement et surtout moins facilement que prévu. On déploie alors des efforts de formation, on incite les enseignants à se réseauter et à sortir de leurs silos pour travailler en collaboration, en interdisciplinarité et en collégialité. C’est souvent peine perdue !

Cependant, on réalise qu’au fond, ce qui a manqué pour accompagner cette vision de l’école de demain, c’est un double leadership : celui de la direction qui crée des opportunités pour les enseignants et leurs élèves d’assumer leur propre leadership. Les directeurs doivent défricher le gros du terrain pour que les enseignants puissent à leur tour s’y aventurer avec tout le support nécessaire. Ce rôle d’éclaireur de la direction fait toujours défaut. En effet, trop de directeurs se tiennent debout en pointant l’horizon en donnant une direction où les enseignants et élèves doivent s’aventurer alors qu’ils devraient les précéder sur le terrain. Le deuxième leadership dont il est question est celui des enseignants qui prennent en main leur développement professionnel grâce à des activités de réseautage et une formation continue. Un enseignant connecté à un réseau et à la fine pointe de sa profession en est un qui est en meilleure position pour faciliter l’apprentissage chez les élèves qui lui sont confiés.

Finalement, au-delà du leadership, il y a la prédisposition à la croissance, celle qui ne tient qu’une chose pour acquise : que la profession enseignante est évolutive. Bref, tout change et il est pratiquement impossible de réutiliser la même cassette à faire jouer au même moment, tous les ans, puisqu’il est essentiel de s’adapter à la clientèle scolaire qui se présente devant l’enseignant quotidiennement.

La formule était la suivante : TIC -> Changement -> Leadership -> Prédisposition à la croissance = échec.

Elle était inversée puisqu’on a commencé par les mettre en valeur les outils au lieu de promouvoir les attitudes gagnantes à l’établissement d’un tel changement et ainsi déterminer le meilleur outil pour les élèves (technologique ou non). Dans le meilleur des mondes, la formule aurait dû être inversée :

Prédisposition à la croissance -> Leadership -> Changement -> TIC (ou trouver les meilleurs outils).

Si nous souhaitons que les enseignants puissent ultimement changer leurs approches pédagogiques et leurs outils didactiques, il importe de prendre l’initiative de les inciter à développer leur prédisposition à la croissance : comment peuvent-ils devenir de meilleurs professionnels ? Pourquoi le devenir ? Quels sont les besoins des élèves ? Quels sont leurs défis professionnels et sur quelles forces peuvent-ils s’appuyer pour prendre leur envol ? Ils doivent conserver cet état de fragile équilibre qui les force à demeurer mobiles et en constante recherche d’une amélioration pédagogique.

Par la suite, comment peut-on leur faire une place au soleil afin qu’ils prennent confiance en leurs moyens et qu’ils s’affirment comme vrais leaders dans leur école ou dans leur commission scolaire ? Quelles activités mettre en place pour favoriser l’effet multiplicateur dans nos écoles et maximiser cette contagion positive entre les membres du personnel ? Au risque de me répéter, le leadership scolaire n’est pas l’apanage de la direction d’école. Il doit être partagé entre tous les membres de la communauté scolaire.

Une fois que tous sont disposés psychologiquement à changer et à s’améliorer, cette démarche de changement s’effectuera tacitement et les obstacles seront minimisés. L’enseignant réalisera par lui même que ses approches sont dépassées et que ses outils devraient être modernisés. C’est lui qui cognera à la porte pour que les choses changent. Le virage technologique s’imposera de lui-même et tous y prendront part volontairement. Soyez prêts à accueillir ces demandes et de grâce, si vous ne pouvez combler ces attentes, évertuez-vous à trouver des alternatives viables qui respectent votre cadre financier ou le projet éducatif de votre école !

Leçons australiennes

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J’ai eu le plaisir de m’entretenir, pendant une bonne demi-heure, avec le ministre de l’Éducation de la province de New South Wales (NSW), en Australie, l’Honorable Adrian Piccoli. La rencontre, improbable, aura néanmoins été marquante ! C’est ce qui est bien à : tout ce beau monde est accessible et disposé à partager leurs expériences et expertises.

J’ai pu enregistrer une vingtaine de minutes de ce moment inoubliable et il sera publié dans les balados de l’École branchée ultérieurement. Ce que je retiens de cette discussion :

  • Il n’y a aucune commission scolaire en NSW. Le gouvernement collabore directement avec ses 2200 écoles.
  • Il a cessé de leur donner une enveloppe budgétaire à gérer par dossier, par école il y a quelques années. Désormais, les écoles reçoivent une enveloppe budgétaire et ils la gèrent selon les besoins de leur clientèle étudiante. Évidemment, il y a des comptes à rendre de la part des écoles envers le gouvernement.
  • Les écoles sont subventionnées inégalement pour atteindre… une certaine équité. Par exemple, les écoles en milieu défavorisé reçoivent davantage d’argent que les écoles mieux nanties.

L’Honorable Piccoli est en poste depuis cinq ans. Il est en voie de devenir celui qui est resté en poste le plus longtemps depuis 1972. On est loin du cas du Québec des dernières années : sept ministres de l’Éducation lors des six dernières années ! La recette du succès, selon lui, est de demeurer à l’écoute des enseignants qui sont sur le terrain et d’entretenir le lien de confiance. Oui, faire confiance au jugement des enseignants et respecter leur autonomie professionnelle en leur conférant un rayon d’action maximal et une latitude décisionnelle complète aux directions d’école. Comme il le dit : Local schools, local decisions !

Lorsque je lui ai demandé ce qui faisait, selon lui, le succès de son système scolaire, il m’a répondu sans hésiter qu’il était à l’écoute et en position continuelle d’apprentissage. Ils ont un œil constant sur ce qui se fait au Canada, en Scandinavie, en Nouvelle-Zélande et en Europe. Ils voyagent, s’informent, conversent, écoutent, questionnent et importent des idées.

Voilà pour ce qui concerne la gouvernance des écoles. La balado sera disponible dans quelques semaines et d’autres idées intéressantes s’en dégageant seront accessibles. Il me semblait urgent de mettre en relief ce mode de gouvernance scolaire basé sur l’estime et la confiance de ce que les anglophones appellent, avec justesse, les publics servants. Quand on parle de leadership participatif et de se donner les moyens de ses ambitions, je crois que nous avons beaucoup à apprendre de nos amis Australiens !

Quel leadership scolaire au Québec ?

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Après une première soirée passée avec plus de 1100 leaders en éducation provenant du monde entier, trois constats émergent :

Un manque de leadership

Il y a un manque flagrant de leadership en éducation au Québec, et ce, à tous les niveaux : autant dans la classe qu’à la direction et autant dans les commissions scolaires que dans les instances ministérielles. Le fait de voir aussi peu d’éducateurs provenant du Québec en est un signe évident. Vous direz que Banff c’est loin et que le voyage est dispendieux, certes, mais néanmoins, cela démontre bien le fait que peu de ressources financières soient attribuées à la valorisation ou à la consolidation du leadership en éducation. Également, le fait qu’on ne parle que très peu de leadership en milieu scolaire en est un autre. Pourtant, dans les provinces canadiennes anglophones, le leadership tapisse pratiquement l’ensemble des actions des intervenants en éducation.

Avec l’expérience que j’ai acquise en éducation des 16 dernières années, dont 12 au Québec et 10 en direction, j’ai la ferme impression que le leadership est quelque chose de tabou et d’inexploré. Peut-être est-ce culturel ? On tiendrait peut-être pour acquis que tous ceux qui travaillent auprès des élèves sont des leaders. Bien que tous aient ce potentiel, il est faux de prétendre que tous exercent leur leadership et ceux qui le font ne le font pas toujours positivement. Souhaitons-nous demeurer sous le radar et ne pas trop déranger en faisant notre petite affaire ? Et ceux qui sont sous les projecteurs et qui dérangent, on associe souvent cette attitude et ce comportement à de l’excentricité, de la présomption et même du cabotinage.

Alors que j’assiste aux conférences et participe aux ateliers, le message véhiculé ici est bien différent de celui au Québec : ici, on incite les 1100 délégués à déranger et dynamiser le milieu. Même, une dame de l’Australie, une directrice d’école, nous exposait les trois mots qui lui viennent en tête lorsqu’il s’agit de stimuler le leadership dans son école : push, pull, nudge. Bref, pousser, tirer et donner de gentils coups de coude complices pour s’assurer que tous exercent ce leadership selon leurs capacités et leur personnalité. Elle est, en quelque sorte, la meneuse de claque du leadership dans son école ! Du moins, c’est l’image qui me vient en tête !

Un ministre de l’éducation qui est d’abord un enseignant

Eh oui… lors de l’accueil des participants hier, le ministre de l’éducation albertain, l’honorable David Eggen mentionne, en début d’allocution, à quel point il est heureux de revoir plusieurs visages qui lui sont familiers. C’est un ancien enseignant ! Et de se reprendre : je suis toujours un enseignant. Wow… Dans la salle, il y a une admiration réciproque. Les délégués, provenant principalement de l’Alberta, sont fiers de voir un des leurs à la barre d’un ministère aussi important. Et le ministre, lui, est fier de son appartenance à la profession enseignante albertaine depuis plus de 20 années. On est loin de cela au Québec où une évidente méfiance s’est installée entre le gouvernement et ses enseignants.

Avoir un ministre de l’éducation qui est un enseignant, n’est-ce pas la moindre des choses ? Ce serait un professionnel d’expérience, provenant du milieu. Celui-ci comprendrait les besoins des écoles et leur culture. Il aurait au moins une certaine crédibilité dans le milieu. Pour de plus amples informations sur mes vues à cet égard, lisez cet article.

Un congrès comme il ne s’en fait pas au Québec

Il y a des congrès en éducation de qualité au Québec. Il y en a plusieurs dont la plupart traitent de pédagogie sous un angle technologique. Bien évidemment, il y a un immense besoin à cet égard chez les enseignants québécois. Mais comment se fait-il qu’il n’y a rien de comparable à uLead16 ? En Alberta, le Council for School Leadership (CSL) organise d’innombrables formations pour les enseignants et ils sont partout. Ils ont des formateurs qui vont dans les écoles et ils publient des ouvrages. Où est la différence ? Le CSL opère sous les auspices de l’Association des enseignants de l’Alberta, qui combine deux chapeaux : celui d’un syndicat protégeant ses membres et celui d’un ordre professionnel. Peut-être est-ce là la différence ?

Nonobstant les questions d’ordre professionnel et de syndicats, il n’en demeure pas moins qu’il serait tout à fait approprié d’établir une association pour le leadership en éducation, non ? Et de donner des formations obligatoires pour les enseignants sur l’importance du leadership qu’ils doivent exercer.

Entretemps, qui revient avec moi à uLead17? Il y aura une plus grande offre d’ateliers en français me dit-on…

Leaderships entrecroisés

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En éducation, il faut avoir l’humilité d’accepter que nous ayons tous nos limites. Peu importe combien nous sommes intelligents, créatifs, expérimentés ou connaissants, une chose demeure : nous le sommes moins que la somme des ces mêmes attributs présents chez tous les professionnels qui travaillent dans notre milieu scolaire.

Ce que j’appellerais le leadership collectif permet, en outre, d’accéder à des niveaux supérieurs de leadership scolaire de deux façons :

  1. Par la complémentarité des forces, alors que d’autres ont des qualités que nous n’avons pas. Tous les leaders deviennent, en s’unissant, des êtres plus complets susceptibles d’avoir un meilleur ascendant sur la communauté scolaire.
  2. Par la multiplication des forces en présences qui se font plus intenses et mieux concentrées dans un milieu. Si plusieurs ont ces mêmes qualités et qu’ils les mettent en œuvre de façon conciliée, le milieu se voit inévitablement bombardé d’énergie positive et d’idées nouvelles. N’est-ce pas ce qui manque dans nos écoles à l’heure actuelle?

Parce que nous sommes essentiellement des êtres limités, au sens où, bien que nous évoluions, il n’en demeure pas moins que nous rencontrons rapidement nos limites. Cependant, lorsque des leaders s’unissent, cette évolution se voit décuplée alors que ledit leadership est partagé et délégué.

D’où l’importance pour les cadres scolaires de permettre aux enseignants, aux directeurs ainsi qu’aux parents et aux élèves d’exercer leur propre leadership. Cette humilité de réaliser que nous sommes plus fort tous ensemble est un réel antidote à cette présomption qui afflige souvent les directions d’école. Malheureusement, il y en aura toujours qui se sentiront menacés par le leadership des autres autour d’eux. Grâce à leur pouvoir, ils savent museler leurs collègues qui pourraient être de réelles forces motrices dans leur milieu.

Voyez le mélange toxique animant certains milieux scolaires: des directions suffisantes, qui croient qu’en eux résident toutes les potentialités d’une école, qui se sentent menacés par le leadership de leurs collègues et, de surcroit, qui ne sont pas engagés eux-mêmes dans une démarche de formation continue. Inquiétant.

Au risque de le répéter, le leadership n’est pas la chasse gardée de la direction. Il doit être favorisé, partagé, ouvert, concilié et planifié si on souhaite qu’il ait un réel effet dans notre milieu scolaire. Bien souvent, lorsqu’on critique le manque de leadership des personnes placés sous sa responsabilité, peut-être est-ce le triste reflet du nôtre?

La dictature de la banalité

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Probablement que vous avez entendu parler de l’histoire de la possible démolition des mezzanines de lecture de treize écoles primaires de la commission scolaire de Sherbrooke.

Encore et toujours…

Si mes premières pensées face à cette triste histoire concernent encore et toujours la nécessité de créer des lieux aseptisés et hyper sécurisés pour nos élèves pour éviter de potentielles poursuites ou plaintes de parents, je ne développerai pas sur ce sujet, et ce, même si cela m’exaspère.

Par la suite, j’aurais envie de parler des décisions qui ont des répercussions en classe et qui sont, encore et toujours prises dans des bureaux, loin des élèves et des enseignants. Mais cela ne sera pas le propos de mon texte.

Je frapperai encore et toujours sur le même clou : le changement en éducation. Cette est révoltante, car elle illustre tellement bien cette éternelle bataille que des enseignants allumés, dévoués et créatifs mènent contre les forces de l’inertie en éducation québécoise. C’en est à fendre l’âme !

Bien au-delà de l’histoire de ces , c’est davantage celle de plusieurs d’enseignants qui ont le courage de faire les choses différemment et qui se butent à divers obstacles. Ces obstacles sont omniprésents. Parfois ce sont les enseignants eux-mêmes qui se complaisent dans leur confortable routine et parfois ce sont leurs propres collègues qui leur font la vie dure. À d’autres moments ce sont les parents qui s’opposent de façon virulente ou ce sont les élèves qui résistent. Que dire des directions d’école qui devraient être des facilitateurs et qui manquent de vision; eux aussi peuvent être d’importants obstacles au changement en milieu scolaire ! Enfin, que dire des instances du monde de l’éducation ? Commissions scolaires, ministères, gouvernement, syndicats, etc… Ces enseignants, qui souhaitent faire différemment pour leurs élèves et pour faciliter leur apprentissage se butent à tout un système qui est conçu pour persister ! Ce monstre engloutit argents et énergies (le pluriel est volontaire) pour perdurer au lieu de se réinventer. J’ai répété ad nauseam que l’école québécoise est dépassée, inerte et inflexible.

Pour ceux qui en doutaient toujours, là, on tient une preuve tangible.

L’importance de la créativité

Cette réinvention passe pourtant par des enseignants qui osent penser et enseigner différemment. Ceux pour qui l’enseignement est évolutif. Ceux qui sont curieux et créatifs. Ceux qui rejettent le modèle des rangs d’ognons et des cahiers d’exercices. Vous connaissez ces classes ? Quatre murs, et juste des pupitres…

Bien que je n’aie jamais vu une mezzanine dans une classe, je reconnais cependant combien ces aménagements peuvent sortir de l’ordinaire. En éducation, le banal et l’éculé sont partout dans les écoles. L’émerveillement manque terriblement, à un point tel que nos jeunes ont perdu cette faculté. C’est un peu de notre faute d’ailleurs !

Où sont les chaines humaines qui sont supposées protéger nos écoles ? Personne ne se mobilise pour dénoncer la dictature de la banalité ? Cesserons-nous de cautionner ces manques d’originalité des différents ministères beiges jusqu’à l’os ? Il est plus que temps de protéger les enseignants qui se démarquent et qui mettent des projets porteurs en œuvre. Un peu de couleur, d’originalité et de différence dans les classes ! Nous devons changer l’ordre naturel des choses : la créativité et la différence en pédagogie doivent devenir la norme alors que le routinier doit être considéré comme marginal et inacceptable.

Collaboration

Parait-il que ces mezzanines ont été fabriquées par des parents, des amis et des membres de la communauté. Wow ! Connaissez-vous beaucoup de projets de classe qui ont su soulever l’engouement de tant de personnes ? Connaissez-vous beaucoup de projets qui rassemblent autant de personnes dans un but aussi noble que celui d’émerveiller les jeunes ? Avez-vous simplement tenté de vous placer dans la peau de l’un de ceux-ci lorsque qu’ils sont revenus en classe le lundi matin suivant la construction des mezzanines ? Et on mettrait la hache là-dedans ? C’est illogique.

À notre tour de collaborer à ces mezzanines. Faites circuler la lettre d’Yves Nadon et faites valoir votre mécontentement sur les médias sociaux. Assurez-vous d’apostropher votre député québécois par la même occasion. Vous êtes des éducateurs; éduquez-les à votre réalité !

Une tendance préoccupante

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Au moment où le 41e congrès de l’Institut des troubles d’apprentissage bat son plein, il reste encore beaucoup de travail pour démystifier ces troubles qui prennent d’assaut, avouons-le, le monde de l’éducation depuis une bonne décennie.

C’est qu’on entend plein de choses dans nos écoles, mais ce qui ressort le plus souvent est certainement ceci : pourquoi aujourd’hui y a-t-il autant de troubles d’apprentissages alors que dans mon temps, on n’entendait jamais parler de cela ?

Bien malin celui qui pourrait répondre de façon unilatérale et définitive à cette question…

Colette Ouzilou affirme, dans son livre Dyslexique… vraiment ? Et si on soignait l’école ? que sur les 20 % d’enfants dits dyslexiques en fin de primaire, seuls 1 à 2 % le sont réellement.

Louis Cornellier, chroniqueur au Devoir, se questionne : Le TDAH est-il une vraie maladie ? Sans détour, il affirme : selon des données du ministère de l’Éducation du Québec, un élève sur cinq doit être considéré comme handicapé ou affecté d’un problème d’apprentissage ou d’adaptation. Aujourd’hui, un élève qui éprouve des difficultés scolaires n’est pas un cancre, c’est un malade. Faut-il voir un progrès dans ce changement de paradigme ? On peut en douter. Il mentionne d’ailleurs que la remise en question de ce type de diagnostic n’est généralement pas au gout du jour, et ce, malgré qu’on observe, selon certains spécialistes, qu’il existe bel et bien un phénomène de surdiagnostic et de surtraitement.

Finalement, l’éminent Sir Ken Robinson va dans le même sens dans ses conférences TED. À son avis, le TDAH est un fort signe d’ennui et de désengagement d’un élève sous-stimulé à l’école, dans laquelle il ne se retrouve ou ne se reconnait pas. Cette dernière ne laisserait que bien peu de place à la créativité et serait complètement déconnectée de la réalité des élèves; il n’est donc pas rare de le voir besoin naturel de bouger et de chercher activement une stimulation émerger dans des endroits où le contrôle est étroitement exercé.

Éléments de compréhension

Pour ma part, je comprends cinq choses :

  • Les technologies et les processus d’investigation ont évolué. Cela explique certainement, du moins en partie, comment il se fait qu’autant de diagnostics aient émergé depuis les années 2000.
  • Les jeunes sont surstimulés depuis leur enfance : la HD, les écrans, l’instantanéité des téléphones intelligents, les médias sociaux, les jeux. L’école actuelle, admettons-le, n’a souvent rien de très stimulant !
  • Le Programme de formation est élaboré dans une perspective d’inclusion. Cela veut dire que les élèves désormais appelés élèves à besoins particuliers font partie des classes dites régulières. Tous les enseignants et leurs élèves sont désormais en contact plus étroit avec ces troubles alors qu’auparavant, c’était probablement une réalité plus obscure.
  • L’information s’est démocratisée. Malgré qu’il existe toujours des préjugés, il n’en demeure pas moins qu’il en existe certes bien moins qu’auparavant ! Les gens se parlent, les informations existent et sont faciles à trouver. Dans notre entourage, tous connaissent une famille touchée par la réalité des troubles d’apprentissage. Donc, au-delà de la démocratisation, il y a la démystification !

Là où le bât blesse

Mon cinquième point fera réagir. Je crois qu’en plus des trois facteurs énoncés ci-haut, le fait que l’éducation soit à l’ère combinée de l’enfant-roi et de la différenciation pédagogique explique, du moins partiellement, l’augmentation des diagnostics de troubles d’apprentissages.

Problème majeur: la différenciation pédagogique est mal comprise par bien des parents et est reprise à l’extrême par des parents-empereurs. Cette ouverture des milieux scolaires qui essaient tant bien que mal à s’adapter aux besoins sociaux est louable. D’ailleurs, la prise en compte de la différence des rythmes et des procédures d’apprentissage chez les élèves est une bonne chose en soi. Le fait de considérer chaque apprenant dans son unicité et sa différence permet, à un certain égard, l’adoption d’une approche individualisée et centrée sur les besoins de l’élève.

Or, cette individualisation est en train de pervertir l’acte d’enseignement où, avant, le bien du groupe primait. De nos jours, le bien de l’élève prime et les droits de chacun sont évoqués à tous azimuts. C’est en ce sens que l’enfant-roi, celui qui a tous les droits et qui deviendra neurochirurgien si l’école ne brise pas son rêve est en train de miner le fragile équilibre que la différenciation pédagogique tente d’apporter en enseignement.

À l’ère de l’école ouverte, celle qui tente de s’adapter aux nouvelles réalités sociales et celle que tous se plaisent à critiquer dans sa tentative d’adoption de posture d’écoute, les portes des salles de classe sont défoncées par certains parents profitant de cette nouvelle ouverture, ce que plusieurs perçoivent comme étant plutôt une approche travestie, puant le clientéliste, où le client a toujours raison. Or, nous constatons tous que nos jeunes ne sont pas habitués à se faire dire non. Il existe une réelle culpabilité à exercer sa parentalité et à refuser des choses risquant de contrarier notre enfant. Or, quand le milieu scolaire dit non à un enfant qui se fait très souvent dire oui, le bât blesse.

Justement, le client n’a pas toujours raison. Bien qu’il connaisse mieux que quiconque son enfant, le parent (client) n’est pas un pédagogue et il ne peut témoigner de la démarche d’apprentissage de son enfant dans un contexte scolaire. Les professionnels de l’éducation sont autonomes et surtout, ils agissent sans être soumis au lien affectif envers l’enfant, lien que n’importe quel parent, moi le premier, ne peut renier.

Des questions…

Je suis conscient que le texte apporte plus de questions que de réponses. Comme vous tous, je me questionne sérieusement face à cet afflux d’élèves à besoins particuliers dans les écoles québécoises. Que se passe-t-il ? À défaut de fournir des réponses, j’explore quelques pistes sachant pertinemment que la vérité est certainement un amalgame de diverses réalités, autant sociales que personnelles. Dans le fond, faudrait-il plutôt décréter que tous les élèves sont à besoins particuliers et qu’ils ont tous besoin d’outils divers, dont la pertinence résiderait dans leur potentiel à être utilisés plus tard dans leur parcours professionnel ? À quand les parcours de formation calqués sur les aspirations des élèves ? Les examens ministériels ont-ils toujours leur place ? Si oui, doivent-ils être modernisés ? Le diplôme d’études secondaires peut-il être remplacé par une série de certificats permettant divers cheminements ? Le tronc commun est-il toujours une voie scolaire d’avenir ? La qualification des élèves passe-t-elle toujours par la scolarisation ? L’école détient-elle toujours le monopole de la Formation générale des jeunes ?

Je pourrais continuer avec plusieurs autres questions. J’ai déjà lu dans un rapport de l’OCDE que les réformes en éducation se succèdent à tous les 15 ou 20 ans dans les pays industrialisés. Je crois qu’il est temps qu’on retourne à la planche à dessin !

Créer l’espace pour voir émerger le leadership scolaire

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 Peter Fuda, il existerait au moins 350 définitions du concept de leadership. Avec une telle variété, ne faut-il pas simplement construire la sienne au gré de ses expériences et de ses aspirations ? Ce qui importe, c’est qu’elle nous inspire et qu’elle reflète bien notre pratique professionnelle quotidienne. Il faut, finalement, qu’elle colle au projet éducatif de notre milieu scolaire, endroit où ce même leadership s’exercera.

Le courage de suivre

Pour ma part, j’irai simplement :

Le leadership est l’art d’amener des personnes à accomplir une tâche de façon volontaire.

J’aime cette définition puisqu’elle met l’accent sur l’importance du rôle que tous avons en éducation : convaincre. Nous devons convaincre les élèves d’embarquer dans ce que nous leur proposons, convaincre les parents du bien-fondé de notre démarche, convaincre la société de l’importance de notre rôle, etc. Aussi, j’aime cette définition puisqu’elle met en relief un aspect souvent négligé du leadership : ceux qui suivent. Comme je l’écrivais précédemment, un leader n’est rien sans ceux qui le suivent. Suivre un leader implique un certain courage et une évidente confiance. L’interaction entre les deux collaborateurs se fait alors sous le signe du volontariat; voilà qui est gage de réussite dans le monde de l’éducation, surtout à une époque où la méfiance et le cynisme semblent prévaloir !

Donc, convaincre et agir de façon volontaire. Le leadership travaille en deux temps et sur deux plans : ceux du leader et ceux qui le suivent. À la base, pour paraphraser , il faut d’abord avoir la conviction de croire soi-même en ses propres idées pour aspirer à convaincre notre entourage de leur bien-fondé. Par la suite, l’audace du leader de prendre la peine de consulter son équipe afin d’étayer sa vision pour ensuite mieux la mobiliser permettra la réalisation d’ambitieux projets basés sur une intelligence collective, projets que tous pourront s’approprier. C’est ici qu’on pour lui permettre de muer en quelque chose de tangible, modelé par des leaderships en pleine synergie !

En définitive, le leadership n’est pas la prise de décision en vase clos, mais bien une démarche sociale de mobilisation mettant en relief l’importance d’une vision partagée. Le leadership scolaire doit être décloisonné, laissant la chance à tous les acteurs gravitant autour de l’élève de l’exercer. Prêchons par l’exemple si nous souhaitons que l’élève exerce le sien.

Créer des espaces

Le leadership a donc évolué et il n’est plus ce qu’il était il y a quelques décennies. Dans nos écoles, les vrais leaders sont ceux qui permettent l’émergence d’autres leaderships. Il n’y a donc rien de centralisé ou d’hiérarchique dans le leadership scolaire et, plus que jamais, il n’est pas l’apanage de la direction. Je ne vois que deux portées hiérarchiques qui demeurent pertinentes en ce sens : d’une part, les dirigeants d’une école doivent créer des espaces et outiller les enseignants afin qu’ils exercent eux-mêmes leur leadership pour ultimement permettre aux élèves de faire de même. D’autre part, ils doivent différencier leurs approches afin de voir le potentiel inexploité de certains enseignants qui ne croient possiblement pas en leur qualité de meneur.

Et pourquoi est-ce si important que le leadership enseignant puisse émerger ? Tout simplement parce que c’est celui-là qui est le plus près des élèves et parce que c’est celui qui servira de modèle pour ces derniers. Ne l’oublions pas : notre but ultime est de voir à ce que les élèves développent leur propre leadership pour prendre en charge leur propre démarche d’apprentissage. Le rôle de la direction est donc de créer des espaces pour favoriser l’émergence de diverses manifestations de leadership enseignant. En ce sens, elle influence les influenceurs. C’est probablement le seul endroit dans la chaine d’influence où la hiérarchie joue un rôle prépondérant : c’en est la bougie d’allumage.

Par la suite, si nous aspirons à voir émerger le leadership étudiant, il importe que les enseignants puissent créer de l’espace à leurs élèves pour le voir prendre forme. Telle est la chaine à la base des initiatives de leadership scolaire !

De l’espace pour briller

Générer des occasions d’émergence du leadership est fantastique, mais donner l’occasion à ces initiatives de briller et rayonner est encore mieux. Il est incontournable d’offrir des occurrences à nos leaders de faire valoir leurs idées et expertises à travers moult activités de réseautage. À une époque où les murs de l’école n’existent plus vraiment, comment peut-on permettre aux leaders de l’école d’exporter leurs idées et leurs expertises afin d’élargir leur et leur cercle d’innovation ?

La direction d’une école ne doit pas de satisfaire de ne voir émerger le leadership qu’au sein de son école. Pour paraphraser , elle doit créer des ponts de lumière pour penser grand en faisant de l’école un lieu éclairant à l’impressionnant pouvoir de rayonnement dans toutes les sphères de la société, incluant les autres écoles de la région, du pays ou du monde.

Qui a peur des leaders ?

Dans nos milieux scolaires, nous avons été éduqués de telle façon que nous devons faire notre petite affaire, sans trop déranger, sans brusquer. Bien au contraire, le leadership scolaire doit provoquer et confronter les élèves ainsi que les professionnels de l’éducation dans leur confort et routine quotidiens.

Le leadership des collègues force la remise en question, l’introspection et la remise en question. Il ne jette pas d’ombre sur les autres pour autant. Ceux qui s’en plaignent vivent habituellement eux-mêmes dans l’ombre de leur propre silo. Donc, au contraire, il rehausse les pratiques de tous les professionnels dans l’école; il n’est une menace que pour ceux qui refusent de s’engager dans une démarche de réflexion et d’actualisation de leur profession. l’explique bien : les leaders ne changent pas le monde; ils créent des environnements où les gens changent par leurs propres moyens.

En donnant l’espace nécessaire à l’émergence d’initiatives variées dans tous les coins de l’école, on ouvre la porte toute grande à l’innovation en éducation en créant des environnements d’apprentissage axés sur la constante amélioration des pratiques professionnelles. Au-delà de l’innovation, ce leadership participatif offrira un milieu scolaire où tous les acteurs seront mobilisés et engagés autour d’une vision commune, alors qu’ils auront tous la conviction justifiée de participer à la fois à la prise de décisions et à l’évolution du milieu scolaire.

En somme, ce type de leadership crée un milieu qui ressemble à son équipe et à ses élèves et il apporte, du même souffle, l’agréable impression d’être irremplaçable. On a tellement dit que personne n’est irremplaçable. C’est faux ! Dans une école, des professionnels engagés dotés d’initiative et de leadership positifs et visionnaires, ça ne se remplace aucunement.

 

 

La place des parents dans l’école

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L’implication des parents a toujours été souhaitée dans le milieu scolaire. À certains endroits, en Ontario par exemple, elle est grandement valorisée. Au Québec, hormis dans le réseau des écoles anglophones, le rôle des parents n’est pas clairement défini ou valorisé, et ce, malgré que ces dernières années, des avancées en ce sens aient pu être observées ; le projet de loi 86 en est le plus récent exemple. Cela dit, il y a bel et bien une place pour les parents au sein du quotidien scolaire. Mais laquelle ?

Avec quels parents interagissent les professionnels de l’éducation ?

On dit souvent que les classes sont devenues des milieux hétérogènes. Bien que tous les élèves soient différents, les interactions se limitent à une vingtaine ou une trentaine d’individus. Chacun de ces individus a deux parents qui, bien souvent, sont séparés et qui ne se parlent tout simplement pas. Pour chaque élève, il y a donc trois interlocuteurs, ce qui ajoute une certaine diversité de personnalités ou attributs avec lesquels il faut composer. En voici les principales caractéristiques et une certaine classification loin d’être scientifique ou exhaustive :

Le parent absent

Voici quelques-unes des principales absences constatées :

  • Il peut être absent physiquement et impossible à rejoindre par le personnel de l’école de son enfant. Que son enfant soit malade ou qu’il y ait besoin de lui parler, il n’est pas possible de le rejoindre : numéros de téléphone ou courriel erronés, boite vocale pleine, etc.
  • Il s’exclut volontairement de la vie scolaire de son enfant : ce qui se passe à l’école appartient a l’école. Ce dernier gère ce qui se passe à la maison. L’école n’est donc pas sa responsabilité. Au personnel scolaire de s’en occuper !
  • La barrière culturelle du parent qui ne comprend pas notre langue est également observée. Cette absence s’effectue souvent malgré eux et lorsque ceux qui encadrent leurs enfants appellent à la maison, ce sont les enfants qui traduisent.

Le parent collaborateur

C’est l’allié, celui dont le support permet à l’enfant que l’action éducative soit cohérente et uniforme autant à l’école qu’à la maison. Ce parent ne dénigre jamais les décisions de l’école, et ce, même s’il peut arriver qu’il soit en désaccord avec le personnel de l’école de son enfant. Lorsqu’il y a malentendu, il incite son enfant à parler d’abord à la personne concernée afin d’éclaircir ce qui, fréquemment, est une fausse perception ou un simple malentendu. Il sait s’affranchir du lien émotif qu’il entretient avec son enfant et sait outiller son enfant à faire de même.

Le parent dépourvu

De plus en plus fréquent, ce parent est dépassé par une situation qui surpasse, pour reprendre ses dires, ses compétences de parent; il a besoin d’aide et il se tourne tout naturellement vers l’école pour l’obtenir. Retenant habituellement ses larmes, il se sent impuissant et coupable de ne pouvoir aider son enfant. Pourtant, en se tournant vers l’école, il démontre que, malgré les apparences ou sa perception des choses, il est bel et bien en contrôle et prend les mesures nécessaires pour aider son enfant. Quel parent n’a jamais eu l’impression d’être dépassé ou incompétent dans la longue démarche d’éducation de son enfant ? Il a besoin d’être rassuré et outillé.

Le parent impliqué

Il y a de ces parents qui sont de véritables leaders positifs et dont l’action en milieu scolaire contribue à faire rayonner l’école et à y faire émerger un sentiment d’appartenance. Lorsque nécessaire, il s’implique dans diverses activités scolaires (bibliothèque, mentorat, expertise, etc.) ou parascolaires (accompagnement à des sorties, entrainement d’équipes, animation, etc.). Ce dernier est un véritable agent multiplicateur dans l’école, car il en parle toujours en bien. De plus, il sait se faire respecter et désirer dans l’école.

Le parent hélicoptère

Il est celui qui peine à faire confiance au milieu scolaire dans l’éducation de son enfant. D’un naturel méfiant, il est toujours prêt à intervenir pour ce qu’il considère être le bien-être suprême de son enfant. On le surnomme ainsi, car au figuré, il survol constamment les environs de son enfant pour se poser et intervenir dès qu’il se sent contrarié. Ses interventions débutent fréquemment d’ailleurs par la phrase type Moi, mon enfant et elles se font fréquemment au détriment de l’autonomie de l’élève et de sa responsabilisation face à diverses problématiques. Ce parent conçoit la réalité scolaire en fonction des besoins présumés de son enfant, sans égard à ceux des autres élèves ou aux réalités scolaires.

Particulièrement critique, il donne souvent l’impression de ne jamais être satisfait des décisions des intervenants du milieu scolaire où son enfant évolue.

Le parent quérulent

Phénomène relativement rare, mais qui prend néanmoins de plus en plus d’ampleur, le parent quérulent est celui qui dépasse les limites de la critique pour développer une méfiance exagérée qui se traduit souvent par une impression de complot que le milieu scolaire fomente contre son enfant ou à son égard. S’estimant constamment lésé, il formule plusieurs plaintes officielles et encombre le quotidien des intervenants scolaires. Il n’hésite pas à poursuivre (ou menacer de poursuivre l’école) ou ses intervenants pour différentes raisons qu’il estime de notoriété publique.

Le respect des carrés de sable respectifs

Il est souvent mentionné que ce dont les enfants ont besoin, en termes d’éducation, c’est de la cohérence et du respect. Entre deux parents, c’est une règle d’or et cette dernière se transpose aisément et naturellement au milieu scolaire. Au même titre qu’il serait inacceptable qu’un intervenant scolaire rabroue un parent devant son enfant, il est tout autant inacceptable qu’un parent fasse de même envers un enseignant ou un membre de la direction. Malheureusement, cette situation n’est pas rare et elle contribue à miner l’autorité et la crédibilité des intervenants concernés. Autant les intervenants sont tenus de respecter l’autonomie parentale, les parents doivent respecter l’autonomie des intervenants. Il est facile de les juger pour leurs décisions, car les parents ont une certaine expérience en éducation : ils l’ont en tant qu’ancien élève et aussi en tant que parent. Cependant, ils ne l’ont pas en tant que pédagogues qui doivent s’assurer du bien-être et du développement de quelques centaines d’élèves, le tout dans l’équité.

Bref, la place des parents ne doit jamais être remise en question et il ne doit pas y avoir de rapport de force. Les intervenants scolaires et ces derniers doivent travailler en complète collaboration et en totale confiance, et ce, dans le seul et unique bénéfice de l’élève. Lorsqu’on y pense bien, quelle union puissante la parenté et l’école font ! L’une accueille et encadre l‘élève environ huit heures par jour à raison de 180 journées scolaires dans une année. Elle veille à sa socialisation, son instruction et son éducation, avec tout ce que cela implique en termes de désagréments ou d’avantages. Le reste du temps, l’élève est encadré par ceux qui l’aiment et il y développe d’importants liens de filiation familiale.

Pour un parent, il est trop facile de céder à l’émotivité et de juger le travail ou les décisions des intervenants scolaires. Idem pour un intervenant ; il est facile de critiquer les décisions ou les actions parentales. Il faut cependant s’élever au-dessus des préconceptions du rôle de l’autre pour lui laisser assumer sa pleine souveraineté et son champ d’action pour ainsi former une formidable équipe dont la complicité saura bénéficier non seulement à l’élève, mais aussi aux parties impliquées dans le parcours éducatif de ce dernier.

Quelle place ?

La place du parent dans le quotidien scolaire de son enfant doit résolument être valorisée. Un parent qui aime son enfant, qui le soutient et qui lui inculque des valeurs aura toujours sa place à l’école et cette place doit se tailler en complémentarité aux forces en présence dans le milieu scolaire.

Selon la Fédération des comités de parents du Québec (FCPQ), le principal devoir du parent est de veiller à la réussite scolaire de l’enfant, et ce, grâce à certaines implications variant de la simple présence à des spectacles ou des rencontres parents-enseignants jusqu’à une implication plus soutenue : comités, bénévolat, etc. En tout les cas, de cette implication doit transpirer une vision positive du milieu scolaire, laquelle sera transmise à l’élève. Les gains seront importants, ne serait-ce qu’au niveau de la mobilisation, du sentiment d’appartenance et de la plénitude à simplement fréquenter l’école dans le plus grand des bonheurs.

Survivre au blues du lundi suivant

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Vous venez de terminer votre congrès. Vous êtes ragaillardi et avez la tête pleine d’idées. Votre torse est bombé de fierté et vous êtes prêt changer le monde de l’éducation dans son entièreté. Vous passez la fin de semaine à trier les idées qui se précipitent dans votre tête et vous vous évertuez à faire des changements à votre planification. Vous êtes revigoré et vous venez de donner un nouveau souffle à votre carrière. Et ça commence lundi ! Super ! Malheureusement, la réalité vous rattrapera rapidement et vous serez victime du blues du lundi suivant, à votre retour dans votre milieu.

Dur retour

Lundi, au retour à l’école, votre dynamisme se bute à l’indifférence de certains de vos collègues. Calme-toi, ça va passer ! vous lance l’un d’eux. Vous vous y attendiez, car ce dernier est tout le temps en train de se plaindre et, de toute façon, vous n’avez rien à lui envier. Vous en parlez à d’autres avec qui vous partagez davantage d’affinités et quelques-uns de votre garde rapprochée lèvent les yeux au ciel lorsque vous leur partagez vos nouvelles idées. Quelques on sait bien fusent et tournent en dérision votre récente démarche. Bref, vous vous butez au cynisme de vos propres collègues.

Bien motivé néanmoins, vous arrivez en classe. Vous menez vos nouvelles expériences pédagogiques. Des changements important sont observables puisque désormais, vous centrez l’élève au sein de sa propre démarche pédagogique. Malheureusement, les élèves sont inconfortables. Ils manifestent leur agacement en vous faisant comprendre que vos nouvelles approches impliquent des lacunes importantes à leurs yeux :

  • Vous ne répondez plus à nos questions !
  • Vous n’expliquez plus la matière !
  • Vous n’enseignez plus !
  • C’est quoi qui est à étudier ?
  • Ça va trop vite !
  • Etc.

Vos convictions sont ébranlées. Pourtant, elles n’ont pas à l’être. Qu’espériez-vous ? Que vos élèves s’adaptent aussi rapidement ? Que le modèle directif auquel ils sont habitués depuis des lustres et dans lequel ils ont développé un certain confort soit remis en question ?

Les éteignoirs

Comme si cela n’était pas suffisant, vous ne vous aidez certainement pas. Vous vous nourrissez des contraintes organisationnelles de votre école pour justifier votre propre inertie ou votre incapacité à vous adapter en alimentant ce monologue interne malsain :

  • Je n’ai pas assez de temps de planification !
  • Les élèves n’avancent pas assez vite. Je n’arriverai pas à la fin de l’année en même temps que tout le monde !
  • Je dois préparer mes élèves à un examen du ministère !
  • Ce que j’ai appris au congrès ne colle pas à ma réalité organisationnelle, à celle de mes élèves.
  • Ce ne sont que des idées !
  • Le formateur est déconnecté de la réalité du terrain !
  • Etc.

L’attitude du conquérant

Il est normal que vous doutiez, mais vous devez persévérer dans vos choix ! Ce qui fait de l’enseignement une profession d’exception est sans aucun doute que ces professionnels ont cette faculté de prendre une idée et de l’appliquer dans différents contextes, et ce, quotidiennement. C’est à vous de donner un sens à ce qui a été abordé en congrès et ce que vous souhaitez importer dans votre pratique. Cessez de rechercher les solutions clés en main. Tous les milieux scolaires sont différents et il y a autant de réalités scolaires qu’il y a d’écoles. Le chainon manquant, c’est vous ! Vous êtes le facilitateur; la réussite d’une approche donnée, importée à votre milieu, dépend de votre capacité à l’adapter à la culture de votre milieu ! À vous de garder ces idées vivantes et leur donner un sens dans votre pratique.

Autrement dit, cessez de cautionner le nivèlement vers le bas ! En cédant à cette pression de la culture établie, vous empêcher les nouvelles initiatives de prendre le dessus et de rehausser l’enseignement, et par le fait même, l’apprentissage de vos élèves.

Évertuez-vous à conserver la même prédisposition mentale que celle que vous aviez en congrès. C’est avec cette attitude que votre pratique évoluera grâce à l’ouverture que vous démontrerez. Bien sûr, les éteignoirs continueront leur coups de gueule, mais lorsque vous réaliserez que vous leur accordez trop d’importance et même, trop de crédibilité, vous serez en mesure de passer outre ces êtres profondément anxieux. À défaut de pouvoir changer ces personnages, attardez-vous à ceux qui sont ouverts et disposés à s’améliorer. Un jour, lorsque ces éléments négatifs n’auront plus d’auditoire qui les valorise, leur énergie négative s’étiolera. Vous pourrez leur tendre la main.

Bref, persévérez et soyez patients. Si vous avez été piqué par cette mouche bienveillante du développement professionnel et que vous avez des idées plein la tête, on pourra certainement vous accuser d’être naïfs, mais c’est certainement grâce à cette naïveté que vous conservez cette capacité à vous émerveiller et à émerveiller vos élèves. Vous êtes porteurs de renouveau. Ne vous laissez pas éteindre et gardez le cap. Vainquez le blues du lundi suivant ! 

Bon retour en classe !

Contribuez à l’abolition des silos en éducation

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D’entrée de jeu, j’écris un texte qui ne s’adresse pas à vous. Ça commence bien, non ? Il s’adresse à tous ces enseignants qui font cavalier seul. Ceux qui travaillent mieux seuls, dans leurs silos. Ceux-là qui n’aiment pas partager leur matériel didactique ou encore leur expérience professionnelle. Ceux qui se complaisent dans leur solitude.

Vous devez leur faire parvenir ce texte d’une façon quelconque.

Dans son livre tout simplement intitulé (Les tribus), Seth Godin analyse le leadership sous différents angles permettant de mieux comprendre le contexte social de cet attribut. Comme il l’écrit, l’humain a besoin d’appartenir à un groupe. Nous sommes tous attirés par les leaders et leurs idées et sommes excités à l’idée d’entrevoir la nouveauté. Il y a donc un certain magnétisme qui s’exerce de la part du leader qui, avec ses idées novatrices, réussit à séduire différentes personnes par ses idées et actions, et à les attirer vers lui. C’est ainsi que se forme la tribu; plusieurs personnes sont ainsi captivées et suivent des leaders. Les leaders d’une tribu sont également à la recherche de leadership et ils se captivent pour d’autres leaders. Ainsi roule la grande roue du leadership. C’est plus fort que nous, nous sommes toujours à la recherche d’idées novatrices et sommes impressionnés ou intrigués par ces personnes qui les ont et qui les mettent en œuvre : une tribu ne peut exister sans leaders et les leaders ne peuvent exister sans leur tribu.

Nous avons besoin de ces tribus pour nous inspirer. Et les leaders ont besoin de leur tribu pour s’inspirer. En éducation, nos élèves ont besoin d’enseignants pour les inspirer et les élèves peuvent également nous inspirer. Si nous aspirons à fabriquer les leaders de demain, il est plus que temps d’exercer notre leadership et de l’assumer. D’où l’importance d’aller chercher ces enseignants toujours reclus pour qu’ils joignent des réseaux et rencontrent des collègues pour participer à la saison des idées. Il existe donc une roue sans fin qui nous permet de constater que le leadership permet l’émergence d’autres leaderships. Il ne faut laisser personne derrière !

Les différents colloques et congrès qui existent sont fantastiques et ragaillardissant. En plus, il y a une pléthore de conférences qui sont disponibles sur l’internet via le réseau TED et les blogues pullulent, puisque nous sommes toujours à l’ère du web 2.0. Tout est là, sauf une majorité d’enseignants pour saisir ces opportunités. Il faut inverser cette tendance et trouver des façons d’amener de nouveaux collègues afin qu’ils soient contaminés positivement. Au 21e siècle, l’isolement est un choix… et un mauvais choix.

Si vous lisez ce texte, c’est que vous avez pris en main votre développement professionnel et votre formation continue. Non seulement vous êtes sur la bonne voie, mais en plus, vous avez ce qu’il faut pour mobiliser vos collègues reclus. Faites en sorte que vous soyez l’élément multiplicateur, celui qui sera leur bougie d’allumage. Vous êtes ce qu’ils attendent pour sortir de leur silo et partir à l’aventure de la redéfinition de leur profession. Ne négligez pas l’ascendant que vous exercez sur votre entourage !

iPad en classe : fin de la lune de miel

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L’iPad et la pédagogie traditionnelle ne sont pas compatibles. Pour paraphraser Rabii Rammal, cette dernière est en retard sur ses propres outils et lorsqu’on y pense bien, cela est navrant : des humains visionnaires conçoivent des outils technologiques novateurs et avant-gardistes dont les usages dépassent largement ce pour quoi ils ont été conçus à la base. La créativité humaine, puissante comme elle est, transforme les outils et leur donne de nouveaux usages. Plusieurs domaines proposent des utilisations dérivées qui multiplient les potentialités d’innovation et qui rendent ces outils encore plus géniaux.

Nous sommes en 2016 après Jésus-Christ. Toute l’éducation est occupée par les technopédagogies…Toute ? Non ! Car un village peuplé d’irréductibles éducateurs résiste encore et toujours à l’envahisseur.

Sur un ton plus sérieux, les technologies ont envahi toutes les sphères de la société, mais l’éducation continue de résister. Ce qui est plutôt aporétique, c’est certainement que ces acteurs du milieu scolaire qui rejettent les technologies dans leurs pratiques l’utilisent allègrement dans d’autres sphères de leur vie et en jouissent le temps venu : rendez-vous médicaux, déplacements internationaux ou locaux, divertissement, etc. Deux poids, deux mesures.

Les sempiternelles résistances

Toutes les raisons sont bonnes pour résister. Des chercheurs en éducation ont vilipendé l’outil puisque des recherches démontrent qu’il n’a aucun effet sur l’apprentissage. D’autres recherches démontrent le contraire, mais elles sont moins nombreuses donc la majorité l’emporte. Alea jacta est. Les philosophes s’en sont même mêlés et eux aussi, ils s’y opposent, car l’outil pervertit l’éducation et le genre humain. Le reste, on l’a entendu : l’iPad nuit à la vie sociale des jeunes, il émet des ondes nocives pour la santé humaine, il développe des dépendances, l’écran rétroéclairé modifie le sommeil des jeunes, il augmente les risques de taxage autour de l’école, il fidélise les élèves à des entreprises puissantes et peu scrupuleuses, il encourage la main-d’œuvre à bon marché, il augmente l’empreinte écologique, il encourage le consumérisme et l’obsolescence programmée, etc. La boite de pandore serait grande ouverte et l’humanité a basculé dedans. L’éducation a désormais versé dans la déchéance. On a déjà entendu ad nauseam ces prophètes de malheur, ces imposteurs tentant de se faire passer pour des éveilleurs de conscience agissant au nom de l’esprit critique (qu’ils peinent pourtant à faire émerger chez leurs propres élèves…).

Disons-le simplement : l’iPad à l’école dérange. Il a défoncé la porte pour permettre aux autres technologies d’atteindre la tour d’ivoire que l’école s’est bâtie depuis quelques siècles. Tous ces outils technologiques ont révélé au grand jour les difficultés d’adaptation et le manque de créativité de plusieurs enseignants encarcanés dans leur routine désuète. Fort heureusement, cela a également eu l’effet contraire chez un nombre grandissant d’enseignants qui s’émancipent pédagogiquement et qui sont en mesure de se réinventer. Le positif dans tout cela est certainement que s’il y a de plus en plus d’enseignants qui utilisent les technologies comme levier pédagogique à travers une réinvention de leur pratique professionnelle, il y a logiquement de moins en moins de résistants ! Voilà une excellente nouvelle !

L’iPad n’est qu’un exemple parmi tant d’autres outils à fort potentiel pédagogique qui sont écartés au profit d’outils didactiques traditionnels, une situation démontrant à quel point les mentalités de pédagogues évoluent lentement. Du moins, bien plus lentement que la société qui élabore des nouveaux outils à potentiel révolutionnaire !

Le Bras canadien

Pour en revenir à Rabii Rammal, l’utilisation pédagogique de l’iPad en classe se rapproche de l’allégorie du Bras canadien fabriqué pour se gratter le derrière. Il y a tellement d’usages novateurs possibles, pourquoi y importer son cahier d’exercices ? La réalité est que l’iPad en classe est sous-utilisé et mal intégré. Il est au centre d’un combat que l’enseignant mène contre sa propre nature, celle de l’agent-de-changement-qui-refuse-de-changer-lui-même. Réutiliser les mêmes approches pédagogiques avec un outil aussi puissant relève non seulement de la honte professionnelle, mais de la catastrophe pédagogique puisqu’en fin de compte, ce sont les élèves qui écopent.

Les iPad ont été intégrés dans les écoles de façon parfois trop hâtive: sans consultation, par imposition, en toute hâte et en prenant pour acquis que les enseignants prendraient en main leur propre formation continue. Or, la réalité est la suivante : les enseignants sont tannés de se faire imposer des outils didactiques, des programmes réformés et des grilles d’évaluation prédéterminées. Ils veulent être consultés et écoutés et surtout, avoir l’impression que leur opinion influence les décisions prises dans l’école. Eh oui, ils veulent ce que leurs élèves veulent ! En ce qui concerne la formation continue, elle était léthargique avant l’avènement des technologies. Comment a-t-on pu prétendre que soudainement, les enseignants envahiraient les médias sociaux, les librairies, les congrès et colloques ou les bancs d’université ? A-t-on trop misé sur l’attrait de la nouveauté ?

Pour une intégration durable

Une chose est certaine, après cinq ou six années de ventes records, les ventes de tablettes électroniques ont ralenti et je crois que la société en général est revenue sur terre après une belle histoire d’amour avec ces appareils. Cela laisse donc de la place à une exploitation pédagogique possiblement plus objective de la tablette. Pour y parvenir, voici quatre incontournables :

  • Utiliser l’iPad pour redéfinir ou modifier les pratiques pédagogiques : pas pour les recycler ou les faire perdurer. Le modèle SAMR devient, plus que jamais, une référence incontournable.
  • L’iPad doit offrir des perspectives interactives, non seulement avec son interface, mais avec le monde autour. Il doit offrir des perspectives de collaboration entre les élèves et des ponts avec la société.
  • Cesser d’attendre que les formations soient dispensées par l’école, pendant les journées pédagogiques ou sur le temps de travail conventionné. La formation continue est une responsabilité partagée autant par l’école que l’enseignant lui-même. N’hésitez pas à vous y impliquer hors des heures de cours ! Pas le temps ? Trouvez-en !
  • Créez. Encouragez vos élèves à faire de même. La co-création est une impétueuse compétence qui favorise l’apprentissage chez les élèves et qui leur donne les outils pour faire face aux attentes de leurs futurs employeurs.

Les écoles, pour leur part, ont la responsabilité morale, en offrant un tel outil à leurs enseignants et en imposant un tel achat à leurs élèves :

  • D’offrir des formations ponctuelles sur de nouvelles approches pédagogiques et de nouvelles applications de l’outil.
  • Non seulement d’élaborer un programme de citoyenneté numérique, mais de le rendre concret afin d’espérer observer que les comportements des élèves puissent s’élever à la hauteur du potentiel de l’outil qu’on place entre leurs mains.
  • De faciliter le réseautage professionnel entre les utilisateurs de la tablette. Il est inutile de continuer à jardiner autour d’un silo quand nos enseignants peuvent aller explorer les alentours pour s’inspirer des pratiques d’autres collègues à être importées dans leur classe. On rehausse ainsi les approches grâce à la collaboration.
  • Déployer des ressources locales en support aux utilisateurs à travers un programme de mentorat ou de conseil pédagogique adapté aux réalités de l’enseignant.

Il est toujours divertissant de lire ou d’écouter les enseignants qui disent que les tablettes n’ont pas leur place en classe. Dans le fond, ils ont tout à fait raison ! Les tablettes n’ont pas leur place en classe; elles ont la place qu’on leur fait, dans un contexte scolaire ou pédagogique donné. Il faut en finir avec la perception que l’outil, à lui seul, peut tout changer. Pour ceux qui ne l’ont pas compris, un outil fonctionne de concert avec celui qui l’utilise. Il amplifie les approches pédagogiques.

Plusieurs enseignants craignent que les outils technologiques finissent par les remplacer. Soyez sans crainte ! Rien ne remplace un bon enseignant qui est ouvert, en mouvement, qui s’adapte et qui est à l’avant-garde. Les technologies remplaceront les autres : ceux qui n’ont pas su se mettre à jour et qui ont dépensé leur énergie à maudire leur avènement au lieu de faire le nécessaire pour prendre le virage. Bref, par leurs comportements quotidiens, ils finiront par donner raison à leurs peurs.

Note : J’ai confondu volontairement les mots iPad et tablette électroniques. À mon humble avis, l’iPad demeure la tablette électronique la plus compatible avec le monde pédagogique. Ce texte n’est pas commandité par Apple.

Projet de loi 86 : de gérants à leaders

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La Fédération québécoise des directeurs d’écoles (FQDE) a déposé son mémoire relatif au projet de loi 86, aussi appelé (prenez votre souffle…) Loi modifiant l’organisation et la gouvernance des commissions scolaires en vue de rapprocher l’école des lieux de décision et d’assurer la présence des parents au sein de l’instance décisionnelle de la commission scolaire.

Exit les gérants

Admettons-le : les directeurs d’école sont actuellement plutôt des gérants. Ils administrent et gèrent une école pour le compte des commissions scolaires. Ils ne sont pas à la tête de l’école puisque les décisions sont prises ailleurs, par des administrateurs qui n’ont pas les pieds dans l’école. Voilà le constat à faire de la situation actuelle, lequel représente certainement l’une des pires absurdités de l’éducation québécoise. D’ailleurs, comme l’expliquait la FQDE en commission parlementaire, à l’heure actuelle, bon nombre de commissions scolaires dictent aux écoles comment répondre aux besoins de leurs élèves. Ce sont des bureaucrates déconnectés de la culture d’une école donnée qui en déterminent le financement et la gestion pédagogique. Le rôle central qui devrait être assumé par la direction est annihilé par la gérance de l’école croulant sous le poids d’une paperasse incessante. Pendant ce temps, qui assure la supervision et l’animation pédagogique des enseignants ? Qui donne le ton et soutient les initiatives pédagogiques du milieu ? Y a-t-il un pilote dans l’avion ou est-ce que l’aéronef ne serait pas plutôt un drone piloté à distance par une commission scolaire ?

Comme je le mentionnais au préalable, si nous aspirons à ce que la direction d’école exerce un réel leadership mobilisateur, lequel aura un effet sur la réussite des élèves, il faut lui offrir les conditions gagnantes pour la voir émerger comme leader pédagogique au sein de l’institution. Il faut que la réorganisation favorise une prise de décisions où la créativité et le leadership de l’établissement seront reconnus estime la FQDE. C’est un peu cette porte que le gouvernement entrouvre avec le projet de loi. Pourtant, il n’y a rien de révolutionnaire dans tout ça : plus on rapproche les mécanismes de prise de décision des élèves, plus l’incidence positive sur ces derniers se fait sentir. N’est-ce pas l’évidence même ?

Nouvelle structure, même cadre financier

Ce qui est proposé avec le projet de loi 86 est une nouvelle structure de gouvernance. Ces modifications structurelles sont malheureusement assorties du même cadre financier famélique qui est servi au monde de l’éducation depuis quelques années. S’il y a une chose sur laquelle TOUS les acteurs du monde de l’éducation s’entendent, c’est la reconnaissance de la réalité du sous-financement. Les syndicats, les directions d’école, les enseignants, le privé, le public, les commissions scolaires, les CPE, les cégeps, les universités, les parents, et j’en passe, s’entendent tous pour dénoncer les compressions budgétaires. Rarement une situation fait-elle autant l’unanimité en éducation québécoise !

Pour donner la pleine mesure à ces améliorations structurelles, le cadre financier doit également évoluer. La FQDE abonde dans le même sens en parlant de décentralisation des budgets. Il faut que les directions puissent assumer cette nouvelle autonomie. Ne faut-il pas se donner le moyen de nos ambitions ?

Un pas dans le bon sens

Le projet de loi 86 est un pas dans le bon sens. Ce qui importe cependant est ceci :

  • Les pouvoirs accrus aux parents doivent ne pas s’exercer au détriment de l’autonomie professionnelle des enseignants ou des directions d’école. N’oublions pas que tout le monde a sa petite idée de comment doit être gérée une classe ou une école, car tout le monde a fréquenté ces lieux (sic). Trêve de cynisme, l’autonomie professionnelle doit être respectée par les parents comme les acteurs du monde de l’éducation doivent respecter la démocratie scolaire. Les parents et les intervenants scolaires sont condamnés à travailler ensemble puisqu’ils souhaitent tous deux la même chose : la réussite des élèves. Plus que jamais, avec les défis contemporains qui se dressent devant nous, l’heure est à la gestion collaborative.
  • Décentraliser les pouvoirs, d’accord. Cependant, il ne faut pas les recentraliser ailleurs. On répète aux enseignants que nous souhaitons qu’ils exercent leur jugement professionnel et qu’ils assument leur autonomie professionnelle ; donnons-leur du pouvoir ! Et comme dans n’importe quelle entreprise de services, celui qui dirige les opérations doit jouir de davantage de pouvoir en ayant une pleine latitude en termes de prise de décisions administratives, pédagogiques ainsi qu’au niveau du service à l’élève et de la vie scolaire.
  • Modifier la structure du réseau scolaire est une excellente idée. Cependant, n’oublions pas que ce que l’école québécoise a besoin est un réel vent de changement qui la transportera jusqu’au 21e siècle. Et pour mener ce navire à bon port, tous doivent ramer dans le même sens ! Tout ce qui encourage le déploiement d’initiatives en ce sens doit être favorisé. L’école québécoise doit sortir de sa torpeur.
  • L’autonomie fantôme est inutile. Elle doit s’accompagner de leviers financiers et administratifs à la mesure des pouvoirs que l’on veut conférer à ces leaders.

Le projet de loi est une première pierre posée dans l’édification d’une structure scolaire renouvelée et modernisée. Maintenant que les structures de gouvernances évoluent, les mentalités doivent suivre.

La direction d’école ou le côté sombre de la force

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En cette semaine de relâche deux articles nous ont donné un point de vue intéressant sur le rôle d’une direction d’école. Le premier, rédigé par Eric Sheninger nous permet d’identifier les principales qualités de ce professionnel au rôle méconnu, alors que le second texte, lui, démontre qu’une direction d’école perd rapidement la naïveté qui l’habite lorsqu’elle prend les rênes de l’école. J’avais déjà écrit sur La bonne direction, mais cette fois-ci, j’ai envie de répondre à l’appel d’Eric Sheninger et de dresser ma liste des caractéristiques incontournables d’un directeur ou d’une directrice d’école.

Ainsi, qu’est-ce qu’un bon directeur ou une bonne directrice d’école ? Je pense qu’il n’existe pas de réponse préétablie en ce sens puisque chaque milieu est différent; les besoins de ces derniers dictent les caractéristiques nécessaires pour chaque candidat. Une bonne direction dans un milieu ne l’est donc pas nécessairement dans un autre. Également, les attentes de tous et de chacun varient. Pour les uns, une direction peut être excellente, mais pas pour les autres. Il y a une bonne part de subjectivité en ce sens ! Signe qu’il est pratiquement impossible de faire l’unanimité dans cette profession !

Également, il est important de comprendre une chose incontournable : la direction d’école n’est pas l’antithèse de l’enseignement. Il ne faut pas oublier que dans la très forte majorité des cas, la direction est d’abord un ancien enseignant et qu’elle ne renie pas ses racines pour autant. Elle travaille de concert avec les enseignants dans un même but. Seulement, les deux travaillent à des niveaux différents.

Donc, quelles sont les qualités incontournables d’une bonne direction ? Celles qui font consensus et qui sont souvent recherchées lors des ouvertures de poste ? Celles qui sont à la base de la pratique de certains collègues que j’ai la chance de côtoyer de près ou de loin ? En voici une courte liste non exhaustive :

  1. La capacité d’adaptation. La gestion en milieu scolaire, c’est apprendre à gérer l’imprévu. À défaut d’avoir l’expérience nécessaire pour y faire face, il faut avoir les bons réflexes.
  1. Démontrer un leadership qui dépasse largement le niveau des capacités orales. Il faut que les babines suivent les bottines et que les gestes soient plus forts que les promesses. De cette façon, le leadership se transforme en cohérence établie entre les paroles et les gestes pour être inspirant et afin de permettre de rassembler tous les acteurs du milieu scolaire.
  1. La capacité à établir une vision qui, pour être partagée par l’ensemble des intervenants d’un milieu scolaire, sait autant se baser sur la culture de l’école que sur les défis sociaux de demain. L’enseignant a le nez collé dans l’urgence du quotidien alors que la direction d’école, elle, a une vision globale de tout ce qui se passe dans l’école et dans la communauté. Derrière cette vision, le directeur ou la directrice doit incarner la transformation et l’évolution de l’école. C’est ainsi que la direction d’école aspire à devenir un modèle, une référence respectée.
  1. La transparence est quelque chose qui doit émerger des pratiques de gestion en milieu scolaire. Le quotidien scolaire est, en quelque sorte, un aquarium où tous ont une vue privilégiée sur nos actions. Bien souvent, ceux qui ont peur de cette transparence sont ceux qui ont quelque chose à cacher, et bien souvent, ce qui est à cacher est un manque de leadership.
  1. La communication doit être bidirectionnelle. Les canaux doivent demeurer ouverts pour recevoir et donner de la rétroaction comme pour transmettre des consignes. Bien évidemment, le respect est une dimension centrale de tout l’aspect communicatif et il permet, en outre, de valoriser les instances qui interviennent dans le milieu scolaire : autonomies professionnelles (remarquez le pluriel!), syndicats, association de parents, corps de métiers, partenariats, etc.
  1. Valoriser les réalisations des autres. Le projecteur doit revenir aux autres et ce sont leurs agissements qui doivent être mis en valeur. Ceux qui font le saut en direction par désir de reconnaissance sont au mauvais endroit. Si la reconnaissance est rare pour les enseignants, elle l’est encore plus pour les membres de la direction. Pire, souvent, les critiques fusent de toutes parts. J’aime référer à la direction d’une école comme l’accès au côté sombre de la force. Cela est non seulement amusant, mais il exprime surtout que cette force ou ce levier doit être exercé dans l’ombre de ceux qui doivent impérativement briller : les élèves et leurs enseignants.

Quelques conseils maintenant :

  1. Épaississez votre carapace. Il y en a des polémistes qui croient toujours au complot et qui pensent tenir le filon pour prouver que vous êtes un incompétent. Tel qu’énoncé au préalable, il est impossible de faire l’unanimité et s’il y a des personnes qui croiront que vous avez changé leur vie pour le mieux, d’autres estimeront que vous l’avez ruinée. Composer avec ceux qui drainent beaucoup d’énergie de par leur négativisme fait malheureusement partie du travail. Sachez cependant reconnaitre jusqu’où vous pouvez aller pour eux et ne vous laissez pas avaler par ce trou sans fond qu’est la sinistrose !
  1. Ne ramenez pas de travail à la maison. Il s’agit d’un poste très exigeant et prenant. Tous veulent un morceau de ce que vous avez à offrir quotidiennement : les parents, les élèves, les enseignants, etc. Votre famille ne doit pas faire partie de cette équation. Réservez-leur la grosse part du gâteau. Concilier famille et direction scolaire est probablement le plus grand défi à relever.
  1. Ayez un mentor. Oui, il y a des frais associés à cette démarche et si votre école ne les assume pas, investissez dans cette opportunité. On s’estime souvent seul en direction; avoir un conseiller, quelqu’un de confiance, d’expérimenté et de neutre s’avère être un excellent antidote à cette solitude professionnelle.
  1. Faites partie d’une communauté de partage d’expérience professionnelle. C’est enrichissant de constater comment les choses se font ailleurs. Bien souvent, on peut voir que d’autres ont de bonnes idées ou même, de meilleures idées que soi !
  1. Posez des questions. Autant à vos collègues qu’à votre supérieur immédiat, en passant par les enseignants et le personnel de soutien. C’est un travail d’équipe et ils ne se gêneront pas lorsqu’il sera temps de requérir à votre aide; faites-le aussi !

Le directeur ou la directrice d’école est, d’une certaine façon, un facilitateur pour toutes les possibilités pédagogiques pour les enseignants comme pour les élèves. Ils doivent s’évertuer à établir des relations avec un nombre grandissant d’intervenants en s’assurant que les canaux de communication demeurent ouverts, accessibles et fréquentés. Œuvrer à la tête d’une institution scolaire est un travail d’équipe s’illustrant par un certain degré d’interdépendance entre les acteurs du milieu. Les uns ne sont rien sans les autres et dès qu’un maillon de la chaine de la démarche d’apprentissage d’un élève éclate, c’est tout le processus qui est affecté. Tous ont leur rôle à y jouer, à commencer par l’élève lui-même et le rôle de la direction est, justement, de voir à ce que tous jouent leur rôle et que la chaine soit bien huilée !

Notre école est un crime

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Vous avez bien lu ! D’une part, j’ai traité des élèves fantômes en septembre dernier et hier j’ai écrit hier à propos de l’autre gratuité scolaire. Les deux textes mettent en reliefs les élèves veules et léthargiques, spectateurs désintéressés des parents et des acteurs du milieu scolaire qui font tout pour eux.

C’est un peu la suite à ces textes que j’écris aujourd’hui.

Quand la médaille académique du Gouverneur général vient nous hanter

L’idée est venue d’un texte tweeté par l’inestimable qui explique comment nous avons tué l’intérêt de l’élève pour l’apprentissage. Rien de moins. Ce texte intitulé When success leads to failure, écrit par , est le fruit de l’expérience d’une enseignante qui constate, suite aux témoignages de parents, que de plus en plus d’élèves semblent avoir perdu le gout d’apprendre. L’enseignante en conclut :

L’élève a sacrifié sa curiosité innée et son plaisir à apprendre sur l’autel de la performance scolaire. Nous leur enseignons que leur intelligence se mesure par de bons résultats scolaires et s’exprime en notes, en cotes ou en méritas et que quelque part, tout cela est plus important que le développement de sa propre personnalité et de diverses compétences issues à son fonctionnement dans une société bien ancrée dans la contemporanéité [traduction et adaptation libres].

Elle n’a pas tort ! Les résultats scolaires sont bien plus importants que la démarche qu’ils devraient avoir initiée. Autrement dit, la fin est plus importante que les moyens. Et la fin, c’est la sanction des études et l’acceptation au cégep. Point à la ligne. Ce qui importe à trop de jeunes est de protéger leur perfection scolaire et académique, et ce, à n’importe quel prix.

Je me souviens d’une élève de cinquième secondaire à qui j’enseignais l’économie et qui était fâchée parce que je lui avais enlevé un point pour une petite erreur banale, ce qui la privait d’une note parfaite. Je lui avais expliqué que ce qui était important n’était pas la note, mais bien la démarche. Je lui expliquais que ce que je visais en tant qu’enseignant ne se mesurait pas immédiatement, mais dans les années à venir. Elle finalement a décroché la médaille académique du Gouverneur général en fin d’année et elle a eu le culot de revenir me voir pour me dire : vous aviez tort. Tout ce que j’ai appris se mesure dans l’immédiat par cette médaille (en me la montrant). J’aurais dû être fier pour elle, mais j’ai immédiatement compris que j’avais échoué dans mon travail d’enseignant. Pour les curieux, elle est aujourd’hui médecin et elle a plus de 1000 amis Facebook (deux belles façons de témoigner du niveau de réussite sociale de nos jours!). L’histoire ne dit pas si elle est en mesure d’appliquer ce qu’elle a appris dans mon cours pour gérer sa richesse et ses ressources…

Les jeunes d’aujourd’hui ne veulent pas apprendre; ils veulent de bonnes notes. Si les enseignants trouvent une corrélation entre les deux, les élèves, eux, dissocient les deux concepts.

L’intransigeance scolaire

en rajoute. Le philosophe allemand estime que l’école occidentale est un crime, car elle s’évertue à mettre tous les moyens en place pour que nos écoles continuent à fonctionner, au fond, sur le modèle de la société industrielle, vieux de plus d’un siècle. Cet archaïsme est conforté par la majorité des parents qui rêvent que leurs enfants soient coachés vers une spécialité pointue, rare et rémunératrice.

Bien évidemment, tout parent veut le mieux pour son enfant, mais faut-il nécessairement qu’il mette en place des mécanismes de réussite quantifiable sans égard aux processus menant à cette même réussite ? Et l’excellence… Qu’est-ce que l’excellence ? 90% ? 100% ? Ou simplement se dépasser ? L’excellence pour les uns est-elle l’excellence pour les autres ? La réussite à tout prix, est-ce sain ? Y a-t-il une portée éducative à cette intransigeance scolaire ?

Vous entendez souvent parler du nivèlement vers le bas en éducation. Peut-être cela existe-t-il dans nos écoles, mais il y a deux choses à ne pas négliger : la première, elle existe autant chez les élèves que chez les acteurs du milieu scolaire. Le Ministère de l’Éducation ne détient pas le monopole du nivèlement vers le bas. Les enseignants, les directions d’établissements scolaires et les parents n’ont pas à faire la morale à quiconque en ce sens. Secundo, lorsqu’on enseigne pour évaluer et qu’on évalue pour déterminer qui passe et qui échoue, on manque l’essentiel de ce que doit être une véritable démarche scolaire au 21e siècle :

  • Former les travailleurs qui seront, pour l’heure, sur le marché du travail entre 2025 et 2060, dans un monde incertain, alors qu’ils occuperont probablement un emploi qui n’existe toujours pas ;
  • Apprendre aux jeunes comment résoudre des problèmes pour qu’ils se distinguent et démarquent dans un monde de plus en plus compétitif ;
  • Éduquer nos élèves à l’éthique afin que leurs actions futures s’inscrivent dans l’intérêt du bien commun.

Nous avons donc un choix à faire : révolutionner notre système éducatif ou continuer à sacrifier nos jeunes et les voir s’ennuyer dans nos classes. Ils auront de bons résultats scolaires et probablement un diplôme et des méritas accrochés au mur, mais ils peineront à trouver leur place dans la société de demain.

 

L’autre gratuité scolaire

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Dans les salles de repos des enseignants, du primaire ou du secondaire, on entend souvent la même complainte: les élèves ne sont pas autonomes et ils ne se responsabilisent pas. Voilà qui est bien vrai ! Pour comprendre le phénomène, voici une piste de compréhension basée sur le quotidien d’une forte majorité de nos élèves.

L’élève au centre

Dans bien des cas, le matin, l’élève ne se lève pas seul. Un parent joue le rôle du réveille-matin. Lorsqu’il est prêt, un autobus scolaire cueille l’élève devant la porte de la maison, ou à proximité, pour ensuite le débarquer directement à l’école. Le tout, bien évidemment, tout à fait gratuitement. Dans d’autres cas, ce sont les parents qui le débarquent devant la porte de l’école. Dès lors, il se plie à l’horaire qui lui est imposé. Il se conforme aux règles de vie qui sont fixées.

Une fois en classe, les enseignants lui dictent quoi apprendre, comment l’apprendre et pourquoi l’apprendre. Ultimement, il régurgite le tout sur un examen et il obtient une note basée, bien souvent, sur sa capacité à retenir l’information transmise. Le cycle recommence au cours suivant… puis dans l’autre cours… ad nauseam… le tout, pendant 900 heures scolaires.

Lorsqu’il y a un problème, le parent appelle à l’école et exige des explications. Trop souvent, quand il est trop actif, trop curieux ou simplement divergent, on le diagnostique et même, on le médicamente. Idem lorsqu’il passe au travers d’une lourde épreuve : il est dépressif et on le médicamente. Bref, on réussit toujours à trouver un paquet de raisons externes à l’élève, lesquelles qui expliquent ses difficultés. Bref, il y a toujours une raison qui explique des difficultés scolaires; c’est soit de la faute à l’enseignant, à la classe, à un autre élève, au milieu socioéconomique, à une condition médicale, à une condition neuropsychologique, etc.

Placer l’élève au centre de nos priorités, c’est bien, mais pendant qu’il est au centre, il ne prend pas part à tout ce qui se passe pour lui dans (la) sa vie scolaire ! Il observe et constate, le tout, bien souvent, sans reconnaitre tout ce qui est fait pour lui. Il se désengage. L’élève-spectateur est en fait, quotidiennement, renforcé dans son manque d’autonomie, car autant ses parents que les acteurs en milieu scolaire font tout pour lui. Le système est construit de telle façon, que nous espérons que, par mimétisme, l’élève imite nos actions bienveillantes et qu’il les applique à son propre fonctionnement. Dans le cas contraire, on espère qu’il ait au moins la décence de s’investir dans sa démarche scolaire par compassion et reconnaissance pour tout ce que tous font pour lui. Malheureusement, cela n’est pas plus observable.

La fin de la gratuité scolaire

Les polémistes seront déçus : il n’est pas question ici de remettre en question la gratuité du système scolaire ni de faire l’apologie du réseau privé. Cependant, force est d’admettre que lorsqu’on aborde la question de l’éducation comme étant un droit et non une responsabilité ou un devoir, on a malheureusement tendance à :

  • Tenir notre propre éducation pour acquise;
  • Considérer ceux qui travaillent dans nos écoles comme étant nos valets;
  • Se désengager de notre propre démarche.

L’élève doit cesser de concevoir l’éducation comme quelque chose qui lui est dû pour, enfin, prendre les devants et s’approprier sa démarche dans sa globalité et y assumer le rôle actif qui lui revient.

Pour être éduqué, la notion de sacrifice manque sérieusement à l’équation. Bien que je conçoive que l’éducation doive être universelle et non un privilège, j’aimerais voir des élèves plus opiniâtres face à leur implication scolaire. J’aimerais voir des parents revendicateurs moins vindicatifs et plus exigeants, et ce, équitablement envers leur enfant qu’envers leurs enseignants. C’est en ce sens que j’appelle à la fin de la gratuité scolaire. Celle où tout est gratuit et vient sans trop d’implication ou de sacrifices de la part de l’élève. Il est impératif de faire le nécessaire pour qu’il se responsabilise au lieu de simplement nous plaindre de ce qui est, ultimement, le résultat de nos approches à son égard.

Toi, l’effet multiplicateur…

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Si tu savais à quel point j’ai souvent pensé à toi ces dernières années. Toi qui es partout et nulle part à la fois, toi qui a tant de visages, on s’est croisé à plusieurs reprises à plein d’endroits. Tu es présent dans mon milieu scolaire, dans celui des écoles voisines comme dans celui des autres écoles du pays. Tu es partout, mais malheureusement, tu n’es pas en nombre suffisant. Et tu doutes de toi.

L’effet multiplicateur c’est toi, l’enseignant qui a accepté de briser son silo pour en sortir et explorer ce qui se passe autour. Tu as pris en main ton développement professionnel et tu as développé un appétit insatiable pour tout ce qui te permet d’innover dans ta pratique. Tu participes à un nombre maximal de congrès, de colloques et de rencontres avec d’autres enseignants. Tu lis tout ce sur quoi tu mets la main : des magazines, des blogues, des livres, les journaux, etc. Tu n’es pas en attente d’être stimulé ou formé dans une journée pédagogique ou entre 9h00 et 16h00. Tu vas au-devant, tu crées tes occasions de formation, bien souvent sur ton temps. Et tout ce que tu apprends, tu le réinvestis dans ta pratique, car la raison pour laquelle tu cherches constamment à te réinventer, c’est pour tes élèves. Tu deviens un meilleur enseignant et, ultimement, tu incites tes élèves à devenir de meilleurs apprenants.

Tu as le sens des autres ! Tu fais cela pour tes élèves, certes. Tu le fais pour toi aussi, par pur plaisir. Mais tu le fais aussi pour tes collègues. Tu es une éponge : tu absorbes un maximum d’informations pour tout transmettre dans ton milieu. Sorti de ton silo, tu cognes à ceux de tes collègues, qui en ont fait leur demeure, pour venir te rejoindre et vivre de l’insécurité de la curiosité et de la créativité. Cela n’est pas une mince affaire !

À ton contact, tes collègues deviennent de meilleurs enseignants. Probablement que tu ne le vois pas. On ne peut pas te blâmer. Peut-être que tu avances plus vite qu’eux, mais au moins, eux aussi avancent. Et bien souvent, c’est grâce à toi. Tu es l’effet multiplicateur. Tu diffuses l’information que tu as amassée et tu partages tes expériences pour rehausser la vie professionnelle de ceux qui t’entourent. Tu offres conseils, expériences et idées; tu défriches des sentiers pédagogiques.

Malheureusement, parfois, tes collègues te rejettent. En fait, ce n’est pas toi qu’ils rejettent, mais davantage tes idées et tes pratiques, car, souvent, elles peuvent menacer leurs propres pratiques et idées qui ont fait leurs preuves depuis 25 ans ! Tu sais, par ton dynamisme, tu nivèles vers le haut et tes collègues se sentent obligés de faire de même. Tu les forces implicitement à changer. L’humain étant ainsi fait, il n’aime pas à être contraint de changer. Plein de préjugés s’installent. Cela crée des tensions :

  • Tu ne reconnais plus tes collègues ni ton milieu scolaire. Tes collègues ne te reconnaissent plus et ne reconnaissent plus leur école. Malgré tout, c’est bon signe ! Le changement s’opère et tu en es certainement la source !
  • Tes élèves aiment ce que tu fais en classe, mais malheureusement, ils manifestent leur désintérêt envers les classes de certains de tes collègues. Cela crée un malaise entre toi et tes collègues et une certaine jalousie.
  • Des clans peuvent se créer. Ceux qui résistent et ceux qui ont décidé de changer leurs pratiques. Un peu comme le disait Benjamin Franklin, l’humanité se divise en trois catégories : ceux qui ne peuvent pas bouger, ceux qui peuvent bouger et ceux qui bougent.

Tu es souvent épuisé et découragé. Pas par ta tâche d’enseignement, mais bien par la réaction de fermeture de plusieurs de tes collègues. Tu veux les convaincre, tu veux partager et collaborer avec eux. Tu veux leur faire voir ce que tu as vu et leur faire vivre ce que tu as vécu. Entrevous, il y a un mur qui se dresse parfois : un mur d’incompréhension.

Tu remets en question ton leadership. Dois-tu, en plus d’inciter tes élèves à avancer, faire de même avec tes collègues ? N’est-ce pas plutôt le travail de ta direction d’école ? Tu vois, tu as fait un contrat moral avec ta profession. Tu pourrais te taire et rentrer dans le rang, mais ce serait inacceptable puisque contre ta nature et contre ta propre vision de ce que doit être le monde de l’éducation au 21e siècle. Tu pourrais refuser de continuer à influencer tes collègues en faisant ta petite affaire, mais, une fois de plus, c’est impossible; on ne peut empêcher le soleil de rayonner ! Même si les autres ont la de ne pas te ralentir, il n’en demeure pas moins qu’il est plus simple pour autrui de mobiliser un minimum d’efforts pour ralentir ta progression plutôt que d’investir une quantité énorme d’énergie pour changer ses pratiques. Et même si ta responsabilité première est ton propre développement professionnel et le bien-être de tes élèves, il n’en demeure pas moins que tu as une responsabilité éthique de continuer à incarner ce que tu crois être l’éducation au 21e siècle. Même si tu crois qu’ils te rejettent ou rejettent tes idées, la vérité est que tes collègues, même les plus rébarbatifs au changement, ont besoin de toi.

On dit souvent que personne n’est irremplaçable. Surtout en éducation où on n’accorde pas assez d’importance à ces gens uniques qui nous font cheminer. Heureusement, je crois que cette maxime est fausse. Par ta seule présence, tu te rends indispensable !

En ce sens, tu incarnes l’autre côté de la médaille de ce qu’est la persévérance scolaire : résister aux résistances et travailler de façon acharner à faire évoluer les mentalités et pratiques enseignantes.

Une chance que tu es là : tu es une fenêtre ouverte sur le monde et un courant d’air rafraichissant en pédagogie. Ne t’éteins pas, rayonne de tous tes feux. Certains, qui vivent dans la noirceur, se sentiront éblouis, mais plusieurs autres se fient à ta lumière bienveillante ! Je prends le temps de te dire MERCI !

Se retrousser les manches pour que les élèves n’aient plus à persévérer dans nos écoles

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Depuis un certain temps, j’écris à chaque année à propos des . Comme je l’ai déjà écrit, on ne peut pas être contre la vertu et je suis tout à fait d’accord avec l’idée que tous prennent une semaine pour féliciter les élèves pour leurs efforts. Ce texte n’est donc pas une sortie en règle contre l’organisation d’une semaine pour souligner la persévérance scolaire. Cependant, au-delà de ces beaux mots et de ces quelques actions ici et là, il serait approprié de nous remettre en question sincèrement à savoir si nous ne contribuerions pas plutôt au décrochage scolaire… Les années ont passé et, tristement, j’en viens toujours au même constat : on contribue davantage au problème qu’à la solution.

J’aimerais mieux que l’on fasse le nécessaire quotidiennement pour éviter le décrochage scolaire que de dédier une semaine du calendrier à dire : Let’s go, vous êtes capables ! Nous on peut être 1000 fois meilleurs pour vous, mais on vous demande de ne pas abandonner. SVP, persévérez ! Il faut enrayer le décrochage scolaire et cela passe par une complète réinvention du système scolaire et des individus qui y gravitent : des enseignants aux directions d’établissement, des commissions scolaires au Ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur (nouvellement appelé le MÉES… l’acronyme porte bien son nom !), des entreprises aux familles. Tous doivent se regarder longuement dans le miroir, se retrousser les manches, se donner la main et s’y mettre. Ça presse !

Annuellement, cette semaine prend les allures d’une mascarade. Bien que le message soit le bon, il devrait être le même tout le temps. Et pour que le message soit réellement le bon, il doit entrainer une action durable. Malheureusement, au lieu de souligner nos bons coups et une action concertée et collective, c’est plutôt le moment où l’on réalise collectivement nos déboires. Dans les faits, c’est la semaine de l’échec des :

(… dans le désordre…)

  • Enseignants qui, pour plusieurs, sont incapables de se renouveler pour enfin placer l’élève au centre de leurs préoccupations et de leurs approches pédagogiques.
  • Écoles où le leadership fait peur et le nivellement vers le bas semble faire office de norme pour éviter de déranger ceux qui se cantonnent dans leurs bonnes vieilles habitudes. Oui, en éducation au Québec, on rabroue ceux qui dérangent et on dénigre un peu trop souvent ceux qui réussissent !
  • Gouvernements qui se succèdent et qui placent le système de santé en tête de leurs préoccupations sans réaliser que l’éducation devrait venir à bout de plusieurs problèmes de santé qui engorgent nos hôpitaux. Des gouvernements qui se désinvestissent et qui emploient des logiques comptables pour essayer de mettre une valeur sur ce qui n’a tout simplement pas de prix. D’ailleurs, le gouvernement n’est même pas associé aux Journées de la persévérance scolaire ! Ça veut tout dire,non ?
  • Structures scolaires énormes comme les commissions scolaires et le MÉES qui sont encrassés dans la bureaucratie et qui dilapident d’importantes sommes d’argent pour légitimer leur présence et assurer la pérennité d’un système dépassé et désuet.
  • Parents qui n’ont pas su transmettre cette importance de l’école et d’en faire le centre de l’univers de leur enfant ou à ceux qui disent fièrement qu’ils ont pu réussir dans la vie sans avoir eu à aller trop longtemps à l’école. Sans oublier les parents qui prennent résolument le côté de leur enfant et qui dénigrent le travail des enseignants ou des autres intervenants scolaires.
  • Entreprises qui, trop souvent, mettent de la pression sur nos élèves afin qu’ils augmentent leurs heures de travail et qui recrutent sans vergogne des élèves de quatrième ou cinquième secondaire pour les faire travailler plus d’une quinzaine d’heures par semaine. Ils vendent du rêve et à un âge où les jeunes se cherchent, même le salaire minimum est attrayant.

Tous ces intervenants, et bien d’autres, doivent travailler de concert dans un seul et même but : non pas garder l’élève à l’école, mais faire en sorte qu’il y apprécie son séjour et qu’il s’y retrouve. Un élève heureux dans son milieu scolaire en est un qui persévèrera. Or, trop d’élèves ont l’impression de perdre leur temps à l’école et, en conséquence, ils ne manqueront pas l’occasion de sortir du milieu aussitôt que possible. Le but n’est pas que les élèves persévèrent dans nos écoles; c’est qu’ils y évoluent et qu’ils s’y sentent bien !

Pour reprendre le thème de la semaine, oui, soyons tous des ! Soyons-le durant toute l’année et agissons q-u-o-t-i-d-i-e-n-n-e-m-e-n-t en tant qu’ambassadeurs de l’éducation. Faisons en sorte que notre classe, notre école, notre famille, notre équipe sportive, notre entreprise, placent l’intérêt de l’élève en premier. Remettons en question nos pratiques et voyons comment nous pouvons faire les choses différemment, en collaboration avec tous les acteurs des milieux scolaires. Outillons ceux qui travaillent directement avec les élèves et offrons-leur le pouvoir d’intervenir grâce à une autonomie professionnelle qui peut être exercée localement au lieu de devoir naviguer dans les méandres de la bureaucratie scolaire. Car, bien souvent, c’est dans ces tergiversations que nous perdons autant nos élèves susceptibles de décrocher que ceux qui peuvent les aider.

Réplique d’un cahier à un enseignant

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Le texte suivant a été rédigé à l’invitation d’enseignants qui ont lu le texte Cher cahier d’exercices… et qui m’ont interrogé à savoir ce que répondrait le cahier. Avant de lire ces lignes, pour vous mettre en contexte, assurez-vous de lire le texte précédent. 

 

Cher enseignant,

Je comprends ton désarroi. Dans les faits, tu as beau me critiquer, mais tu attaques la créature que tu as toi-même engendrée ! En effet, je suis né de ton insécurité et de tes propres doutes face à cette belle profession que tu exerces.

Tu me trouves plate ? Ennuyeux ? Soit. Peut-être suis-je le reflet de ta propre performance ? Il y a plusieurs façons de rendre tes cours intéressants : pourquoi me choisis-tu comme outil de prédilection, sachant que les documents officiels du Ministère te donnent une complète latitude à cet égard ? Je suis un outil à deux dimensions et je fais ce que je peux avec ce que j’ai. Probablement que, comme toi, il me manque une dimension et que je manque de profondeur… Mais je t’envie, car toi, tu as accès à tous les possibles. J’aimerais avoir cette chance d’innover et d’évoluer, mais j’ai atteint mes limites. Toi, tu as ton imagination et ta curiosité. Les limites que tu rencontres sont celles que tu t’imposes.

En parlant de documents officiels du Ministère, je crois que tu me confonds trop souvent avec le Programme de formation et la Progression des apprentissages. Tu as déjà consulté ces documents ou tu te limites à ce que tu trouves dans mes pages ? Bref, c’est toi qui m’accordes autant d’importance.

Tu parles de créativité, tu parles de personnalisation. Je suis un livre ! Celui qui stimule la créativité et qui doit personnaliser son enseignement, c’est toi. Sans vouloir t’offenser, je dirais que tu manques de créativité à un point tel que tu paies quelqu’un d’autre pour avoir des idées que tu achètes sans vergogne, à gros prix, pour les réutiliser avec tes propres élèves! Je dis tu, mais en fait, ce qui rend le tout encore plus désolant, c’est que c’est ton école, ta commission scolaire et même les parents de tes élèves qui déboursent directement et qui font les frais de ton propre manque de créativité.

Le monopole de la connaissance, ce n’est pas moi qui l’ai perdu ! Et c’est toi qui crains l’invasion des technologies dans ta classe et qui te sent menacé. Moi, une fois imprimé, je fais ce que je peux avec ce que j’ai et lentement je constate mon obsolescence. Je me désole parfois de voir mes amis plus vieux toujours dans les sacs de tes élèves.

Dans le fond, je suis un objet de sécurité pour toi. Je suis une banque d’activité quand tu manques d’idées ou que tu es débordé avec les milliers d’autres tâches connexes qui se rajoutent quotidiennement. Je suis ta bouée de sauvetage et ton plan B : tu te sers de moi pour punir tes élèves, leur donner des devoirs, pour boucher du temps dans tes cours (ce même temps que tu crains manquer en fin d’année pour couvrir le Programme !), etc.

Moi, je suis né un livre et je finirai un jour au fond d’un bac de recyclage, mais toi, ta tâche est appelée à changer au gré des besoins sociaux. Et c’est ce qui fait la beauté de ta profession : rien n’est statique. Tu te lèves et tu ne peux te douter de ce qui t’attend. N’est-ce pas fantastique ? Moi, je suis là et j’attends patiemment qu’on m’ouvre, qu’on me lise ; je prends la poussière et je suis au service de l’humain. Toi, tu peux aller au-devant des autres, bouger, t’investir. Je suis un objet qui se définit par sa finitude. Hier, aujourd’hui et demain seront pareils pour moi. Toi, même si tu te refuses à le voir, tu es évolutif et tu changes tous les jours. Mieux, tu constates tous les jours que tu joues un rôle dans le changement chez tes élèves ; accepte toi aussi de changer ! Sois fier de ta profession et de ton apport à la société, Sois le modèle que tu es appelé à devenir. Au lieu de les craindre, inspire-toi des enseignants qui se sont émancipés des dogmes que le milieu de l’éducation vous impose et prends ton envol à ton tour. Sois le chainon manquant ; celui qui fera de l’école l’endroit où les élèves veulent être au lieu d’être celui qu’ils cherchent à fuir !

J’aimerais bien être polymorphe ou me réinventer. Je rêve de devenir un livre et de voir les écritures bouger, les dessins s’animer comme si nous étions dans un film d’Harry Potter. J’aimerais être plus interactif. Or, l’humain qui m’imagine a choisi de me prendre tel quel pour m’importer dans une tablette qui elle est interactive. Imagine… moi, statique, combiné à un support branché en permanence sur Internet offrant la possibilité de jouer à des jeux… Et on se demande après pourquoi il y a autant de distractions et d’écarts divers dans les classes branchées ! Dans les circonstances, non pas que je sois suicidaire, mais ne te gêne pas pour m’écarter de ta boite à outils didactique. Je comprends qu’il y a longtemps que j’aurais dû être relégué aux oubliettes. Mais n’oublie jamais que j’ai été élaboré par des enseignants et que je n’ai que l’importance qu’un autre enseignant me confère !

Pour terminer, tu as deux choix : soit qu’on se revoit au temple de la renommée de la nostalgie de l’école qui peine à se réinventer. Bien au chaud à mes côtés, il y aura une belle place qui t’attendra. Ou encore, tu te tailles une place dans l’imaginaire social de cette société grandement en manque de modèles pour sa jeunesse et que tu t’imbriques dans les souvenirs de tes élèves que tu auras marqué de façon indélébile.

La vraie éducation à deux vitesses

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Tout homme reçoit deux sortes d’éducation: l’une qui lui est donnée par les autres, et l’autre, beaucoup plus importante, qu’il se donne à lui-même.

Cela ne date pas d’hier ! C’est une citation de l’historien britannique Edward Gibbon qui remonte au 18e siècle. Elle a refait surface récemment lors d’une discussion avec un ami et elle me trotte dans la tête depuis.

L’éducation par les autres

Lorsqu’on y pense bien, nous accordons beaucoup d’importance à cette éducation qui nous est transmise à travers différentes instances extérieures : l’école, la maison, les cours de cuisine, de musique, les sports, l’éducation familiale et j’en passe. Bref, tous s’entendent pour clamer que l’éducation est importante, mais nous la considérons principalement comme le don d’une instance ou organisation, à un individu.

Le cas le plus probant est certainement le fait que, quotidiennement, les jeunes fréquentent obligatoirement l’école dès 5 ans, et ce, jusqu’à 16 ans. L’éducation est institutionnalisée. Ce qui doit être transmis aux élèves est déterminé par le Ministère de l’Éducation et se retrouve dans les programmes d’études. Tout est organisé en ce sens et l’élève progresse dans ce système lentement au fur et à mesure qu’il vieillit et qu’il démontre qu’il a développé les compétences attendues au programme.

Un autre exemple est l’éducation familiale où les valeurs sont transmises par les parents. Il s’agit d’un héritage qui est transmis indirectement, à travers des fréquentations assidues d’êtres humains, unis par le sang, vivant sous un même toit ou non.

La particularité de cette première éducation est qu’elle provient d’autrui. L’apprenant dépend d’un autre individu ou d’une organisation pour apprendre. Et bien souvent, il est obligé de fréquenter ces mêmes individus ou organisations. Mais est-ce la bonne éducation ? Est-ce celle qui est la plus porteuse d’apprentissages transformatifs ? Une relation de dépendance est établie alors qu’au contraire, à mon humble avis, l’apprentissage s’effectue dans l’émancipation et l’affranchissement des élèves.

Il faut cesser de concevoir l’éducation comme quelque chose qui nous est dû et qui nous est destiné pour, enfin, prendre les devants et nous l’approprier :

We need to move beyond the idea that an education is something that is provided for us, and toward the idea that an education is something that we create for ourselves (Stephen Downes).

L’éducation par soi-même

Apprendre par soi-même, sur soi et pour soi. Tel est un objectif louable. Il s’agit d’un acte volontaire, qui mobilise l’entièreté de l’humain. C’est une éducation motivée intrinsèquement, née de la liberté de l’individu d’apprendre ce qu’il veut. C’est le luxe de pouvoir choisir et approfondir ce qui nous passionne ou ce que l’on doit apprendre pour une raison qui nous importe : une langue à apprendre pour un voyage ? La biographie d’un personnage intéressant ?

Bien au-delà des personnages historiques, l’éducation que l’on se donne est celle où on apprend à se connaitre et où on cultive notre petit jardin. Malheureusement, cette démarche de connaissance de soi est trop souvent évacuée du quotidien scolaire. L’éducation physique et à la santé, l’éthique et culture religieuse et les arts offrent tous des moments privilégiés pour que l’élève en apprennent davantage sur lui-même et qu’il reconnaisse ses talents ou limites physiques, spirituels et artistiques. Or, ce que plusieurs appellent malheureusement les petites matières vit dans l’ombre des grosses matières : les mathématiques, le français, l’anglais et les sciences. Et que dire de l’éducation à la sexualité et l’orientation scolaire et professionnelle, qui ont été complètement évincés du Programme de formation pour être reléguées à de vulgaires apprentissages obligatoires dont la responsabilité incombe à tous !

Le principe d’éducation par les autres présume que l’élève sera actif et qu’il s’impliquera dans le processus d’apprentissage. Cependant, cette implication est automatique lorsqu’il est question que l’élève accède à cet univers multidimensionnel intrinsèque. L’élève adopte une réelle posture d’apprenant qu’il pourra réutiliser dans ses activités éducatives offertes par son entourage ou les institutions qu’il fréquente.

Connais-toi toi-même, disait Socrate. Je comprends parfaitement que la mission de l’École québécoise est d’instruire, socialiser et qualifier. Mais le socialiser gagne en qualité lorsque l’élève est encouragé dans sa démarche de connaissance de soi.

 

 

Les tendances en éducation

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Voici ce qui se trouve au seuil de nos écoles, dans un avenir pas si lointain. Ce n’est plus une question de clairvoyance ou d’astrologie ! C’est là. Ouvrez la porte de votre classe, de votre école et explorez. Vous en viendrez aux mêmes conclusions !

La ludification

Ce que l’on appelle la ludification ou la gamification de l’apprentissage est l’emprunt de mécanismes habituellement utilisés dans les jeux pour faciliter l’apprentissage. Les élèves aiment jouer et ils aiment ce qui est sous-jacent au ludique. La ludification des apprentissages permet, entre autres, une saine compétition, autant contre les autres qu’envers soi-même. D’une part on peut se mesurer contre nos amis ou compagnons de classe et, d’autre part, on peut mesurer notre propre progression en tentant de faire mieux que précédemment. Il y a aussi, toujours à titre d’exemple, les cartes de progression. C’est, en quelque sorte, une cartographie de l’apprentissage où on doit passer par une étape avant d’en atteindre une autre.

Voilà une excellente façon d’offrir une rétroaction fréquente qui est, pour employer les mots de mon éminent collègue , spécifique, utile et gentille ! Bien qu’elle soit souvent automatisée, au moins, cette rétroaction est présente à toutes les étapes. Elle donne une bonne idée comment l’élève doit réagir face à une difficulté. Certains questionnaires en ligne permettent de donner accès directement à une capsule vidéo explicative lorsqu’un élève répond de façon erronée à une question.

En somme, plaisir, aventure, rétroaction. Voilà ce qu’est la ludification des apprentissages. Des entreprises comme ChallengeU, Classcraft et Classdojo, pour ne nommer que celles-là, ont bien compris le principe et c’est certainement ce qui explique leur succès et leur popularité.
Les ateliers de fabrication numérique

Ces ateliers, communément appelés Makerspace, sont très populaires aux États-Unis. La situation traverse lentement la frontière et de plus en plus de ces ateliers s’implantent dans les écoles.

Et pour cause ! Grâce à une multitude d’outils, allant de la machine à coudre, au tournevis, en passant par la découpeuse laser et l’imprimante 3D, ces derniers offrent la possibilité aux élèves de donner une forme à leurs idées en passant du stade de l’imagination jusqu’à la réalisation. D’ailleurs, certains ateliers sont bien équipés pour permettre la diffusion de ces créations grâce à des outils multimédias de qualité : montage vidéo, création de musique, accès aux médias sociaux, etc.

Les ateliers de fabrication numérique sont de belles vitrines pour favoriser l’entrepreneuriat étudiant et pour favoriser l’émergence de la curiosité, de la créativité et de l’inventivité en pédagogie. Malgré le fait que, bien souvent, les outils utilisés par ces ateliers soient dispendieux, il n’en demeure pas moins que, comme l’explique , une référence en la matière au pays, investir dans un atelier de fabrication numérique est un investissement dans l’apprentissage expérientiel.

Pour de plus amples informations, je consigne notre démarche d’élaboration d’un atelier de fabrication numérique dans l’École branchée.

La réalité virtuelle

En parlant d’apprentissage expérientiel, il devient de plus en plus complexe et onéreux d’organiser des sorties pédagogiques pour permettre aux élèves de témoigner d’une réalité sociale, artistique, sportive ou autre. La réalité virtuelle se veut un spectaculaire compromis permettant aux élèves d’être immergés dans une telle réalité grâce à la technologie. Sous peu, les plus grands musées du monde sont sur le point d’être accessibles ! En une journée, l’élève pourra passer de la Place Saint-Pierre, au Louvre en passant par la grande muraille de Chine. Il pourra séjourner dans les tranchées de la Première Guerre mondiale, témoigner du débarquement de Normandie ou de la bataille des Plaines d’Abraham. Bref, les élèves voyageront à peu de frais, en toute sécurité et dans des conditions contrôlées par le milieu scolaire.

Outre les voyages et les visites, les élèves pourront côtoyer des personnages historiques et assister aux grands discours de Kennedy, de Churchill, de De Gaulle ou de Lévesque.

Les yeux et les oreilles seront donc mobilisés dans une nouvelle expérience repoussant les limites de la virtualité.

Au-delà des sens qui seront sollicités d’une nouvelle façon, la réalité virtuelle permettra une meilleure collaboration entre les élèves, mais surtout, elle facilitera l’expérimentation, le prototypage et le design pédagogique alors que les élèves pourront interagir en 3D avec leur création.

Désormais, ce qui est impossible à réaliser dans le monde réel devient possible dans le monde virtuel !

Les cours à distance

De plus en plus de possibilités sont offertes pour les cours à distance. Le marché lucratif des cours d’été ou des cours d’appoint est en pleine émergence. Des écoles privées et des commissions scolaires ont investi temps et argent dans l’élaboration d’une offre en exploitant des plateformes pédagogiques comme ChallengeU. Pour l’instant, cette offre est destinée à leurs élèves ou à une clientèle d’élèves du secondaire qui s’y inscrive temporairement, le temps qu’ils suivent un cours d’appoint ou de reprise.

Cependant, au-delà de la mesure d’appui, la forme la plus extrême de la différenciation pédagogique, l’accélération pédagogique, deviendra naturellement de plus en plus demandée par les parents. Pour l’instant, les cours à distance sont réservés pour la formation aux adultes ou pour le postsecondaire. Cependant, il faudra s’attendre à ce que les possibilités offertes par l’instruction virtuelle lèvent le voile sur les besoins des élèves performants : accélérer leur parcours scolaire.

Idem pour les élèves qui éprouvent davantage de difficultés.

Bref, à quand une variété de parcours scolaires, calqués sur les réalités ou besoins des apprenants et non plus nécessairement sur leur âge chronologique ?

Pour bien saisir cette réalité, il faut comprendre que l’école n’est plus le lieu unique d’éducation d’un jeune et que l’enseignant ne détient plus le monopole des connaissances. Chaque année, de nouvelles avenues de formation émergent et de nouvelles reconnaissances sont offertes : diplômes, badges numériques, certifications, etc.

Tout est en place, autant en termes de besoins que de disponibilité des technologies. Il ne reste qu’à attendre un changement au niveau de la règlementation ministérielle.

Toutes ces tendances sont aux portes de nos institutions scolaires. La question n’est pas de savoir si cela touchera à l’éducation. La question est plutôt : quand ces tendances envahiront-elles nos classes ou nos écoles ?

C’est pour cette raison que l’attitude générale du système scolaire devra changer. Il nous faut être prévoyants, pour ne pas dire clairvoyants. En ce sens, la vision à long terme est la clé. Il faut cesser de subir les changements; il faut plutôt les initier. Comme je l’ai écrit souvent, il faut que l’école soit la figure de proue des changements sociaux. L’école actuelle mendie alors qu’elle doit faire preuve de leadership et prendre sa place dans les débats sociaux au lieu de prétendre que tout lui est acquis.

Bien sûr, en parallèle, il ne faut pas nier que des investissements massifs sont nécessaires pour embrasser ces tendances éducatives comme pour aider les clientèles en difficultés. L’éducation n’a pas à être l’éternel deuxième poste budgétaire du Gouvernement; elle doit en être la priorité, et ce, autant en termes de budget que d’énergies déployées.

Cher cahier d’exercices…

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Cher cahier d’activités,

Il y a longtemps que j’ai envie de t’écrire cette lettre. Pendant tout mon primaire et mon secondaire, nous avons eu une relation intime. Durant 11 ans, je t’ai trainé sur mon dos, toi, tes frères des autres matières ainsi que tes parents : les manuels. Neuf, tu sentais bon, mais tes parents poussiéreux, défraichis et déchirés, eux, sentaient mauvais.

En dépit de ta couverture éclatante, lorsqu’on te feuillette, c’est la déception. Des exercices… beaucoup d’exercices… juste des exercices! Tu as beau changer la forme, le contenu est le même. Des lignes à remplir, des dessins à faire, des liens à tracer, des encadrés à lire, des réponses à la fin, etc. C’est ça la pédagogie? Je sais que c’est ce que l’enseignant fait de toi en classe qui compte réellement, mais quand même, la compagnie qui t’a créé se vante que tu as été rédigé par des pédagogues. Je me mets à leur place. Il n’est pas si facile d’innover dans un cadre aussi rigide : entre deux couvertures, en deux dimensions, en gardant les couts au plus bas, etc. On dit qu’il ne faut jamais juger un livre par sa couverture. C’est vrai! Tu incarnes bien l’essence de ce proverbe!

Je t’ai toujours trouvé plate et ce qui est encore plus triste, c’est que je ne pouvais me séparer de toi. C’est dommage d’entretenir un lien si étroit quand on s’emmerde royalement avec son compagnon. Ce qui est encore pire, c’est que je devais multiplier cet ennui par cinq ou six, car c’est le nombre de tes confrères avec qui je devais interagir. Oui, interagir avec du papier… palpitant! Disons que c’était une relation à sens unique. Mais, en plus de vous trouver ennuyants, je devais vous trainer quotidiennement jusqu’à m’en arracher le dos. Bref, j’étais pris avec vous, vous m’ennuyiez et, en plus, j’étais obligé vous porter.

Tu sais, dans une relation, une des particularités est de permettre à l’autre d’évoluer en reconnaissant ses qualités et ses défauts. Avouons-le : tu es totalement impersonnel. Tu n’as aucunement contribué à faire de moi la personne que je suis aujourd’hui. J’ai eu beau relier deux points entre deux réponses, colorier des cartes géographiques (je suis daltonien!), faire des translations, consigner mes réponses, lire des textes historiques sur des semblants de parchemins (supercherie!), comparer des graphiques ou des photos, etc. Je ne vois pas comment cela m’aide aujourd’hui dans ce que je suis, ce que je fais. Ce que j’ai retenu de mes années au primaire et au secondaire, ce sont les gens que j’ai côtoyés et les défis que j’ai surmontés. En parallèle, ce que j’ai retenu de toi, cher cahier d’activités, c’est que je hais être contraint et obligé de suivre un format prédéterminé pour apprendre. J’aime faire les choses à ma façon en pouvant compter sur un éducateur bienveillant qui me connait et qui m’encourage. Pourtant, j’aime lire et je griffonne dans tous les livres que je lis. C’est probablement grâce à toi, car cette fois-ci, j’ai du plaisir à le faire et je me sens libre!

Malgré tout, crois-le ou non, je suis devenu enseignant à mon tour. Je suis fier de te dire que je ne t’ai presque jamais utilisé, pas plus que tes parents, ces manuels poussiéreux. En fait, les seules fois que je t’ai utilisé, c’est lorsque j’avais peu de temps pour planifier de nouveaux cours ou lorsque j’étais en panne d’inspiration. Eh oui, l’inspiration… je créais mon propre matériel.

Tu n’as pas bien vieilli! Désormais, les tablettes ont pris d’assaut les classes. Comment as-tu réagi? Tu es devenu une nouvelle version de toi-même… tu es devenu numérique! Savais-tu que lorsque tu as été rédigé, tu étais un outil actuel? Mais dès que tu as été imprimé, tu es devenu désuet! Eh oui, les temps changent tellement vite de nos jours, bien plus vite que dans les années soixante. Désormais, le matériel qui te concurrence se met à jour par lui-même! C’est fort, non? Ou au pire, l’enseignant qui conçoit son matériel peut le mettre lui-même à jour ou le bonifier quand ça lui chante.

Tu représentes exactement ce qui ne fonctionne pas en éducation. Tu coutes cher et accapares une bonne partie des dépenses des écoles. Tu es imposé aux élèves. Fréquemment, ce ne sont même pas nos propres enseignants qui t’ont choisi; ce sont ceux qui sont partis ou c’est la tradition ou la culture organisationnelle qui t’a choisi. Tu nous rappelles assez clairement que les élèves ne contrôlent rien dans leur démarche scolaire. Ils n’ont même pas le choix de leurs outils et encore moins des contenus à apprendre!

Aujourd’hui, tu résistes. Je ne te blâme pas. Qui, lorsqu’il se trouve à l’article de la mort, ne tente pas un second souffle? Ce qui t’étouffe, c’est certainement d’avoir contribué à rendre l’éducation aussi… En fait, je rectifie : tu n’as pas contribué à rendre l’éducation d’une façon quelconque. Soyons honnêtes! Un cahier d’exercices n’a rien d’éducatif. Mais tu as contribué à rendre l’instruction terne. Je t’accuserais même de dénaturer l’apprentissage et de le décourager, car tous les aspects personnel, émotionnel et motivationnel y sont carrément absents. Je sais qu’on prête de fausses vertus aux technologies en éducation, mais je me rassure quand je constate qu’on t’en a prêté bien davantage, et ce, depuis des décennies!

Vois-tu, tu dois disparaitre. Encore trop d’élèves noircissent tes pages, mais la plupart du temps, ce ne sont pas de bonnes ou de mauvaises réponses, mais bien des graffitis d’ennui. En ce sens, oui, tu encourages bel et bien la créativité!

Vu que tu as peiné à évoluer, je vais te donner des indices sur ce qui se passe en classe et, surtout, sur ce qui risque fort de se passer dans les prochaines années :

  • Tout ce qu’on retrouve dans tes pages, on le retrouve dans Google et les élèves ont accès à ces données via leur téléphone intelligent ou leur tablette.
  • On essaie de travailler les compétences du 21e siècle. L’ouverture, la collaboration, la créativité, l’esprit critique. Tu ne nous aides pas. J’avoue que c’est difficile de travailler des compétences dans un cahier!
  • Imagine tes concurrents : ils offrent des plateformes où, bien souvent, des questionnaires sont créés par les enseignants attachés à leurs groupes et quand on répond de façon erronée, une fenêtre s’ouvre avec des explications supplémentaires, souvent sous forme de capsules vidéos. Aussi, selon les mauvaises réponses, une rétroaction automatisée est offerte pour aider l’apprenant!
  • Les exercices créés par un enseignant sont personnalisés pour un groupe en particulier et non pour la moitié de la population du Québec. Les technologies intégrées à la pédagogie permettent effectivement une certaine différenciation.
  • Désormais, et on retrouve ça de plus en plus souvent, la création de contenus pédagogiques n’est plus la prérogative de l’enseignant. Oui, les élèves créent des contenus aussi! Dans certains cas, ils créent même des évaluations!

C’est triste que tu ne sois qu’un livre, car j’aurais bien aimé te voir la face à la lecture de ces nouveautés! Je te laisse. Je dois partir. De concert avec des parents, des élèves, des directeurs et beaucoup d’enseignants, tous animés par le désir de voir l’éducation québécoise évoluer, je dois continuer à faire preuve de vision et de leadership pour inspirer d’autres éducateurs à changer leur posture professionnelle. Et, bien malheureusement, cela doit se faire sans toi. Je te rassure : tu auras toujours une place dans nos bibliothèques et tu pourras quand même nous donner des idées de questions ou simplement, par ton existence, nous montrer la voie à suivre dans le domaine des activités à ne pas faire ou des stratégies à ne pas employer.

En terminant, nous t’introniserons au temple de la renommée de la nostalgie de l’école qui peine à se réinventer. Tu seras un objet de curiosité pour les facultés d’éducation qui auront formé des enseignants curieux, confiants et conscients que leur rôle en éducation est davantage axé sur l’aspect relationnel, au moyen de l’influence positive des jeunes qui leur seront confiés, plutôt que sur la simple instruction et des savoirs livresques.

La saison des idées est lancée!

C’est la saison des idées qui a débuté cette semaine ! Dans le monde de la pédagogie de l’Est du pays, les congrès francophones d’impact débutent annuellement à , au Nouveau-Brunswick pour se terminer à Montréal, au Sommet de l’iPad et du numérique en éducation. Au passage, des arrêts d’envergure sont prévus en mars à Québec. D’abord au REFER puis à l’AQUOPS.

Ces quatre congrès ont une chose en commun : changer les pratiques enseignantes grâce, entre autres, au numérique et au réseautage d’enseignants allumés. C’est là qu’on redéfinit les pratiques professionnelles et qu’on s’inspire d’autres collègues. Ce sont des moments privilégiés où on fait le plein d’idées et d’énergie, certes, mais surtout de confiance et d’estime de soi pour avoir l’audace de retourner dans sa propre classe pour changer les choses, et ce, bien souvent, envers et contre tous !

Comme je l’écrivais récemment, amenez un collègue à l’un de ces colloques et donnez-lui accès à ce réseau. C’est le meilleur service que vous pouvez lui faire et vous contribuerez à dynamiser votre école. Les élèves en seront gagnants. Sans compter que vous vous sentirez probablement moins seul par moment…

Renverser l’école

Cela dit, on a fréquemment entendu de classe inversée. Et si c’était l’école au grand complet que l’on renversait ? Il ne suffit que de revoir certaines préconceptions en éducation et de les exprimer en changeant de paradigme. Du moins, c’est l’idée que m’a donnée Mario Asselin dans son :

  • L’apprentissage se fait avec l’enseignant et non plus par l’enseignant;
  • L’apprentissage a priorité sur l’enseignement au sens où le fait de le faciliter détermine les approches pédagogiques à employer;
  • Les enseignants ne donnent pas les réponses; ils posent les questions;
  • Les technologies intégrées à la pédagogie sont un levier de changement et ne sont aucunement une quelconque servitude. Vous ne perdrez pas votre rôle central de pédagogue, car les TICE n’ont aucune portée sans la houlette bienveillante de l’enseignant. Le numérique est un complément et non un substitut ();
  • Une communauté d’apprentissage, à travers les idées et expériences qu’elle recèle, peut être sondée indéfiniment, contrairement aux idées et expériences intrinsèques à l’individu, lesquelles sont limitées par le choix d’isolement que ce dernier fait;
  • La classe est simplement un lieu de rassemblement. Tout se qui gravite autour de ses murs se traduit en possibilités pédagogiques décuplées. Et cet autour, c’est évidemment à l’extérieur qu’il se trouve et c’est là que les élèves seront appelés à y évoluer.
  • Alors qu’éduquer veut permettre aux élèves de découvrir et de comprendre leur monde pour éventuellement démystifier le rôle qu’ils y joueront, l’isolement et le cloisonnement de l’acte d’enseignement actuel encouragent plutôt l’ignorance, la fermeture, et la méfiance.

Retourner à la planche à dessin

N’oublions pas que le monde scolaire semble principalement conçu pour en faciliter l’aspect organisationnel (conditions de travail, déroulement des cours, gestion disciplinaire, etc.). L’élève doit s’y retrouver si nous souhaitons qu’il s’y accomplisse et pour ce faire, il apparait évident que pédagogie et l’orgueil de l’entièreté d’un système d’éducation ne font pas bon ménage !

À nous de retourner à nos planches à dessin pour ainsi imaginer un système d’éducation contemporain, basé sur les enjeux de ce siècle-ci et non sur ceux de nos ancêtres.

L’école obligatoire de 4 à 18 ans ?

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Comme plusieurs intervenants dans le milieu de l’éducation, je suis toujours très surpris de lire sporadiquement des textes prônant la scolarisation obligatoire jusqu’à 18 ans. L’article de La Presse qui relate les grandes conclusions de l’étude réalisée par les trois chercheurs de HEC Montréal ne fait pas exception. Parait-il qu’il serait souhaitable d’étendre la période de fréquentation scolaire obligatoire de 4 à 18 ans.

Lucidité

Si la lecture que les auteurs font de la situation actuelle en éducation est empreinte de lucidité, la conclusion à laquelle ils viennent me laisse perplexe. Évidemment, nous avons tous envie d’applaudir lorsque les chercheurs clament que le gouvernement n’en a que pour les hôpitaux : la santé est un mal nécessaire, mais cela ne peut pas être un projet de société. Idem pour cette citation assassine qui prétend que, au lieu de financer le système d’éducation en fonction de ses besoins, le gouvernement a plutôt choisi de le financer à hauteur de sa capacité de payer. Les chercheurs disent haut et fort ce que tous les acteurs du milieu disent… haut et fort !

L’école québécoise : un lieu d’innovation ?

Cependant, cela se gâte au fur et à mesure qu’on entre dans le vif du sujet. Dans un premier temps, il est fallacieux de faire un lien entre éducation et innovation. À l’heure actuelle, force est d’admettre que les secteurs de l’éducation préscolaire, primaire et secondaire ne sont pas des milieux particulièrement novateurs. Le fait d’étendre la période de scolarisation obligatoire n’est pas synonyme d’innovation pour autant. Je comprends qu’il soit difficile d’innover avec un désinvestissement gouvernemental, mais néanmoins, la culture de l’innovation n’est pas intégrée de façon uniforme dans les milieux scolaires. Bien au contraire, l’école québécoise est davantage un lieu d’uniformisation. Pour valoriser l’innovation, il faut valoriser la créativité, l’initiative, la différence et la pensée divergente. Force est d’admettre que nous sommes bien loin de cet idéal ! Au moins je me rassure en voyant quotidiennement de plus en plus d’initiatives d’évolution en ce sens, lesquelles se butent à de moins en moins d’obstacles dans les milieux scolaires. Il reste cependant encore beaucoup de chemin à parcourir, car, disons-le, innover en éducation, c’est une question d’opiniâtreté et de conviction. Il faut briser des moules et redéfinir ses propres postures et bien des gens se sentent menacés par ces actions éducatives émancipatrices !

Prolonger l’agonie ?

Également, au 21e siècle, il est important de comprendre que l’éducation ne passe pas nécessairement par la scolarisation. Grâce à l’avènement des technologies en éducation, il existe diverses opportunités d’éducation qui s’offrent à l’extérieur des milieux scolaires. À 4 ans, certes, elles sont probablement moins répandues qu’à 16, 17 ou 18 ans, mais quand même, pour les plus vieux, plusieurs initiatives naissent et offrent des contenus académiques intéressants. Le tout, sans que l’élève ait à se déplacer ou à se plier à la rigidité d’un milieu scolaire. Ce qui doit être rappelé à ces chercheurs issus du monde de l’économie, c’est que l’école ne détient plus le monopole du savoir ni de la formation. L’essor des badges numériques en est un exemple frappant, tout comme les recherches de Sugata Mitra, de l’Université de Newcastle upon Tyne, en Angleterre : il y a moyen d’apprendre à l’extérieur des milieux scolaires et d’acquérir une reconnaissance pour ces apprentissages réalisés et ces compétences développées.

Le Québec affiche un taux de décrochage scolaire oscillant entre 17% et 25%. À quelques semaines de l’offensive publicitaire des , nous semblons oublier qu’une proportion honteuse de nos jeunes se décourage face à leurs perspectives scolaires ou ne trouve pas sa place dans un système scolaire inerte, déconnecté et rigide. Et notre meilleure réponse à ce message serait de prolonger leur séjour dans ces mêmes écoles pour deux années de plus ?

Nous pourrons ajouter deux années de fréquentation obligatoire, lorsque l’école elle-même se sera renouvelée et qu’elle sera au diapason des aspirations de ses élèves et des besoins de la société dans laquelle elle évolue. D’ici là, ce serait une insulte d’imposer deux années de plus au parcours d’élèves sans prendre la peine de remettre en question nos propres pratiques éducatives et pédagogiques.

À cet égard, je réfère les chercheurs du HEC Montréal au qui a été rédigé par des leaders dans le monde de l’éducation au Québec au printemps 2015. Ce dernier illustre bien les fractures qui existent entre ce qui est offert par le monde de l’éducation québécois et les besoins actuels de notre jeunesse. Bref, l’école obligatoire de 4 à 18 ans ? Pas avant une profonde remise en question du système !

De l’importance du leadership en éducation

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Voilà quelque chose de particulier : tous reconnaissent l’importance du leadership dans la démarche éducative, alors que bien peu sont en mesure d’en définir adéquatement le concept. Cela n’est pas surprenant puisqu’il existe, selon Peter Fuda, au moins 350 définitions différentes qui sont répertoriées. Cela explique donc que le leadership est un concept ambigu qui, au moins, nous permet de construire une définition personnelle au gré de notre vision et de nos expériences. Définir le leadership équivaut donc à réaliser un collage avec ce qui nous fait réfléchir dans notre démarche de formation continue, avec les gens que nous côtoyons dans nos activités professionnelles et à travers les expériences que nous vivons sur le terrain.

La définition du leadership se situe sur deux axes. D’une part, c’est simplement le fait de donner une direction et, d’autre part, c’est l’art d’amener des personnes à accomplir une tâche de façon volontaire.

Donner une direction : l’influence par l’action

Le leadership n’a rien d’extérieur à l’individu et il ne s’exerce pas seulement envers les autres. Quand on réfère à des meneurs notoires, on traite souvent de l’effet que ces derniers ont sur les autres, mais on néglige souvent que le nouveau leadership, celui qui émerge au 21e siècle, commence par soi. Le leadership contemporain est celui de l’engagement et de l’exemplarité. C’est celui qui prend racine dans l’action et qui démontre aux autres comment, par une simple présence, quelle direction doit être suivie.

Le leadership n’est donc plus celui du faites ce que je dis et non ce que je fais ; c’est plutôt le contraire : faites ce que je fais. La parole cède le pas à l’action, à la simple présence. Chez l’inspiré, les sens en seront chamboulés : les yeux seront davantage sollicités que les oreilles. L’inspiration est en pleine mutation, car les repères changent ; désormais, ce ne sont plus de grands discours qui ont une valeur, mais une succession de petites actions significatives. Et cette succession crée un empilement d’actions qui donne le goût à autrui de suivre celui qui les a accomplies. Bref, c’est l’exemple de ce que nous sommes et celui que nous donnons qui prime sur les idées que nous faisons circuler. La crédibilité par l’action et l’expérience vaut son pesant d’or lorsqu’il est question d’établir son leadership.

Ce n’est que par la suite que le privilège d’amener des personnes à accomplir une tâche de façon volontaire s’opère et devient un réel tour de force. Et la véritable magie émerge lorsque les actions de ceux qui ont été inspirés permettent à d’autres de joindre la danse pour créer une immense chaine de mobilisation. L’influence que plusieurs détiennent alors sur les autres est telle, qu’elle se répercute sur tout le milieu pour ainsi le transformer. Plus il y a de leaders positifs dans un milieu, plus profonde est la mutation et plus rapidement le point de non-retour est atteint. À partir de ce moment, on regarde en avant et on redéfinit le milieu selon nos propres aspirations. 

Car, contrairement à ce que l’on pourrait croire, le but est de permettre à de plus en plus d’individus d’affirmer leur leadership au lieu de voir se former des hordes de suiveurs obnubilés par les aptitudes de meneurs de certains. Il ne s’agit pas d’éblouir quiconque ou de faire grand étalage de ses qualités de mobilisation, mais bien de faire réaliser à son entourage quel est le potentiel de leadership de chacun afin qu’ils puissent l’exercer également.

…et les élèves ?

C’est exactement la situation souhaitée en milieu scolaire; ce sont les élèves que nous voulons voir joindre la danse. Nous voulons les inspirer, afin qu’à leur tour, ils exercent leur leadership au sein de leur propre école et surtout, dans leur démarche d’apprentissage.

Comment parvenir à cet idéal ? D’où cela part-il ? Des adultes qui accompagnent ces élèves. Pour ainsi voir émerger un leadership chez l’élève, il est primordial que les adultes exercent le leur en présence de ces derniers. N’oublions pas qu’au-delà des connaissances à acquérir et des compétences à développer, nos jeunes recherchent des modèles qui auront un ascendant sur eux. Ils recherchent un modèle qui marquera leur existence.

L’exemple de qui nous sommes est donc plus important que celui que nous donnons. Il faut simplement prendre conscience de ceci et surtout, nous devons réaliser à quel point la profession que nous exerçons nous permet de marquer des milliers d’élèves au fer rouge pour le reste de leur vie. Aucune autre profession ne peut prétendre aspirer à cet immense privilège quotidiennement. La direction que nous donnons à nos élèves aujourd’hui n’est pas un chemin déjà tracé, mais revêt la forme d’une boussole tenue fermement à la main en plus d’une tête et d’un cœur remplis de confiance et d’estime.

 

Une grande semaine pour CADRE 21 !

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Nous y sommes. Presque quatre années auront été nécessaires pour mettre en branle ce projet d’envergure. Cette semaine, c’est le lancement officiel tant attendu de CADRE 21. Depuis le temps qu’on en parle

Pourquoi une telle excitation ? C’est très simple. C’est une annonce d’ampleur en éducation qui dépasse largement les frontières du Québec pour s’inscrire dans la francophonie. C’est une annonce positive qui amène un vent d’air frais dans une actualité qui, depuis quelques mois, relève malheureusement les ratés ou les frictions d’un système d’éducation qui se cherche. C’est une occasion unique pour le Québec de briller sur la scène mondiale, puisque CADRE 21 est un projet unique doté d’un potentiel de rayonnement mondial.

À quand remonte une telle initiative inclusive qui touche toutes les sphères du système d’éducation ? À quand le dernier moment où notre système d’éducation a démontré une telle envergure, une telle audace ? Voilà pourquoi je suis autant excité.

CADRE 21 propose exactement ce dont nous avons besoin en éducation en Occident :

  • Un lieu où les éducateurs peuvent se rassembler et s’assoir dans un contexte décontracté, favorisant les échanges et la réflexion. Il faut que ces derniers puissent réseauter, discuter, échanger et collaborer pour ultimement innover. Ce lieu est autant physique que virtuel.
  • Une initiative décloisonnée qui rassemble tous les ordres d’éducation privée comme publique, primaire comme universitaires, en Amérique du Nord comme en Afrique. C’est également une superbe occasion de discuter d’arrimage entre ces mêmes ordres d’enseignement pour établir un réel plan d’action permettant à l’élève d’évoluer dans un système d’éducation qui se parle et qui se concilie.
  • Une initiative apolitique, centrée directement sur les idéaux en éducation, sans les intérêts personnels qui animent trop souvent les préoccupations les individus.
  • Une pléthore d’occasions de développement professionnel et de formation continue.
  • Un point de rencontre entre les chercheurs et les praticiens de l’éducation à travers la francophonie.
  • Un laboratoire mettant au profit des activités de formation, diverses technologies permettant une communication directe avec tous ceux qui innovent en éducation, peu importe où ils se trouvent sur la surface de la planète.
  • Une occasion unique de valorisation de la profession enseignante à travers un système de badges numériques.

Mais surtout, ce que CADRE 21 instillera à l’éducation québécoise, c’est une attitude de gagnant, une réelle ambition et une vision axée sur le 21e siècle : trois éléments manquants pour lui permettre de rayonner et prendre son envol. À partir du moment où le ruban d’inauguration sera coupé, soit le jeudi 21 janvier 2016, l’éducation francophone ne sera plus jamais la même. À partir de ce moment, elle s’inscrit dans la contemporanéité en quittant résolument le 20e siècle.

Bref, l’éducation québécoise a les moyens de briller de tous ses feux et d’entrainer la francophonie mondiale dans son sillon. Tous les éducateurs québécois ont cette chance de participer aux activités qui seront organisées par CADRE 21 dans les prochaines années.

Ne ratez pas les portes ouvertes qui ont lieu du 1er au 4 février. Pour de plus amples d’informations, consultez le site web de CADRE 21 et gardez un œil sur le mot-clic .

«Ça coute cher une imprimante 3D !»

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Vous avez probablement entendu parler que je participe à l’élaboration d’un atelier de fabrication numérique au Collège Beaubois. En plus d’avoir le sentiment de participer à une incroyable épopée pédagogique, j’ai le plaisir de travailler avec des gens fantastiques issus de divers milieux professionnels. On se bombarde mutuellement d’idées novatrices et cela nourrit l’ambition de notre projet.

Cela dit, lors d’une discussion avec Jean-François Niaison, ancien du Collège et président de SolidXperts inc., une entreprise qui se spécialise dans les technologies 3D, nous discutions des différents modèles d’imprimante 3D disponibles sur le marché. Je lui posais les questions habituelles d’un néophyte, notamment en ce qui concerne les prix :

  • Combien coute une imprimante 3D ?
  • Qu’est ce que le modèle bas de gamme a de moins que le modèle suivant et qui coute deux fois le prix ?
  • Quel est le cout des recharges de plastique ?
  • Quel est le cout des objets fabriqués (plastique, amortissement, entretien, etc.) ?

Ma réaction fut automatique et rapide : wow, c’est vraiment cher tout ça !

Un clivage

Sa réponse m’a fait comprendre qu’il existe véritablement un important clivage de culture entre le milieu entrepreneurial et celui de l’éducation…

Il m’a répondu, avec toute la patience du monde :

Non, ce n’est pas cher. Auparavant, les entreprises devaient développer un moule, le mettre à l’épreuve et développer un prototype, pour ensuite refaire d’autres moules jusqu’à la version finale. Cela était très long et coutait une fortune aux entreprises. Désormais, le dessin 3D (par exemple SolidWorks) jumelé à l’impression 3D permet de raccourcir le processus et de sauver beaucoup d’argent.

Cela implique que les entreprises épargnent d’importantes sommes en ressources matérielles et financières, mais aussi en main d’œuvre et en temps. Un investissement d’une dizaine de milliers de dollars permet d’épargner quelques centaines de milliers de dollars. L’équation est facile à faire et le choix aussi ! Du moins, pour les entreprises !

Ce petit dialogue m’aura permis de comprendre bien des choses.

Dans le monde de l’éducation, c’est le contraire. Se doter de tels outils est une dépense. Point à la ligne. Il n’y a aucun gain pécuniaire à prévoir. On voit tout de suite les deux réalités qui s’affrontent !

Dans notre milieu de l’éducation, où l’approche comptable a fini par induire une rareté des ressources, autant humaines que matérielles, cela laisse peu d’espace à l’instauration d’espaces de type d’ateliers de fabrication. Pourtant, en juin 2015, un rapport de NMC Horizon, cité en clôture du congrès américain de l’ISTE, indiquait que dans un proche avenir, soit d’ici environ un an, les ateliers de fabrication numérique (Makerspaces) deviendraient monnaie courante dans les milieux scolaires américains.

Ma réaction face à ces couts démontre bien le malaise de l’école québécoise à se doter de divers outils technologiques. Dans le fond, ce que nous faisons est de rendre des outils de pointe au service de l’élève pour leur permettre essentiellement trois choses :

  • Apprendre à utiliser des outils technologiques qu’ils risquent fort de devoir réutiliser au cégep, à l’université ou sur le marché du travail. Cela donne un avantage aux élèves sur ceux qui n’auront jamais pu le faire.
  • Sortir du théorique pour aller dans le concret et apprendre en ayant les deux mains à la pâte.
  • Réactiver cette roue qui a trop longtemps été à l’arrêt en éducation : curiosité-créativité-inventivité-entrepreneuriat-diffusion et mise en valeur. Le tout, en réalisant que l’apprentissage se réalise bien souvent à l’extérieur des manuels ou d’un TNI !

Bref, nous contribuons à la démocratisation de ces outils en les rendant accessibles à nos élèves.

Au-delà de la logique comptable

Bien évidemment, il est important de bien planifier les dépenses d’une école et je n’encourage personne à dilapider ses ressources financières. Mon estimé collègue enseignant s’est d’ailleurs penché sur le sujet. Mais, dans le fond, on ne pourra probablement jamais entrer en compétition avec les entreprises au niveau de la technologie. Du moins, pas tant et aussi longtemps que le système éducatif sera autant dépourvu d’ambition et de vision. Pour eux, c’est une condition de survie et de compétitivité alors que, pour nous en éducation, c’est le premier élément qui prend le bord lorsqu’il est question de faire arriver la colonne des revenus avec celle des dépenses. Je sais que la pensée entrepreneuriale en fait frémir plusieurs en éducation, mais je crois qu’il y a des éléments que nous pouvons importer dans le paradigme de l’école québécoise.

Et si c’était la même chose en éducation et que c’était une question de survie ? Que les ateliers de fabrication numérique étaient des façons de diminuer le décrochage des élèves et des garçons en particulier ? Et si c’était une façon d’intéresser les filles à l’ingénierie ? Et si c’était une occasion d’établir des liens entre les écoles, des partenariats avec diverses entreprises ? Et si c’était un pont entre les générations (j’y reviendrai dans un billet ultérieurement) ? Et si ça donnait le gout aux élèves de se lever le matin pour venir à l’école afin de prendre part à un grand projet transversal et multidisciplinaire ? Quand on y pense, l’école de demain est résolument aujourd’hui et l’éducation est définitivement un service qui n’a de valeur qu’en termes qualitatifs.

Investir dans un atelier de fabrication numérique est un investissement dans l’apprentissage expérientiel. C’est donner la chance (car oui, pour l’instant, c’est malheureusement une chance…) de redéfinir le rapport que les élèves entretiennent avec leur propre environnement. Dans les prochaines années, ces ateliers seront présents dans les écoles tout comme les portables, tablettes, TNI et autres technologies le sont aujourd’hui. Il serait triste qu’ils soient légion aux États-Unis et au Canada anglais et, qu’encore une fois, le Québec traine de l’arrière à cet égard…

Quand les enseignants décrochent…

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Il y a quelques mois, j’ai rencontré deux de mes anciennes élèves auxquelles j’enseignais en cinquième secondaire il y a près d’une dizaine d’années. Ce qui est particulier, c’est que je les ai rencontrées à un atelier de formation continue. Ces anciennes élèves, devenues de jeunes enseignantes, sont désormais des collègues éloignées. C’est un sentiment particulier qui me rappelle deux choses, l’une cruelle et l’autre un peu plus douce. Dans un premier temps, je réalise que le temps avance inexorablement et qu’à l’évidence je vieillis. Cela est évident vous direz, mais sachez qu’en éducation, il y a deux choses qui font mal : quand vos élèves deviennent enseignants et qu’ils travaillent dans votre environnement (élargi ou immédiat) ou qu’un de vos élèves vous informe que vous avez enseigné à l’un de ses parents. Deuxièmement, au moins, je me plais à me rassurer en me disant que j’ai peut-être eu un tout petit rôle à jouer, bien inconsciemment, si ces deux élèves ont choisi de devenir des enseignantes aujourd’hui. Je me souviens d’elles dans ma salle de classe et je me souviens dans quel groupe elles étaient et même où elles étaient assises. Non pas parce qu’elles étaient turbulentes, mais parce qu’à leur façon, bien différente d’ailleurs, elles m’ont marqué. Près d’une décennie plus tard, je ne suis pas surpris de les voir adhérer à la profession enseignante. À leur façon, elles sont deux femmes dotées d’une impressionnante capacité à entrer en communication pour aller chercher le meilleur des plus jeunes. Elles sont déjà de beaux modèles pour les jeunes et, pour moi, c’est ce qui prime.

La loi de la moyenne

Tristement, cette semaine, j’ai appris que l’une d’elles remet en question son avenir dans la profession. À 26 ans, elle songe déjà à quitter la profession et possiblement donner raison aux lourdes statistiques qui circulent dans les médias depuis plusieurs années. J’avais écrit un article dans Le Devoir en 2003 sur le décrochage professoral et, à l’époque, il était question de 20% des nouveaux enseignants qui décrochaient de la profession avant cinq ans. De nos jours, soit douze ans plus tard, il est question de 25% selon deux récents dossiers du Journal de Montréal ou de Radio-Canada.

Pour ceux qui s’intéressent au phénomène, lisez le dossier du CRIFPE sur le sujet ou l’étude de l’équipe menée par Thierry Karsenti en 2012. Il existe également plusieurs autres études universitaires sur le sujet.

La précarité

J’ai donc pu parler à cette ancienne élève pour lui demander ce qu’il se passait puisqu’elle avait pourtant l’air presque comblée en octobre quand je l’ai revue l’automne dernier. Je dis presque puisque lorsqu’on fait ses premiers pas dans la profession il faut accepter ce qui vient avec : la précarité. Mais elle semblait bien gérer cette insécurité.

Je me trompais. Elle est déjà tannée de devoir se rendre aux bureaux de la commission scolaire, à la fin août, pour attendre en ligne avec 300 de ses collègues, afin de connaitre quelles sont les tâches restantes. Bref, à peine quelques jours avant le début de l’année scolaire, elle ne sait toujours pas ce qu’elle enseignera. Tel est le triste destin des jeunes enseignants; ils vivent d’espoir.

Autrement dit, à ces derniers, on donne ce qui reste, une fois que les enseignants expérimentés comblent les autres tâches. Et que reste-t-il ? Du temps partiel, des tâches morcelées, des groupes d’élèves à besoin particulier, des cas lourds, etc. Il est pratiquement impossible, dans le réseau d’éducation public, qu’un jeune enseignant dépose ses valises dans une école pour plusieurs années et qu’il puisse y enseigner ce pour quoi il a été formé. Parallèlement et paradoxalement, c’est à ce moment que ces adultes songent à s’établir pour fonder une famille. Il semble que l’enseignement ne soit pas la profession qui facilite ce projet de vie personnel !

La lourdeur et la complexité de la tâche

J’entends souvent ce que plusieurs enseignants pourraient qualifier d’hérésie : les tâches d’enseignement difficiles devraient être attribuées aux enseignants plus expérimentés. La sacrosainte ancienneté serait bafouée, mais des enseignants mieux outillés pourraient probablement mieux faire pour aider ces élèves en plus grandes difficultés ! Un enseignant qui a roulé sa bosse est certainement mieux outillé pour faire face à des troubles d’apprentissage ou des troubles de comportement, non ?

C’est le contraire qui est observable en milieu scolaire québécois : les jeunes enseignants sont aux prises avec des cas d’élèves en grandes difficultés. Ils sont donc peu expérimentés pour agir convenablement dans les circonstances. Cela crée deux situations incontournables : soit que les élèves reconnaissent et abusent bien souvent de cette situation ou encore, soit qu’ils font les frais de cette inexpérience, principalement dans le cas d’élèves présentant des troubles d’apprentissage. Pendant ce temps, les enseignants expérimentés enseignent aux élèves réguliers, le même cours pendant des décennies, le tout à la même école. Il faudrait se poser la question suivante : quelle vision de la profession les nouveaux enseignants, ceux-là que l’on envoie quotidiennement dans la fosse aux lions, se font-ils de la profession ? Tiendriez-vous ce rythme professionnel longtemps ?

L’insertion professionnelle

Comment les nouveaux enseignants sont-ils accueillis dans votre école ? Existe-t-il un service d’insertion professionnelle où ces derniers sont sensibilisés aux mœurs et coutumes dans l’école ? La culture institutionnelle est un élément incontournable qui détermine si un enseignant se plait ou non dans une école. Un service de mentorat est important pour permettre à l’enseignant néophyte d’avoir un collègue expérimenté avec lequel il peut se confier et être conseillé. Malheureusement, l’éducation est un monde aux innombrables silos et le sentiment de solitude du jeune enseignant finit par peser lourd.

Le manque de reconnaissance

On réfère souvent à la profession enseignante comme étant une vocation. Probablement est-ce le cas. Cependant, force est d’admettre que trop peu des étudiants performants optent pour l’éducation. C’est du moins la conclusion à laquelle l’OCDE en vient : Les étudiants les plus performants ont accès à un large éventail de profession et leur choix se porte sur des carrières mieux valorisées dans la société, plus prestigieuses et mieux rémunérées. Cela ne signifie évidemment pas que ce sont les cancres qui étudient pour devenir enseignants. Cela dit simplement que les autres perspectives de carrières sont plus attrayantes. Peut-on vraiment blâmer ces étudiants?

En Occident, à un moment ou un autre, tout le monde s’improvise enseignant et tous estiment avoir une bonne connaissance de la pédagogie. Effectivement, tous ou presque sont passés par les bancs d’école. Même, les téléromans de Fabienne Larouche y sont peut-être pour quelque chose; Virginie et 30 vies sont (ou ont été) des téléromans populaires depuis plusieurs années. Conséquemment, plusieurs gérants d’estrade s’installent dans le quotidien enseignant : parents, élèves, amis, journalistes, etc. Cela dit, tout le monde semble avoir son opinion dans les questions relatives à l’éducation. L’autonomie professionnelle en prend pour son rhume !

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J’ai vu la conférence de presse de la Fédération autonome de l’enseignement (FAE) cette semaine. L’image était forte. Des enseignants syndiqués en arrière-plan où leur identité personnelle et professionnelle se fondait derrière de grandes pancartes rouges illustrées par une barre de fer et un nous ne plierons pas! bien senti, le tout dans une toute petite salle. Je me place dans la peau d’un jeune enseignant qui regarde cette mascarade et qui se demande s’il n’assiste pas à une rediffusion d’un congrès du parti communiste en Union soviétique. C’est le retour des grandes idéologies : d’une part, la faucille et du marteau et de l’autre, la logique austère et comptable d’un service essentiel par un gouvernement déconnecté. Quand on constate la polarisation d’un débat et l’obligation de suivre une ligne de partie, cela est néfaste pour la profession. Quand on entend des histoires d’enseignants qui achètent eux-mêmes des fournitures scolaires à leurs élèves par manque de ressources financières, ce n’est pas trop attrayant non plus pour de futurs enseignants !

Tout cela pour dire que l’éducation fait l’objet de débats qui dépassent largement les opinions éditoriales de diverses franges de la population pour muter en chicanes de clochers, en guerre de pouvoirs ou en épreuves de force parfois… énergiques.

Et tout ça pour attendre 17 années avant d’arriver au sommet de l’échelle salariale. Oui, en supposant qu’un jeune enseignant débute dans la profession à 23 ans, il devra vraisemblablement attendre à 40 ans pour atteindre le sommet de l’échelle ! Mais pour l’instant, il devra se contenter d’environ 40 000$.

Donc, pour en revenir à ma nouvelle collègue qui risque de décrocher de la profession, je la comprends bien, car l’enseignement, ce n’est pas rose. On sait qu’on perd plusieurs élèves annuellement et on sait aussi que l’on perd d’excellents enseignants. Le paradoxe est que nous persistons néanmoins à rénover un système qui doit être changé !

Un défi lancé aux enseignants branchés

Twitter et Facebook sont de magnifiques outils de développement professionnel pour les enseignants. Le problème est que la majorité de ceux qui fréquentent ces espaces virtuels est déjà convaincue de la qualité des échanges que l’on y retrouve.

De plus, la saison des colloques et congrès technopédagogiques s’amorcera sous peu au Québec avec , le REFER, l’AQUOPS et le Sommet de l’iPad et du numérique en éducation. Encore une fois, ces événements sont des lieux souvent fréquentés par les mêmes personnes déjà convaincues de la pertinence de ces rassemblements formateurs.

Bien évidemment, les espaces virtuels comme réels doivent demeurer fréquentés par ces enseignants à la recherche de formation continue. Là n’est pas la question.

Ce qui est grandement souhaitable est que de plus en plus de nouveaux visages se greffent aux visages familiers pour prendre leur place dans le réseau des enseignants branchés. Bref, il faut sortir de nouveaux enseignants de leur classe pour qu’ils aillent à la découverte de nouvelles idées.

Le défi est fort simple:

Amenez un nouvel enseignant à l’un des congrès que vous fréquentez et introduisez-le à votre réseau et aux gens allumés qui le constituent.

Aussi, introduisez dix enseignants à votre réseau virtuel via Twitter ou les pages Facebook que vous fréquentez. Voyez à l’alimenter et assurez-vous qu’il y trouve son compte.

Parce que les mentalités enseignantes se changeront  un enseignant à la fois, il est de la responsabilité de ceux qui sont déjà actifs dans leur propre processus de formation continue d’agir en tant que mentor à cet égard, probablement comme d’autres l’ont fait pour eux par le passé.

Vous êtes un agent de changement dans votre milieu? Vous êtes un agent de contamination positive et vous exercez un effet multiplicateur dans votre réseau? Il est temps de passer à l’action en incitant concrètement vos collègues à suivre vos pas pour mieux se lancer de façon autonome par la suite.

Vous relevez le défi?

 

 

 

 

La bonne chose, à la bonne place, au bon moment !

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Lors d’une discussion au début des vacances avec mon ami , nous avons jasé de l’importance de faire la bonne chose, à la bonne place, au bon moment. N’est-ce pas la clé de notre action quotidienne en éducation ?

Bien faire

En éducation, comment bien faire lorsqu’il existe autant d’avenues, plus qu’il n’en a jamais existé depuis la nuit des temps ? La réponse est simple : faire la bonne chose signifie faire le nécessaire pour combler les besoins de nos élèves. Ce qui est plus complexe, c’est de différencier les besoins en cessant de considérer notre classe en tant qu’entité homogène pour mieux cerner ce que chacun de nos élèves a besoin.

Deuxièmement, bien faire signifie accepter de ne plus enseigner de la même façon que nous le faisions auparavant en réalisant, une bonne fois pour toutes, que nos élèves ont changé depuis le temps où nous étions nous mêmes élèves ou étudiants.

Nous ne pouvons considérer que notre pratique enseignante est parfaite. Non seulement il s’agit d’une affirmation fallacieuse, mais en plus, elle a des implications dangereuses auprès des élèves qui subissent cette pseudo perfection à travers des pratiques pédagogiques dépassées imposées quotidiennement. Ne serait-ce par souci de simple logique, l’écrivaine américaine Harper Lee cite que quand on est au sommet, il ne reste qu’un chemin à prendre. Autrement dit, lorsqu’on se considère au sommet de notre profession et que nous avons l’impression que nous n’avons plus rien à apprendre, le seul chemin que nous pouvons emprunter est celui du déclin !

La pratique enseignante est évolutive. Point à la ligne. Et cette évolution se fait par le réinvestissement de ce que nous apprenons via la formation continue et le réseautage. Il faut donc réinvestir au bon endroit.

La bonne place

Vous aimez votre école ? Vous en êtes fier ? Vous travaillez à la rendre encore meilleure ? Un milieu scolaire n’a de personnalité que celle que ses acteurs lui donnent. On la critique souvent alors qu’on néglige souvent qu’elle est le reflet de tous : parents, élèves, enseignants, direction, etc.

Bref, cessons d’extérioriser la situation. La bonne place, c’est celle que l’on façonne quotidiennement à travers les interactions avec ses collègues, nos élèves et leurs parents. Il s’agit de faire sa place pour qu’elle devienne la nôtre. Il n’y a pas de magie dans tout cela, seulement du travail rehaussé par un réel sentiment d’appartenance.

Lorsque nous faisons la bonne chose à un endroit, et que d’autres font la bonne chose aussi, cet endroit devient la bonne place ! D’où l’importance de faire éclater les silos en éducation…

Le bon moment

Chers lecteurs, le bon moment est maintenant. Il est temps d’aspirer à plus. Comme le chantait le poète Zack de la Rocha mieux connu dans le groupe rock fétiche Rage against the Machine :

It has to start somewhere It has to start sometime

What better place than here, what better time than now?

Meilleurs vœux

Je vous souhaite donc, pour cette année comme pour celles à venir, une réelle intranquilité. Celle qui vous donnera un joyeux vertige et des milliers de nouvelles idées issues d’une tête bien agitée. Assumez vos espérances géantes et faites le nécessaire pour que vos attentes soient comblées. Risquez le délice pour paraphraser le poète Walt Whitman et prenez goût à vos réussites et surtout, à celles de vos élèves (ces réussites sont aussi les vôtres !).

Je vous souhaite d’afficher votre vulnérabilité, celle qui vous déstabilise et vous plonge dans un réel désordre créatif, duquel vous émergerez plus fort, plus compétent, plus inspirant. Vivez dans un perpétuel état d’émerveillement et transmettez ce même état à vos élèves pour qu’ils le fassent à leur tour. Impressionnez vos élèves et laissez-vous impressionner par ceux-ci. Engagez cette grande roue inspiratrice et contagieuse de l’éducation et devenez la bougie d’allumage, l’allumeur de réverbères ou le phare de vos élèves.

Montrez à vos élèves à se dépasser, à transformer l’impossible en possible. Incitez-les à se dépasser et à repousser leurs propres limites. Dans certains cas, peut-être iront-ils trop loin mais, pour citer Jim Rohn, motivateur et écrivain, You have to risk going too far to discover just how far you can really go.

Voilà ce que je vous souhaite pour cette nouvelle année. Bonne année !

From STEM to STEAM to STHEAMP

A makerspace can easily be designed in any school environment since it has the advantage to be fully flexible and designable to fit any school culture based on student needs. Many makerspaces are located in corporations, plants or different business environments. When it comes to education, makerspaces design must come with one thing in mind: pedagogy. How can it transform student’s learning?

From STEM…

This well-known acronym places Sciences, Technology, Engineering and Mathematics at the center of teaching strategies. It focuses on the importance of developing knowledge and competency in a scientific point of view to explain everyday realities.

… to STEAM…

Interpreting reality with a STEM approach does have its virtues, but it also has its limits. With the need to integrate more creativity into teaching approaches or into learning processes, STEM can become STEAM by adding an artistic dimension to the academic system. Indeed, Arts is a necessary adjunct to STEM because it allows widening the windows of possibilities by varying approaches to solve a problem. Curiosity leads to creativity, which, eventually, leads to innovation.

…to STHEAMP !

As mentioned earlier, Arts is now the canvas of an educational approach based on Sciences, Technology, Engineering and Mathematics. Therefore, two major domains are missing from the equation. First, Humanities are naturally counterbalancing STEM by focusing on different problems and seeking different solutions. Yes, building or making implicates a scientific method but Humanities do have their place when it comes to communication, marketing and entrepreneurship. They offer the ideal setting to understand the culture in which an idea is born and the perspectives of becoming an actual project.

Secondly, Pedagogy is the very first thing to have in mind when designing a makerspace in a school. The idea is to make sure the students are active learners and they have their heads and hands contributing to the task. From STEM, to STEAM, to STHEAMP, a makerspace in a school must be designed with an open pedagogy to benefit multiple learning profiles. The rest will follow.

 

 

Huit étapes pour innover en éducation

Innovation

Si nous prenons pour acquis le postulat que chaque génération d’enseignant est en retard sur la génération d’élèves à laquelle il enseigne et que ce retard s’est accentué grâce à différentes fractures générationnelles, la nécessité d’innover en éducation devient incontournable.

Le Conseil supérieur de l’éducation du Québec définit l’innovation en éducation de la façon suivante :

Un processus délibéré de transformation des pratiques par l’introduction d’une nouveauté curriculaire, pédagogique ou organisationnelle qui fait l’objet d’une dissémination et qui vise l’amélioration durable de la réussite éducative des élèves ou des étudiants.

L’innovation en éducation implique donc de rassembler les concepts de nouveauté, d’amélioration et de durabilité. Ainsi, dans un contexte quotidien, comment les acteurs du monde de l’éducation, quels qu’ils soient, comptent-ils innover dans leurs pratiques ?

On dit qu’une bonne idée se mesure à sa capacité à être réalisée. Ainsi, comme pour n’importe quoi, et ce, malgré le chaos associé à l’émergence de la créativité, l’innovation en éducation, ça se planifie. Quel est donc le rôle de l’enseignant et quel est celui de la direction d’école ? Voici les huit étapes pour voir l’innovation pédagogique envahir la classe.

 

Étape 1 : une idée

 Enseignant

Tout part de la créativité. L’enseignant connait les besoins des élèves et connait ses forces. Il sait ce qu’il peut tenter et à quel besoin cela répondra. Bref, qu’est-ce qui doit être amélioré dans sa démarche d’enseignement ? Et ces idées s’établissent dans le respect de la personnalité de celui qui les émet, mais aussi dans le respect de la clientèle étudiante à laquelle elle s’adresse. Certes, il faut rêver grand dans un monde de possibilités illimitées, mais surtout, pour que l’idée soit bonne, elle doit être réalisable.

Direction d’école

Le rôle de la direction d’école est double. Dans un premier temps, il est de créer un climat propice à l’émergence d’idées novatrices dans le milieu. Et par la suite, elle doit les supporter et contribuer à les rendre réalisables dans le contexte scolaire, en fonction du projet éducatif de l’école.

 

Étape 2 : le contexte

Enseignant

La démarche réflexive et les étapes de conception amènent invariablement des questions : pourquoi innover ? Quelle situation l’enseignant souhaite-t-il changer ? Pourquoi ? Est-ce réellement nouveau ce qui est proposé ou est-ce un recyclage de pratiques ? Quels sont les effets à prévoir sur l’apprentissage des élèves ? Quelles sont les ressources dont l’école dispose pour ce faire ? Existe-t-il une compatibilité entre l’idée et le contexte scolaire, social et économique dans lequel l’école est placée ? Quels sont les outils dont je dispose ?

Direction d’école

Est-ce que le projet est viable ? L’école a-t-elle toutes les ressources pour soutenir l’innovation en question ? Si oui, qui mobiliser et comment. Sinon, où trouver les ressources ? Aussi, est-ce en lien avec le projet éducatif de l’école et ses orientations stratégiques ?

 

Étape 3 : la collaboration

Enseignant

Il est difficile d’innover seul en éducation. L’apport de l’autre a un effet rehaussant et permet de parfaire l’idée originale et lui permettre d’avoir une meilleure vie utile. Parfois, l’effervescence de l’enseignant novateur l’aveugle et il est bon qu’un estimé collègue puisse relativiser les choses.

Également, l’effet mobilisateur de la collaboration enseignante permet la création ou le maintien d’une culture d’entraide au sein des intervenants de l’école.

Direction d’école

Déjà collaborateur de première instance, la direction facilite les nouvelles collaborations entre les enseignants afin de permettre à un maximum de professionnels de contribuer pour améliorer l’idée, prendre part à l’innovation et pour bénéficier des retombées ultérieures.

 

Étape 4 : l’implantation

Enseignant

C’est la phase de pilotage. Comment cette idée novatrice se porte-t-elle au contact du monde réel ? Est-ce que les promesses et potentialités sont réalisées ? Comment réagissent les élèves ? Les parents ? Les collègues enseignants ? Quels sont les ajustements à apporter ?

Direction d’école

Que peut-elle faire pour faciliter cette implantation ? Il est ici question de mettre en œuvre tout le support pour rendre cette implantation simple et agréable en demeurant à l’affut des écueils possibles. Le rôle principal à cette étape en est un de soutien.

 

Étape 5 : l’évaluation

Enseignant

Au bilan, il faut se poser les vraies questions : quelle lecture faites-vous de votre expérimentation ? Qu’est-ce qui a bien fonctionné ? Qu’est-ce qui doit être amélioré ? Comme dans l’étape 3, où la collaboration a joué un rôle important dans la conception, il y a lieu de collaborer encore lorsqu’il est question d’évaluer le succès de l’innovation en éducation.

Direction d’école

Dans cette activité de remue-méninge, la direction peut y jouer un rôle important, car elle a observé les différentes étapes d’implantation et elle a, habituellement, une vision globale dans laquelle l’idée a muté depuis sa conception pour devenir une innovation pédagogique.

 

Étape 6 : la communication et la diffusion

Enseignant

Une fois que l’enseignant a obtenu les résultats souhaités, à la suite de maints ajustements, il est important de partager les réussites. D’autres enseignants pourront bénéficier de ce partage d’expérience, car ils pourront importer ces idées dans leur pratique en les adaptant à leur clientèle estudiantine. Une bonne idée doit être partagée afin qu’elle touche un maximum d’élèves.

D’où l’importance du réseautage, du partage et de la communauté d’apprentissage professionnel. L’effet multiplication doit être initié et une bonne idée doit avoir l’effet d’une contagion positive sur l’entourage immédiat ou élargi de l’enseignant.

Direction d’école

Il s’agit d’un important rôle de mise en valeur. Il utilise ses contacts dans les autres milieux scolaires pour permettre à l’enseignant d’aller à la rencontre de nouveaux collègues dans d’autres écoles pour propager les bonnes idées. La direction comprend que cette démarche de diffusion a des retombées positives sur toute l’école en termes de crédibilité et de rayonnement.

 

Étape 7 : Veiller à la pérennité

Enseignant

Comment faire survivre l’innovation afin qu’elle soit durable et qu’elle vieillisse bien à travers le temps ? Comment la rendre flexible et adaptée aux nouvelles réalités du milieu scolaire ?

Direction d’école

Grâce à sa vision tournée vers l’avenir, la direction d’école devrait être en mesure de voir venir les nouveautés et les changements à l’horizon. Elle est donc en mesure d’en informer les membres du personnel pour les aider à se préparer face aux éventuels déterminants des nouvelles réalités scolaires à venir.

 

Étape 8 : récidiver

Enseignant

Une fois que toutes les étapes ont été réalisées, comment récidiver avec une autre idée novatrice ? Le principe est de révolutionner sa pratique et lorsque toutes ces idées ont un effet évident sur l’apprentissage des élèves et le climat de classe, il est temps de se poser à nouveau la question : comment puis-je faire mieux ? L’innovation en éducation est un processus sans fin.

Direction d’école

Son rôle est semblable à celui de la première étape, mais cette fois-ci, elle doit défier l’enseignant de poursuivre dans sa voie novatrice et s’assurer qu’elle maintient cette ardeur à faire de sa pratique, une pratique en ébullition !

Le bon élève

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Après le bon prof, le bon conseiller pédagogique et la bonne direction d’école, la suite logique est de poursuivre avec LA raison qui motive l’adoption de bonnes pratiques professionnelles : l’élève.

Nous avons tous nos conceptions de ce qu’est un bon élève. Principalement, c’est un enfant obéissant, respectueux des règles de vie et apte à intégrer les notions transmises par l’enseignant. Le bon élève est motivé, studieux, dévoué et travaillant. Mais peut-on réellement prétendre que la docilité de l’apprenant est ce qui fait de ce dernier un bon apprenant ?

J’ai d’ailleurs souvent parlé du fait que nos écoles sont des fabriques d’automates; nous formons des hordes de béni-oui-oui. Nos bons élèves ne sont pas là.

Les compétences du 21e siècle

En ce siècle, il est inutile de voir à éduquer les élèves de la même façon qu’au siècle précédent. La dynamique mondiale a grandement changé; la mutation des contextes sociaux, industriels, environnementaux et économiques redéfinit nos conceptions du monde dans lequel nous évoluons. Plus que jamais, notre système d’éducation doit permettre à ses élèves de développer des compétences propres au siècle actuel : la collaboration, la communication, l’utilisation des technologies, l’éthique, la résolution de problèmes complexes, la pensée critique, la créativité et l’inventivité, etc.

Les élèves ne sont pas obligés de recycler nos vieilles façons de faire pour ainsi échouer là où nous avons lamentablement échoué. Ils doivent trouver leurs propres réponses à des problématiques anciennes ou nouvelles. Notre monde a résolument besoin d’un nouveau regard et il faut cesser de s’attendre à ce que l’élève voit le monde de la même façon que nous l’avons vu lorsque nous étions à sa place. En réalité, nous n’avons jamais été à sa place : les temps ont tellement changé depuis notre passage en milieu scolaire…

Il faut donc cesser d’enseigner selon un modèle éducatif dépassé et révolu pour permettre au bon élève d’émerger pour atteindre de vrais hauts sommets de développement personnels. À l’heure actuelle, il lui est difficile de rêver grand dans un monde qui lui est volontairement réduit ou limité. N’est-il pas envisageable de prétendre qu’un élève atteint de hauts niveaux lorsque l’environnement physique et les adultes l’entourant lui permettent d’accéder à ces hauts niveaux ? Il est question ici de créer les conditions gagnantes à voir l’élève s’approprier son propre milieu scolaire.

Les hormones adolescentes

La divergence en éducation est ostracisée, et ce, autant lorsqu’il est question d’apprentissage que d’enseignement. Pourtant, c’est elle qui permet aux mentalités d’évoluer. Les bons vieux raisonnements à trajectoires rectilignes uniformes au dénouement prévisibles sont passés date. Il y a de la place pour chaque enfant dans un système d’éducation comme, à long terme, il y a une place pour chaque citoyen.

Le bon élève est celui qui sait faire valoir son unicité et sa capacité de penser hors de la boite tout en étant respectueux des règles permettant un vivre-ensemble harmonieux. Ce n’est pas seulement une question d’hormones adolescentes ! Il est bel et bien souhaitable que le bon élève remette en question le monde qui l’entoure et les modes de pensée qu’il a développés. C’est bien connu, les jeunes veulent changer le monde; c’est un bon début ! Donnons-leur le nécessaire pour le faire au lieu de saboter leurs initiatives au nom de la préservation de l’ordre établi ! Attisons le feu au lieu de l’éteindre !

Permettons-leur de se casser les dents sur des problématiques ardues afin qu’ils apprennent de leurs erreurs. En effet, le bon élève est celui qui reconnait ses échecs et les valorise pour ensuite les transformer en réussites étincelantes. L’échec est donc temporaire et, bien souvent, un passage obligé vers la réussite. Le couple échec-réussite est donc indissociable.

Le bon élève se définit par son ambition à relever des défis et à viser la réussite sans raccourcis. Il est la somme de ses réussites et il comprend qu’il est plus grand et plus fort que la somme des obstacles placés sur son chemin. Il a de l’envergure et il est avide de nouveautés. Il souhaite partir à la découverte pour satisfaire sa curiosité et ensuite démarrer le long cycle vers la valorisation et l’actualisation de son potentiel : créativité, conception, collaboration, expérimentation, réalisation et diffusion. Il aspire à l’illimité et à l’infini et souhaite y trainer son baluchon.

À l’heure actuelle, nous concevons les bons élèves d’une façon insidieuse. Ce ne sont pas les automates ou ceux qui se complaisent dans la répétition pédagogique des rangs d’ognons de nos classes, mais bien ces élèves différents, ceux qui ne s’y retrouvent pas nécessairement dans nos écoles dépassées. Ceux que nous identifions souvent comme étant nos cancres, nos décrocheurs, nos démotivés et nos trouble-fêtes sont probablement nos bons élèves. Il nous faut les rallier et les mobiliser pour enfin reconnaitre l’étendu imparfaite de nos préjugés à leur égard.

 

 

 

 

Seize questions que chaque éducateur doit se poser

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Toujours dans l’esprit du partage de ressources, de la curation de contenus et de la libre circulation des idées


novatrices, voici la traduction et l’adaptation d’un autre texte de avec quelques ajouts de mon cru :

  1. Selon vous, quel pourcentage de vos élèves est mobilisé, motivé et engagé cognitivement pendant le déroulement de vos cours ?
  2. À quelle fréquence vos élèves peuvent-ils être moindrement actifs physiquement dans votre classe pour activer leur circulation sanguine ?
  3. À quelle fréquence vos élèves sont-ils en mesure de travailler en collaboration dans diverses tâches signifiantes ?
  4. À quand remontre la dernière lecture d’un livre lié à votre profession ?
  5. En imaginant la classe parfaite, quelles sont les trois principales caractéristiques qui vous viennent en tête ?
  6. Jusqu’à quel niveau êtes-vous confiant que vos élèves sont en mesure de déterminer avec précision ce qu’ils réussissent bien et où ils ont des difficultés dans votre cours ? Croyez-vous avoir la même lecture de la situation ?
  7. En présumant que votre cours est enregistré en totalité, quelle voix entendrions-nous le plus fréquemment ? Celle des élèves ou la vôtre ?
  8. Si on abolissait les notes, croyez-vous que les élèves s’engageraient activement dans les activités que vous proposez ?
  9. Seriez-vous à l’aise qu’un collègue enseignant issu d’une autre école vienne visiter votre classe pour vous observer en action ? Comment accueilleriez-vous sa rétroaction ? Comment décrirait-il le déroulement de la classe ?
  10. Si vous étiez directeur d’école pendant une semaine, lorsque vous parcourriez votre école, qu’aimeriez-vous voir dans les classes ?
  11. Quel est le ratio de consommation d’idées et de création de contenus chez vos élèves dans vos classes ?
  12. Si vous étiez un élève, aimeriez-vous être dans votre propre classe ?
  13. Enseigneriez-vous à vos propres enfants sans crainte d’être jugés négativement par ces derniers ou par leurs amis ?
  14. Tolèreriez-vous que votre médecin n’ait suivi aucune formation continue depuis 15 ou 20 ans ?
  15. Quels sont les défis que vous fixez à vos élèves ? Quels sont ceux que vous vous fixez ? Les vôtres sont-ils aussi ambitieux ?
  16. Si vos élèves n’étaient obligés d’assister à vos cours, quelle serait la proportion d’élèves présents ?

Question bonus : Avez-vous la ferme conviction que vous contribuez à préparer vos élèves pour ce que l’avenir leur réserve ?

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Texte original (questions 1 à 11) : http://www.justintarte.com/2015/02/10-questions-every-educator-should.html?m=1

Auteur original :

Infographie : Gracieuseté de l’École branchée

 

Deux mythes tenaces en enseignement de l’histoire

J’ai l’occasion de rencontrer plusieurs enseignants québécois dans une année scolaire et d’échanger sur leurs pratiques enseignantes. J’ai longtemps hésité avant de publier un tel billet de blogue, mais il semble qu’il soit plus que temps de briser deux mythes dans l’enseignement de l’histoire.

Pour commencer, vu que la notion d’identité a toujours été centrale à l’étude de l’histoire, abordons la question de l’identité professionnelle. Un enseignant est un professionnel ayant détenant un brevet d’enseignement délivré suite à des études universitaires en enseignement du primaire ou du secondaire. Il est donc autonome et en mesure d’exercer un jugement sur lequel s’appuie tout un processus décisionnel. Il est un pédagogue, donc un stratège, un tacticien et un catalyseur d’opportunités au service de l’apprentissage de l’élève. De plus, au niveau de l’importance de l’histoire dans le curriculum scolaire, je la résumerais en ces quelques points :

  1. Mettre l’accent sur les interactions sociales de l’humanité en créant un équilibre certain dans la formation générale avec les sciences et les mathématiques ;
  2. Permettre la consolidation de l’appartenance de l’élève à sa société et sa culture;
  3. Faciliter la construction de la conscience tridimensionnelle de l’élève (éthique, temps et espace);
  4. Rendre possible la compréhension d’enjeux sociaux contemporains grâce au développement d’un esprit critique.

Cela étant dit, voici deux mythes qu’il est impératif de déboulonner pour enseigner la plus belle discipline d’un curriculum scolaire (je sais, j’ai un parti pris !) :

Mythe 1 : Je suis un conteur

Non. Vous n’êtes pas un conteur. Vous êtes un enseignant. Des conteurs, vous en engagez une fois à l’occasion; des comédiens viennent dans vos classes déguisés en Samuel de Champlain, en Jacques Cartier ou en patriotes. Vous avez beau tenter de me convaincre que vos élèves aiment que je leur raconte des histoires, ce n’est pas votre travail. La narration fait indéniablement partie de votre travail, mais elle n’en est pas l’unique attribut.

De plus, il est faux de prétendre que vous rendez la matière vivante lorsque vous la racontez. Il n’y a rien de vivant à raconter une histoire pendant soixante ou soixante-quinze minutes ! Vos élèves sont passifs et vous les gavez d’histoires qu’ils apprécient surement dans le moment présent. Cependant, vous devez activer leur devoir de mémoire et il est de votre responsabilité de trouver des façons d’assurer un apprentissage durable chez ces derniers afin qu’ils puissent comprendre les réalités sociales dans lesquelles ils seront plongés de façon permanente dans quelques années.

Je vous suggère plutôt de laisser vos élèves raconter ces histoires. Vous devez démocratiser les savoirs et les concepts qu’ils doivent apprendre à les manipuler et à les réinvestir dans des situations issues de la vie réelle. Vous n’avez pas à porter tout le poids de cette narration. Bien au contraire, déléguez-la aux élèves. Laissez-les créer ces petites bulles narratives que vous pourrez relier entre elles pour en faire un grand chapelet de narrations. Elles seront signifiantes, car elles seront nées d’échanges, de collaborations, de recherches et de débats. N’est-ce pas là l’essence de l’enseignement de l’histoire?

Enfin, variez les méthodes et les formes narratives. Les TIC sont là pour vous. La mise en récit numérique (digital storytelling) est une pratique très commune aux États-Unis et au Canada. Par exemple, les élèves peuvent créer des baladodiffusions, des capsules sur ou des photoreportages sur ou Phonto. Ils peuvent également créer une bande dessinée, des sketchnotes, des touchcasts ou des clips en stop-motion.

En vous prétendant fièrement un conteur, vous projetez une image réductrice de votre profession et aussi de votre matière. Vous êtes certainement divertissant puisque vous offrez un bon spectacle, mais vous ne contribuez aucunement à inculquer une méthode historique et à développer un esprit critique chez vos élèves. Je tenais à ce que vous le sachiez.

Mythe 2 : J’ai un examen du ministère

Je sais pertinemment qu’il s’agit d’un stress supplémentaire. Vous êtes pris entre un programme chargé et un temps limité pour passer la matière. Vous vous sentez pressé et lorsqu’on est pressé, l’enseignement directif apparait comme la seule approche pédagogique efficace. Justement, il ne faut pas passer la matière. Le lien avec l’élève doit avoir préséance sur la matière. N’est-ce pas le propre d’une science dite humaine ? La matière que vous enseignez est trop importante pour être passée, pour être garrochée.

Le principal problème de l’école actuelle est que l’élève n’a aucune prise sur sa propre démarche d’apprentissage, car l’enseignant contrôle le temps, l’espace ainsi que les contenus à apprendre. Pourquoi ne pas permettre à l’élève d’assumer un réel rôle dans ses apprentissages ? Les recherches de John Hattie démontrent qu’il existe plusieurs déterminants essentiels pour faciliter l’apprentissage chez les élèves et donner pleine valeur à l’effet enseignant : pendant que vous racontez la matière que vous passez, il vous est impossible de créer des opportunités de rétroaction ou de voir à créer un lien de qualité avec chacun de vos élèves. Oui, donner une rétroaction spécifique, gentille et utile, pour reprendre les mots de Ewan McIntosh, est incontournable pour permettre de permettre aux élèves de réaliser des apprentissages. Idem pour la qualité de la relation maître-élève.

Je me permets de suggérer de réaménager votre planification pour permettre aux élèves de débattre en confrontant leurs perceptions de diverses réalités sociales ou divers évènements historiques. Permettez l’émergence de débats historiographiques au sein de vos classes. Démontrez à vos élèves comment ils tombent aisément dans des jugements ethnocentriques ou comment leur argumentaire est essentiellement subjectif, voire émotif.

L’histoire et les sciences humaines en général sont les seules matières qui s’emploient à prévenir les schismes dans les façons dont nous pouvons concevoir le monde. Aucune autre matière scolaire ne peut avoir cette prétention. Conséquemment, il faut que nos approches pédagogiques démontrent comment l’univers social est incontournable dans les grilles-matières et ce n’est pas en racontant des histoires ou en passant une matière que nous y parviendrons !

Peut-être…

À travers le temps, ces mythes sont devenus des dogmes pédagogiques. Il est presque tabou de remettre en question les façons d’enseigner l’histoire. Peut-être êtes-vous fâché suite à la lecture de ce billet. Ce n’est pas mon intention quoique je souhaite vous déstabiliser ou vous déranger pour vous forcer à réfléchir. Vous êtes bien plus qu’un simple conteur ou qu’un vulgaire passeur de matière.

Peut-être trouvez-vous ce billet déconnecté de la réalité. Peut-être l’est-il de votre réalité. Ne croyez-vous pas qu’il soit temps de changer votre façon d’aborder votre rôle dans l’éducation de vos élèves ? Vous croyez possiblement qu’il soit impossible d’appliquer ces suggestions dans votre contexte. Dans ce cas, changez le contexte ! Il ne faut pas oublier que les pratiques professionnelles évoluent et qu’elles ne demeurent jamais inertes ou statiques. On ne peut tenir pour acquis que la façon dont nous enseignons un jour sera employée tout au long de notre carrière.

La manufacture de l’éducation III

Partie 3 : La fabrique d’automates

Lire la seconde partie, En finir avec le grand psychodrame de l’éducation

J’ai lu, il y a quelques années, un article qui a complètement changé ma vision de l’éducation. J’ai rapidement compris que je fabriquais des automates, car j’instruisais bien plus que j’éduquais ! En fait, j’ai réalisé qu’en éducation, les élèves n’ont aucun contrôle ; ils ne contrôlent ni le temps, ni l’espace, ni le contenu, ni les comportements. Ils sont là, ils font du temps et ils font ce qui leur est imposé.

Déjà en 1969, Alain Beaudot dénonçait l’école de l’imitation, du silence et du conformisme. Près d’un demi-siècle plus tard, le constat est accablant : les choses ont bien peu changé !

Pourtant, l’école n’est pas une manufacture. C’est un lieu à cheval entre l’art et la science. La science a son rôle à jouer et il est incontournable. Il valide et surtout, il diffuse. La recherche en éducation, c’est un phare qui éclaire les pratiques enseignantes. De façon complémentaire, la créativité valorise la divergence et la délinquance pédagogique et elle amène de la couleur et de la diversité à l’éducation. Elle n’est pas une excentricité quelconque, mais bien le catalyseur d’idées et le désir de les voir prendre forme dans une démarche scolaire. La recherche et la créativité sont liées. Les chercheurs sont des individus créatifs et curieux. Le problème est qu’au lieu de transmettre cette même créativité et curiosité à la base de leurs recherches, ils cherchent trop souvent à imposer des vérités, des dogmes. Comme je l’écrivais dans la première partie de cette trilogie, la dernière chose dont nous avons besoin en éducation, c’est de nouveaux dogmes. L’éducation doit faciliter la fertilité des idées et leur permettre de prendre forme. Si cela est vrai pour la pédagogie, ce le sera pour l’apprentissage.

C’est donc la fin du modèle unique en éducation (one size fits all). On constate l’émergence d’un nouveau paradigme axé sur la valorisation de la diversité et la mobilisation de l’élève alors qu’il est désormais refusé que la routine définisse nos approches. On accepte enfin de prendre quelques risques calculés dans une expérimentation pédagogique bien dosée. Exit la trivialité ! Nous n’avons pas à nous conditionner à être normaux ! Bien au contraire, comme le suggère Cristol Denis, ne faut-il pas faciliter l’expression des talents et des intelligences singulières et favoriser l’émancipation de l’élève face au conformisme des pensées convenues ? Nous pourrons alors permettre à l’élève de revendiquer son droit à apprendre plutôt qu’à être enseigné. L’enseignant est un catalyseur ; il est la personne la mieux placée pour sonder les talents et aptitudes de ses élèves pour ainsi leur permettre d’aspirer à des niveaux de réalisation insoupçonnés.

Selon Tolstoï, il faut choisir entre une école où il est facile aux maitres d’enseigner et une école où il est facile aux élèves d’apprendre. Dans ces lieux où nous instruisons nos élèves plus que nous les éduquons, peut-on prétendre réellement bien préparer nos élèves pour leur vie future ? Nos élèves de première secondaire seront sur le marché du travail vers 2025 jusqu’à environ 2060. Ce que notre système éducatif leur offre est-il suffisant à les préparer pour leur expérience professionnelle ?

Cette trilogie d’articles de blogue nous rappelle donc l’importance de l’acte de création en éducation. Il souligne que :

  • Par notre difficulté de moderniser l’acte d’enseigner,
  • Par notre refus de placer l’élève au centre de l’acte d’apprentissage,
  • Par notre besoin de contrôler la totalité de la démarche pédagogique,
  • Par nos difficultés à arrimer nos pratiques à celles des milieux professionnels,
  • En ostracisant la différence et l’originalité au profit du conformisme,

nous contribuons à faire perdurer un modèle scolaire tombé en désuétude. Nous contribuons à la survie des manufactures de l’éducation, ces fabriques d’automates. En ce sens, le risque inhérent au statu quo en éducation est largement plus important que celui du changement.  Comme le dit si bien l’écrivaine Anaïs Nin, and then the day came, when the risk to remain tight in a bud was more painful than the risk it took to blossom.

La manufacture de l’éducation II

Partie 2 : En finir avec le grand psychodrame de l’éducation

Lire la première partie, Les deux mondes.

Pour en finir avec le psychodrame de l’opposition connaissances-compétences, allons-y simplement : il n’y a pas d’opposition. Il n’y a qu’une complémentarité. Ces dernières années, après les volte-face du Ministère de l’Éducation, quelques esprits obtus se sont plu à polariser ce qui n’aurait jamais dû être un débat : doit-on privilégier l’enseignement des compétences ou celles des connaissances ?

Ceux-là qui entretiennent cette pseudo dialectique et qui se plaisent à la tourner en psychodrame peinent bien souvent à distinguer deux actions essentielles : éduquer et instruire. Si l’éducation est un concept large mobilisant la formation générale et globale d’un individu, l’instruction privilégie l’acquisition de connaissances particulières à un domaine. Ces dernières sont appelées à être mobilisées relativement rapidement, dans un contexte particulier, dans un contexte défini, voire intégral. À ce titre, la majorité des activités scolaires auxquelles les élèves prennent part relève de l’instruction et force est d’admettre que nous surinstruisons nos élèves, au détriment de leur éducation globale. À ce sujet, il faut simplement retourner à la base des têtes bien faites plutôt que bien pleines de Montaigne.

Il faut faire place à la curiosité, celle qui est a la base des plus grandes réalisations humaines depuis des millénaires. Les dynamiques archaïques de l’éducation, basées sur le conformisme, annihilent cette curiosité au nom de l’imposition des contenus disciplinaires. Nous sommes tous nés avec d’incroyables potentialités. L’école se doit de fournir le terreau fertile à ses élèves pour les voir s’accomplir, s’actualiser et se réaliser.

Au-delà du fait que l’instruction mobilise les connaissances, ce qui suit est encore plus important : ces connaissances doivent être réinvesties dans des contextes signifiants. Voilà où connaissances et compétences se complémentent ! Le développement des compétences est le chainon manquant afin que la démarche d’apprentissage en devienne une d’éducation. La prémisse de l’éducation est le savoir-être. Simplement savoir n’est pas suffisant. À cette époque, tout le monde peut savoir et comme le montrent les recherches de Sugata Mitra, les jeunes n’ont pas besoin de l’école pour apprendre. L’école est importante non seulement pour apprendre, mais aussi, et surtout, pour socialiser, collaborer, modéliser, contextualiser, développer des méthodes de travail efficaces, expérimenter, etc. Le simple fait d’aller à l’école pour savoir n’est plus suffisant. Il faudrait que nos approches pédagogiques reflètent cette prétention. Cela n’est aucunement un désaveu ou une dévaluation du milieu scolaire ou de ses acteurs.

Le problème est ce qui fait trop souvent de l’école une manufacture de l’éducation : ses acteurs parlent d’instruction, d’évaluation ou de curriculum en premier, avant de parler de signifiance, de mobilisation, de curiosité, de créativité et d’expérimentation.  Également, actuellement, nous préparons nos élèves à évoluer dans un monde qui disparait, au lieu de les préparer pour celui qui émerge. Nous enseignons aujourd’hui avec nos vieilles habitudes empêtrées dans une vieille culture scolaire figée dans le temps, laquelle laisse peu de place a la créativité humaine. À cet égard, pour citer H.G. Wells, auteur et enseignant, la civilisation est une course entre l’éducation et la catastrophe. À nous de choisir l’éducation !

Autre psychodrame, le travail collaboratif. Depuis quelques siècles, les élèves apprennent dans un groupe, mais pas en groupe au sens où l’apprentissage collaboratif n’est pas valorisé. Pas de place pour l’intelligence collective. La collaboration permet pourtant la réalisation de tâches impossibles à réaliser individuellement. Est-ce nécessaire de rappeler que nous vivons à l’ère de la mondialisation, de l’interdépendance. La collaboration doit de refléter dans nos classes, non ?

Demain, troisième et dernière partie : La fabrique d’automates.

Les manufactures de l’éducation I

Je me suis laissé inspirer par diverses conversations virtuelles et réelles, par plusieurs lectures et par quelques conférences de Ken Robinson pour rédiger ce billet en trois parties.

Partie 1 : Les deux mondes

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Un constat s’impose : nous vivons à cheval sur deux mondes. Le premier est celui qui existait avant nous et celui qui continuera d’exister après notre passage. C’est celui qui aurait continué à exister sans nous. Pour paraphraser l’illustre Marcel Conche, dans son livre Temps et destin, il s’agit d’une courte fenêtre humaine dans le temps universel. C’est dans ce monde que l’école fonde son action éducative pour permettre à l’élève de le déchiffrer.

Mais il existe un autre monde, probablement plus important encore que le premier : celui de l’élève. Celui est lui est intrinsèque. Celui qui est né en même temps que lui et celui qui s’éteindra à sa mort. Tous les humains vivent individuellement dans ce monde et nous nous servons de ce dernier, qui est nôtre, pour comprendre et concevoir le premier, soit celui que nous partageons avec tous les humains. C’est le monde individuel (interne à l’individu) et le monde collectif (externe à l’individu).

Malheureusement, le monde scolaire ne tient compte que du monde externe à celui de l’élève. Cette ignorance a ses vertus, dont la plus importante est de décentrer l’enfant et l’adolescent de leur nombril afin qu’il s’ouvre au monde qui l’entoure. Cette ignorance est également systémique puisqu’une très grande partie de l’action éducative des acteurs du milieu scolaire est orientée vers le curriculum, la pédagogie, la didactique pour éventuellement être centrée sur la diplomation et la sanction des études.

Pendant ce temps, la recherche en éducation renforce ce modèle scolaire. Elle en fait une lecture théorique grâce à des millions d’études recensant autant de pratiques pour finalement en tirer ses fameuses données probantes. Cela amène cependant deux conclusions regrettables:

  1. Ces données évacuent l’importance de ce qui n’est malheureusement pas mesurable. Entre autres, la créativité humaine permet de transposer ces théories et de les adapter dans le concret, et ce, de diverses façons propres à chacun. Comme si un chercheur en connaissait plus sur les élèves de la classe d’un enseignant…
  2. Dans plusieurs cas, on tente d’évacuer l’autonomie professionnelle des enseignants en appliquant sans discernement les conclusions des dites études. La recherche scientifique devient un dogme et, comme je l’ai déjà écrit dans mon livre et dans ancien blogue, sans méta-analyse, point de salut. La dernière chose dont nous avons besoin en éducation est un dogme de plus !

Le défi est donc l’arrimage de ces deux mondes et la mesure de l’empreinte de notre monde interne dans celui que nous partageons avec l’humanité. Le rôle du système préscolaire, primaire et secondaire est donc d’aider l’élève à trouver l’équilibre entre les deux. Ces deux mondes sont interreliés et s’influencent mutuellement.

Inopportunément, la manufacture de l’éducation qu’est devenue l’école depuis des décennies néglige le lien à entretenir avec l’élève au lieu de se centrer sur ses besoins pour mieux lui permettre de jouer un rôle prépondérant dans le monde collectif. C’est dans cette optique que je publiais la traduction et l’adaptation de mon dernier billet de blogue la semaine dernière : oui l’effet enseignant est documenté et central dans l’apprentissage estudiantin, mais il y a lieu de comprendre que l’effet enseignant peut être très limité si l’élève n’est pas motivé, mobilisé, intéressé par ce même enseignant.

La mission de tout système d’éducation occidental est de comprendre ce monde interne avec les talents propres à chaque élève pour ensuite contribuer à les développer dans le monde externe pour que chacun puisse aspirer à y laisser sa marque. Ce que l’on vise est que ce monde externe devienne celui de l’apprenant et que les deux mondes puissent évoluer en symbiose et en complète interdépendance.

Heureusement, il y a ces affordances qui émergent par elles-mêmes dans de plus en plus de milieux scolaires. C’est pour cela que plusieurs parlent de , de mobilisation et c’est précisément pour cette raison que ces professionnels de l’éducation, en toute lucidité, dénoncent les élèves fantômes qui sont malheureusement légion dans les classes. Des jeunes qui prennent possession de leur propre démarche d’apprentissage sont ceux qui sentent judicieusement qu’ils ont un rôle à jouer dans leur propre éducation. Ils sont responsables, autonomes, allumés, motivés et mobilisés et lorsqu’une école permet l’émergence de ces sentiments, il s’éloigne de facto du modèle manufacturier qui est imposé par la force des choses.

La lumière au bout du tunnel est là. Les écoles ne sont pas toutes des manufactures même si nos comportements, attitudes et conceptions nous laissent croire le contraire.

Demain, deuxième partie : En finir avec le grand psychodrame de l’éducation.

L’enseignant n’est pas le facteur le plus important lorsqu’il est question d’apprentissage!

Rich

On a souvent dit que l’enseignant était le facteur-clé favorisant l’apprentissage. Cette maxime a acquis ses lettres de noblesse grâce à la diffusion de ce que John Hattie a appelé l’effet enseignant. Or, le texte de , publié cette semaine, nous ramène sur Terre : lorsqu’il est question d’apprentissage, l’enseignant n’en est pas le facteur-clé. C’est plutôt l’élève qui l’est. Traduction et adaptation d’un texte-choc, avec des idées novatrices qui détonnent avec plusieurs conceptions de ce que doit être un milieu scolaire en Occident.

Si la réponse à l’une des questions suivantes est non, même les meilleurs enseignants trouveront leur travail difficile :

1. Est-ce que l’élève est intéressé par le sujet ?

2. Est-ce que l’élève veut apprendre sur le sujet ?

3. Est-ce que le style et les stratégies d’enseignement sont compatibles avec le style et les stratégies d’apprentissage des élèves ?

4. Est-ce que l’élève est disposé physiquement et mentalement à apprendre sur le sujet ?

5. Est-ce que l’élève possède les compétences langagières pour apprendre sur le sujet ?

6. Est-ce que la dynamique familiale influe négativement sur le sujet à apprendre ?

7. Est-ce que l’élève vit au-dessus du seuil de pauvreté ?

8. Est-ce que l’élève est en santé ?

Lorsque nous évitons de nous poser ces questions lorsque nous établissons nos stratégies et approches pédagogiques, nous manquons à notre mission.

Si nous étions honnêtes et abordions notre pratique enseignante dans l’intérêt principal de l’élève, nous centrerions notre pratique sur l’élève pour enfin espérer de voir l’apprentissage prendre son envol via le niveau d’activité de l’élève :

Nous cesserions de … Pour commencer à … Le résultat serait …
D’imposer ce qui doit intéresser l’élève. Demander à nos élèves ce qui les intéresse. Nous en apprendrions davantage sur les passions de nos élèves et saurions les inclure dans nos stratégies d’enseignement.
Dicter ce que l’élève doit apprendre. Développer une offre de cours basée sur leurs intérêts. Nos cours deviendraient attirants et motivants pour nos élèves.
Assigner les enseignants aux élèves. Mobiliser les élèves dans leurs choix d’enseignants. La réputation des enseignants jouerait un rôle important et ces derniers y seraient conscientisés. Les élèves auraient un réel pouvoir de choix.
Baser la scolarité sur l’âge chronologique. Baser la scolarité sur le développement cognitif de l’élève. Le cheminement serait basé sur l’élève et où il est réellement rendu dans son développement intellectuel et physique.
Enseigner dans un langage mal maitrisé par un élève. Offrir les clés de compréhension dans un langage compris par l’élève alors qu’ils apprennent un nouveau langage. Le matériel scolaire serait accessible dans plusieurs langues et des efforts seraient faits pour diminuer les barrières linguistiques.
Considérer que tous les élèves viennent de milieux familiaux homogènes. Valoriser l’hétérogénéité de la clientèle étudiante jusque dans les approches pédagogiques. Supporter l’élève en s’assurant que ses besoins primaires sont comblés.
Prétendre que la pauvreté n’a aucun lien avec l’apprentissage. Reconnaitre la pauvreté comme étant un obstacle à l’apprentissage et adopter des mesures d’adaptations dans la pédagogie pour les amenuiser. Diminuer l’impact de la pauvreté sur l’apprentissage.
Accepter des enfants malades dans nos classes. Voir au bien-être physique de l’élève et le référer au bon endroit, lorsque nécessaire. Éviter la contagion et permettre l’accès aux meilleurs services de santé pour les élèves. Permettre que l’apprentissage soit réalisé dans des conditions optimales.

Il n’est aucunement question de limiter le rôle de l’enseignant ou de diminuer son incidence dans la vie scolaire de l’apprenant. Au contraire, le fait d’amplifier la voix de l’élève dans sa propre démarche d’apprentissage ne se fait pas par opposition au rôle de l’enseignant. L’apprentissage, pour être réalisé, doit être consensuel et volontaire. Éduquer contre le gré de l’apprenant ne donne pas de bons résultats. En écoutant la voix de nos élèves, nous contribuons à leur offrir un milieu démocratique et ouvert sur leur réalité.

Texte original : http://theinnovativeeducator.blogspot.ca/2015/11/the-teacher-is-not-most-important.html

Auteur original :

Huit choses désormais inacceptables en éducation

Nos listes de favoris dans Twitter recèlent parfois de belles trouvailles. En épluchant la mienne, j’ai retrouvé ce texte de Justin Tarte datant d’il y a trois ans. Je le traduis et adapte selon mes conceptions avec sa permission.

1. On ne peut accepter que les choses que l’on a faites dans le passé soient les seules choses que nous devons faire dans le futur. Évidemment, changer simplement pour changer n’est pas mieux, mais nous ne pouvons ignorer les transformations sociales qui ont lieu autour de notre classe. Il doit y avoir un changement équivalent en éducation.

2. On ne peut se contraindre à enseigner uniquement un programme. Il faut différencier nos approches et comprendre que les besoins de l’élève sont d’abord et avant tout relationnels avant d’être liés directement à l’apprentissage d’une matière. On ne peut ignorer les facteurs externes à nos classes qui jouent un rôle prépondérant en éducation.

3. On ne peut accepter de s’isoler pour travailler en silos. Désormais, travailler isolé est un choix. Un mauvais choix. Le monde est riche en opportunités de collaboration et, plus que jamais, nous sommes de meilleurs enseignants lorsque nous participons activement à une communauté de partage d’expériences professionnelles.

4. On ne peut accepter que les contenus et connaissances disciplinaires aient préséance sur le lien à entretenir avec nos élèves. Il y a fort à parier que si ces derniers ne s’intéressent pas à nous en tant qu’individus, ils ne s’intéresseront pas à la matière que nous enseignons. Ainsi va la réalité émotive sous-jacente à toute démarche d’apprentissage !

5. On ne peut tolérer la croyance que l’intégration des TIC à la pédagogie est facultative. En tant qu’individus, nous avons toujours le choix de refuser de reconnaitre l’apport de ces technologies dans nos vies, mais importer cette attitude dans nos pratiques prive littéralement nos élèves d’expériences formatrices, de collaborations fructueuses et d’ouverture d’esprit potentielle.

6. On ne peut considérer une classe comme une entité indépendante, enclavée entre quatre murs. L’apprentissage ne peut se confiner à un espace aussi restreint. Il ne peut être considéré comme étant la somme des connaissances reçue d’un seul individu, en l’occurrence l’enseignant. Les perspectives d’apprentissage nous entourent et il faut abattre les murs pour ainsi aller les saisir.

7. Il faut cesser de croire que nos élèves sont contre-performants et de moins en moins autonomes. Il s’agit plutôt d’un manque d’opportunités à saisir pour les élèves qui se développent dans un environnement aseptisé et contrôlé de façon rigide par les enseignants et les parents.

8. On ne peut accepter que tous les éducateurs impliqués dans les démarches d’apprentissages des élèves ne se sentent ni concernés, ni responsables des déboires du système d’éducation. Nous en sommes les acteurs principaux et nous devons en faire un lieu privilégié, à l’avant-garde de tout mouvement social. Tout ce qui y arrive de bien, comme de mal, est le résultat de nos actions.

Texte original : 8 things we can’t accept in education

Auteur original :

Comment aborder la question de l’échec en éducation?

La fin de la première étape de l’année scolaire est arrivée. Peut-être que certains résultats scolaires sont inférieurs à vos attentes ? Qu’est-ce que cela signifie pour l’élève, le parent et l’enseignant ? Je me souviens d’avoir pris la peine lors d’une soirée de remise de diplômes en juin, de souligner l’importance de l’échec dans la réussite. Quel malaise ! C’était peut-être maladroit de ma part de souligner cela alors qu’on rend hommage au succès scolaire, mais cela m’aura démontré qu’il existe un véritable tabou lorsqu’il est question de la place de l’échec en éducation.

Pour les élèves

Les élèves ne sont pas habitués à échouer. Les éducateurs, quels qu’ils soient, ont la fâcheuse habitude d’aplanir les difficultés potentielles de leurs élèves. Et lorsqu’ils ne le font pas ou si les élèves échouent en dépit de tous ces efforts concertés, c’est le drame. Les élèves ne sont tout simplement pas outillés pour faire face à des situations d’échec.

Pourtant, dans le cadre d’une démarche d’apprentissage, l’échec est incontournable, voire souhaitable. Dans les faits, il s’agit d’une forme ultime de rétroaction qui indique clairement dans quelle direction s’aligne la démarche d’apprentissage. C’est un message qui est lancé à l’élève et qui l’informe sur divers facteurs contribuant à ladite démarche : qualité du travail accompli, niveau de compréhension, capacité à transférer et mobiliser les acquis dans des contextes différents, temps consacré à l’étude, investissement général dans ses propres activités scolaires, éthique et organisation du travail, etc.

Sans nécessairement prétendre que les échecs mènent directement aux réussites, il y a cependant lieu d’affirmer que tous les petits échecs doivent mener à de grandes réussites. Et il faut réussir là où ça compte. D’où l’organisation de la pondération 20-20-60 dans les bulletins uniques au Québec. Une année scolaire, c’est long et cela donne amplement de temps aux élèves pour persévérer à travers leurs difficultés qui, après un certain recul, finissent très souvent par être de simples écueils ponctuels.

Le véritable échec pour l’élève est donc de ne tirer aucune leçon de son expérience en n’apportant aucune modification à sa démarche. Dans ces cas-ci, les élèves s’affichent bien souvent comme des victimes et ont tendance à attribuer la responsabilité à autrui pour leurs propres difficultés. Lorsqu’on refuse de se responsabiliser face à ces situations inconfortables, il est peu probable d’en tirer quoi que ce soit de constructif.

Pour les parents

Le lien affectif est difficile à outrepasser. Ce n’est pas une mince tâche de s’en affranchir ! Comme pour l’élève, le parent doit comprendre qu’un échec est en fait une rétroaction qui indique, à un moment précis, l’état du déroulement d’une démarche qui se déroule au total sur 10 mois. Pour faire face à cette situation, outre l’affranchissement de la sphère émotive, deux ingrédients sont incontournables pour permettre à l’enfant de mieux vivre cette situation d’échec. D’une part, il y a lieu de voir avec l’enfant où cela a-t-il accroché et quels sont les rajustements qui doivent être apportés. Il faudra donc voir, avec le jeune, à ce que ces derniers soient effectivement apportés. Également, il faut faire confiance à l’enseignant. Tout comme soutenir l’élève est important, soutenir l’enseignant l’est aussi. Si le parent blâme l’enseignant, s’il conteste son autorité, sa crédibilité ou sa compétence, c’est le début d’autres problèmes à vivre, lesquels seront basés sur une déresponsabilisation du rôle de l’élève et du parent dans cette même démarche.

Pour un complément d’information sur le rôle du parent, consultez mon article publié dans Le Devoir.

Pour les enseignants 

De toute évidence, le premier rôle de l’enseignant est de mettre l’élève en confiance en dédramatisant l’échec. Les enseignants sont des modèles académiques; eux aussi ont déjà échoué, non ? Il y a certainement de la sensibilisation à faire à cet égard.

La majorité des réactions négatives de la part des élèves ou des parents est due à une mauvaise communication ou à des lacunes dans sa planification. Effectivement, il est primordial d’éviter les surprises en prenant les devants en informant régulièrement les parents pour les avertir des difficultés des élèves. C’est d’ailleurs ce qui est exigé dans le Régime pédagogique (article 29.2). Le temps investi dans une bonne communication sera du temps épargné dans la gestion des déceptions ou des colères de certains parents.

L’échec d’un élève est aussi, du moins en partie, celui des éducateurs en milieu scolaire, principalement celui des enseignants. Il y a quelque chose qui ne s’est pas bien déroulé dans la séquence pédagogique. Les stratégies étaient-elles à point ? Les élèves étaient-ils suffisamment préparés ? À défaut d’être présents physiquement, les élèves le sont-ils mentalement ? Les échecs sont également une rétroaction pour les enseignants et expriment comment évoluent les apprentissages étudiants. C’est un coup de sonde qui permet d’apporter les modifications nécessaires à la séquence pédagogique pour ainsi s’adapter aux élèves.

La pédagogie de blocs de béton

Les enseignants qui maintiennent le cap, en dépit des difficultés des élèves, exposent au grand jour leur manque d’imagination, de créativité et leur incapacité à s’adapter à leurs élèves. Ils sont visiblement axés sur le contenu et espèrent que les élèves sauront s’ajuster à leurs stratégies pédagogiques alors qu’en fait, ce sont eux qui doivent s’adapter à ces derniers.

Inflexibles, ils continuent à enseigner des blocs de contenus qui s’accumulent les uns sur les autres sans se préoccuper si la base est toutefois assez solide pour tout supporter. De plus, les élèves ont la responsabilité de trouver la bonne recette de mortier pour tout faire tenir ensemble. Voilà ce qu’est la pédagogie de blocs de béton. Au lieu de permettre à l’élève de déconstruire la structure fautive ou instable, au nom de l’urgence du programme, on continue à empiler les contenus, blocs sur blocs. Et quand tout tombe, ce qui arrive plutôt souvent, l’élève se sent bien seul au milieu de son propre champ de ruines alors que l’enseignant, lui, continue à enseigner pour passer sa matière.

Les arguments cités expliquant les échecs sont, les plus souvent, ceux-ci :

  • Les élèves sont plus faibles que ces dernières années;
  • Je dois passer la matière;
  • Je suis pressé par un examen ministériel.

De plus, bien souvent, ces enseignants passent un temps appréciable à comparer les résultats actuels de leurs élèves avec ceux de l’an dernier pour se déresponsabiliser de ces difficultés. Bref, au lieu d’investir temps et énergies dans diverses justifications, pourquoi ne pas investir ce même temps et ces mêmes énergies dans de nouvelles façons d’aller rejoindre les élèves ?

En conclusion, l’échec fait peur aux enseignants aussi. Bien peu ont l’humilité d’afficher leur vulnérabilité pédagogique. Pourtant, s’ils n’éprouvent pas de peur ou d’anxiété à l’idée d’essayer quelque chose de nouveau en classe, c’est que cela ne vaut probablement pas la peine d’être réalisé. Également, s’ils ne se sentent pas défiés dans leur pratique enseignante, probablement qu’ils ne la changeront jamais. Plus que jamais, le succès d’un enseignant réside dans l’audace pédagogique.

La bonne direction

Toujours dans la série des bonnes pratiques en éducation, après le bon prof et le bon conseiller pédagogique, pourquoi ne pas poursuivre cette réflexion en déterminant ce qu’est le bon directeur d’école ?

Un simple gestionnaire ?

Dans un premier temps, toute une section de la Loi sur l’instruction publique est consacrée à la nomination et aux tâches de la direction d’école (voir l’article 96.8). Sommairement, cette dernière est responsable de l’ensemble des services éducatifs offerts à son école. Cela inclut donc l’aspect de la vie scolaire et celui de la pédagogie qui sont à gérer au quotidien. Également, tout l’aspect de la gestion administrative incombe à cette direction : cela inclut les ressources humaines, financières et tout l’aspect communication entre les partenaires gravitant autour de l’école : parents, enseignants, service de garde, fournisseurs, etc.

Nous entendons souvent dire que ce dernier volet occupe la majorité du temps de la direction d’établissement scolaire au sens où les tâches administratives semblent dicter l’allure de la journée de ce cadre scolaire. Malheureusement, l’individu qui se prend dans les filets bureaucratiques de l’école passe outre la mission qui lui est confiée puisqu’il existe une énorme différence entre la direction d’une l’école et son administration. Celui qui l’administre pourrait être associé à un gérant. Bien évidemment, la gérance fait partie de la tâche de direction. Toutefois, le directeur (ou la directrice) a une tâche beaucoup plus large, soit celle de donner une direction à tous les services énumérés précédemment afin qu’ils évoluent dans un seul et unique but : permettre le bon déroulement de la démarche éducative de l’élève.

La direction scolaire est donc un catalyseur en milieu scolaire. Et pour justement donner une direction, un ingrédient demeure incontournable : le leadership, concept qui pourrait être défini sommairement comme étant l’art d’amener des personnes à accomplir une tâche de façon volontaire. Ainsi, pour mener ses troupes, le leader doit être crédible, cohérent et persuasif. Effectivement, le leadership, s’il s’est déjà appuyé sur la contrainte ou la peur à une lointaine époque, il se définit aujourd’hui par la nécessité d’expliquer, d’écouter, convaincre, démontrer, argumenter, répéter, mobiliser, etc., pour ensuite tout recommencer. Bref, il y a un élément de ténacité dans le leadership contemporain ! Ou d’opiniâtreté… c’est selon ! Lorsqu’on suit un leader, on suit un modèle qui représente un idéal et qui inspire confiance et sécurité. Cela n’est pas à négliger.

Innover

La direction d’école instille le goût du dépassement et de l’innovation. Elle est à la tête de toute une démarche créative où, par sa capacité à penser à l’extérieur de la boite, elle incite ses enseignants (et les élèves) à adopter la même attitude. Elle sait proposer de nouvelles façons de faire et surtout, de nouvelles façons de gérer son école, ses élèves et les adultes qui y sont impliqués.

Cet élan créatif permet à l’école de se distinguer des autres, et ce, qu’elles soient voisines ou non, qu’elles soient publiques ou non. Cela permet l’édification d’une institution d’enseignement unique qui fait la fierté et suscite l’adhésion de toute la communauté scolaire. Une institution qui détonne des autres par ses projets, ses approches et par le lien que ses intervenants entretiennent avec l’élève et sa démarche d’apprentissage.

Toujours par rapport à la créativité en gestion de l’éducation, il faut bien comprendre que pour espérer avoir les résultats qui n’ont jamais été obtenus dans un milieu scolaire, il faut oser faire ce qui n’a jamais été fait. D’ailleurs, faire ce qui n’a jamais été fait implique sortir des sentiers battus et trouver de nouvelles idées au lieu d’adopter une posture de recyclage des idées.

Le réseau

Si le réseau est d’une importance capitale pour le développement des pratiques enseignantes, il va sans dire qu’il en est de même pour le cadre scolaire. La complexité grandissante des rapports humains impliquant de plus en plus d’intervenants à la fois (parents séparés, nouveaux conjoints, professionnels de la santé, de l’éducation, grands-parents, etc.) ou mettant en relief l’importance des enjeux légaux omniprésents nécessite sa participation à une communauté de partage d’expérience, voire de mentorat, afin d’obtenir des avis différents sur des dossiers précis et ainsi bien saisir toutes les dimensions des problématiques à aborder.

Dans les sphères les plus rapprochées de ce réseau, donc au sein de la communauté scolaire élargie, il est important de créer une culture de la collaboration pour responsabiliser tous ces gens qui travaillent ensemble. Une fois cette responsabilisation établie, le rôle de la direction d’école devient futile, voire superflu. D’ailleurs, il s’agit d’un bon indice de réussite d’une pratique gagnante en administration scolaire ; la direction est membre à part entière d’un projet sans avoir à en diriger les travaux ! L’humilité d’accepter de laisser le plancher aux autres acteurs et leur permettre de croitre sous le projecteur demeure une qualité indéniable pour le directeur ou la directrice d’un établissement scolaire. Mieux, ces professionnels doivent éprouver un plaisir plus grand à voir les autres membres de la communauté scolaire assumer leur leadership plutôt que de voir à tout prix à implanter le leur.

Ce qui est fantastique avec cette futilité et ce superflu, c’est que désormais, du temps se libère pour travailler à d’autres dossiers qui requièrent la mobilisation d’aptitudes créatrices pour relancer ce cercle vertueux qui est à la base de l’innovation en éducation !

NB : Je sais que selon la nouvelle orthographe, le mot Leadership devrait être écrit Leadeurship. J’ai volontairement laissé le terme dans sa forme empruntée de l’anglais. Je suis incapable, pour l’instant, d’utiliser cette forme rectifiée, mais je chemine… Idem pour les mots Chefferie et Ascendant qui sont aussi suggérés. Je trouve que ces mots n’expriment pas bien ce qu’est vraiment le leadership.

Le paradigme perdu

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Le constat est puissant : nous partons d’un monde de rareté (pour ne pas dire de pauvreté), en terme de ressources didactiques et pédagogiques, pour évoluer au milieu d’un monde d’abondance (pour ne pas dire de surabondance). À l’heure actuelle, les enseignants peuvent se fier à un puits sans fond de la genèse de la connaissance humaine depuis le début des temps. Simultanément, leurs élèves accèdent également à cette manne, grâce à une évidente démocratisation des savoirs. Les enseignants se sont habitués à cette rareté. Cependant, les élèves ont été élevés dans cette abondance. Du moins, c’est le constat que fait de la réalité contemporaine en éducation. Il en résulte une brèche opposant deux visions :

  1. Les habitudes pédagogiques des enseignants et les attentes de leurs élèves sont asynchrones. Ces derniers veulent avoir accès immédiatement et directement à l’information. L’école fait l’éloge de la lenteur et leur impose un certain ralenti principalement explicable par le décalage du milieu scolaire entier face aux changements technologiques animant la société.
  1. L’élève a accès à la somme des connaissances de l’humanité au bout de ses doigts ou dans ses poches alors que son enseignant et son manuel scolaire proposent un modèle de limitation des connaissances. C’est le modèle humain qui affronte le modèle internet, une « machine » qui est formée des savoirs de tous les humains.

C’est, en fait, des générations de jeunes plongés dans l’accessibilité et qui veulent être formés pour les défis des prochaines décennies qui s’opposent à des générations d’enseignants formés par un modèle scolaire datant, principalement, du Rapport Parent des années 60.

Le paradigme perdu

Le monde de l’éducation occidental en est un qui lutte pour sa survie de son modèle. Lorsqu’il y a des dysfonctions, on s’évertue à réparer le modèle. On le rénove ou on le bonifie au lieu de simplement le changer en adoptant un nouveau paradigme. Voici trois postulats (parmi plusieurs autres) qui sont à la base du changement de paradigme en éducation:

  1. L’information est ubiquiste. Pourtant, l’école, c’est la seule place où les jeunes ne peuvent amener l’outil TIC pour aller la chercher. Les téléphones intelligents contiennent une encyclopédie des connaissances mondiales. Quel paradoxe ! Nous préparons les jeunes au monde du travail où on encourage l’accès aux meilleures technologies pour réaliser leurs tâches quotidiennes alors que nous les brimons dans l’utilisation de la même technologie. Et nous nous vantons de préparer nos jeunes au marché du travail ? Vraiment ? L’école orientante québécoise vient d’en prendre pour son rhume !
  1. L’éducation, l’enseignement et la pédagogie ne sont plus soumis au monopole de l’école. Les nouvelles plateformes pullulent : MOOC, médias sociaux, ChallengeU, etc. Nous sommes à l’ère de ce que l’on appelle désormais le knowledge just in time. Cette éducation ergonomique s’accomplit en se modelant à l’emploi du temps de l’élève, au moment où il le désire, à l’endroit qu’il choisit : dans le transport scolaire, entre deux matchs de hockey, chez un ami. Les possibilités sont immenses, pourvu qu’internet soit disponible. Encore une fois, la portabilité des appareils de communication personnels branchés en permanence sur les ondes de données cellulaires simplifie l’opération.
  1. Bien que l’école ne détienne plus le monopole de l’enseignement et de l’éducation, il n’en demeure pas moins qu’il s’agit d’un milieu qui a le potentiel évident de faciliter la démarche éducative dans sa globalité. En fait, le réseautage scolaire ou extrascolaire est la nouvelle salle de classe. Cela est l’apprentissage collaboratif et coopératif à l’échelle planétaire. Rien de moins. Pourtant, il existe encore un indéniable paradoxe : nos classes empêchent le réseautage et l’ouverture sur le monde en focalisant l’attention autour d’un enseignant qui se cantonne trop souvent dans ses stratégies pédagogiques désuètes. Pourtant, à l’heure des médias sociaux et des forums de discussion, les conditions gagnantes sont réunies pour encourager les échanges et la correspondance entre les élèves de divers milieux ou différents intervenants qui gravitent autour de l’école afin d’offrir une offre de services éducatifs éclatée, originale et totalement éducative. Le tout, sous la houlette bienveillante de l’enseignant.

Force est d’admettre que sous peu, nous n’aurons plus besoin des écoles pour instruire nos élèves. L’école demeure irremplaçable pour les éduquer et les socialiser, mais pas pour les instruire et les éduquer. D’où l’importance d’adopter un nouveau paradigme qui resitue le rôle de l’école, donc des enseignants, au lieu de perdurer à en prolonger indument la durée de vie.

Le monde de l’éducation dans sa totalité doit se décentrer pour s’ouvrir à la réalité des jeunes qui, pour leur part, doivent s’ouvrir aux défis mondiaux du 21e siècle. Malheureusement, force est d’admettre que ce système tente plutôt de faire perdurer un modèle vieillot et dépassé. Pendant ce temps, le taux de décrochage demeure alarmant et les jeunes se désinvestissent de plus en plus de leur milieu scolaire et de leurs études.

Deuil

Comment expliquer que plusieurs enseignants ne se sentent pas interpelés par rapport aux changements mondiaux qui se répercutent dans leurs classes. Pourquoi ces derniers sont-ils anxieux ou ressentent-ils de la colère ? Principalement parce qu’ils ont passé plusieurs décennies à travailler pour devenir compétents dans un système qui les définissait d’une façon donnée. Et là, soudainement, il faut tout changer. Il y a perte de repères et, fort probablement aussi, l’estime professionnelle de l’enseignant est affectée. Il s’emploie donc à tenter de préserver ses acquis au lieu de les redéfinir. Donc, certains enseignants sont endeuillés !

Elizabeth Kübler-Ross est une psychiatre et psychologue helvético-américaine qui a travaillé auprès de patients à l’article de la mort. Cette dernière s’est intéressée à la façon dont les individus gèrent l’annonce de leur mort imminente et elle a ainsi développé une série de stades que ces derniers traversent. La pertinence des travaux de Kübler-Ross (1985) s’intègre à la gestion du changement en milieu institutionnel, car l’annonce d’une mort prochaine est considérée comme étant le changement ultime. En fait, cette théorie a été reprise dans une panoplie de champs d’études humains, entre autres en coaching et en analyse managériale.

Le processus de gestion du changement par un individu, peu importe la circonstance, suit une séquence prévisible, mais qui se manifeste de différentes façons. Voici ce qui est aussi appelé les cinq étapes du deuil :

  • La négation  (choc initial);
  • La colère et la peur ;
  • Le marchandage ;
  • Le lâcher-prise ;
  • Le dépassement.

Car un deuil est bel et bien présent et il peut être paralysant, causant, dans une certaine mesure, un immobilisme en éducation? Ces endeuillés, comme l’explique , blogueur et coordonnateur du CADRE 21, .

Mais à travers ces analyses, questionnements, préoccupations, réactions émotives, etc., une chose demeure. La complainte de cette périlleuse incertitude créée par un temps de tourmente en exaspère plusieurs aujourd’hui, mais ce même moment les fera bien rire dans quelques mois ou quelques années et souvent, ces derniers relativiseront l’ampleur du changement en soulignant d’eux-mêmes que leur réaction était disproportionnée face à la modification apportée à l’organisation de leur travail.

La coévolution

Les intervenants en milieu scolaire doivent apprendre à développer une attitude réflexive face à leur propre réaction face au changement afin de demeurer dans une perception objective de la situation en évacuant l’aspect émotif de ces réactions aux situations de changement. Bien évidemment, il s’agit ici d’un long apprentissage chez les humains qui n’arrivera jamais à terme. Néanmoins, cette attitude réflexive permettra le développement d’une perspective de détachement métacognitif. En réalité, ne sommes-nous pas des humains en constante mutation.

Or, parallèlement à cette évolution humaine, il ne faut pas négliger l’aspect évolutif de l’institution elle-même qui doit faire le même exercice réflexif que ses employés. Elle doit voir à sa démarche stratégique et à son mode de communication avec les membres de son organisation. C’est le principe de l’organisation apprenante qui se place en situation de coévolution. Ainsi, dans le but de coévoluer, cette organisation oriente sa démarche de changement en tenant compte, non seulement des enjeux qui justifient ses nouvelles orientations, mais aussi :

  • Des acteurs variés : parents, élèves, enseignants, personnel de soutien, cadres, etc.;
  • De son environnement immédiat et des défis régionaux;
  • De la création de conditions récursives de génération d’idées et expériences novatrices;
  • De la nécessité de susciter des conditions optimales d’apprentissage de toute sorte pour ses acteurs.

Les enseignants d’aujourd’hui sont des co-apprenants. Ils expérimentent, ils créent. Ils ne sont plus des spécialistes d’un sujet. Google en saura toujours plus qu’eux et même, tristement, ce logiciel demeure plus accessible que certains enseignants…

Tous doivent devenir des apprenants et accepter cette réalité. Avant d’être enseignant, on est d’abord et avant tout apprenant.

Nous devons être des agents de changement. C’est notre travail, c’est notre vocation.

En complément de lecture, je suggère le , ainsi que le livre Le changement en milieu scolaire québécois.

Le concurrent

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Le milieu scolaire rebute souvent la compétition sous toutes ses formes. Il ne faut pas mettre les élèves en compétition ni académiquement ni sportivement. C’est une vision des choses qui se défend. Mais en son sein, l’éducation occidentale doit revoir le lien qu’elle entretient avec la notion de compétition.

Le monopole scolaire

Le monde de l’éducation n’a jamais été réellement en concurrence. Effectivement, la loi sur l’Instruction publique québécoise inclut une obligation de fréquentation scolaire jusqu’à l’âge de seize ans. Les élèves sont obligés de s’assoir dans nos classes pour la durée de leur parcours primaire et une bonne partie de leur parcours secondaire. Ils n’ont aucun contrôle : le temps est contrôlé par des cloches, le programme est imposé par le ministère, l’espace est contenu entre quatre murs et les stratégies pédagogiques, incluant l’évaluation, sont déterminées par l’enseignant. Le rôle de l’élève est de se présenter en classe et d’écouter ou assimiler ce qu’on lui impose.

Bien qu’on ne puisse traiter de l’école comme étant une entreprise au même titre que divers commerces, il n’en demeure pas moins que cette dernière jouit d’une situation de monopole forçant une clientèle à consommer ses services éducatifs. Le milieu scolaire est l’un de ces très rares marchés qui se soucient peu des attentes de sa clientèle pour subsister.

Il ne faut pas chercher très loin pour comprendre que, malgré tous les gouvernements qui se sont succédé, le taux de décrochage demeure astronomique. Le problème est endémique et systémique; il s’incarne au quotidien, dans les écoles.

La crainte de la compétition

En éducation, on aime faire les choses à sa façon et cette façon ne doit pas être remise en question. Pas même par l’enseignant lui-même. De plus, les choses doivent se faire discrètement pour éviter de déranger l’ordre établi.

Soyons honnêtes ! La compétition n’a jamais été bien vue dans le monde de l’éducation. Les établissements d’enseignement privés sont souvent identifiés comme étant des compétiteurs déloyaux au réseau public. Dans le cadre d’une baisse démographique marquée, nous pourrions même dire que les écoles publiques comme privées entrent elles-mêmes en compétition.

Également, la compétition entre les enseignants est mal vue. Par exemple, lorsqu’un enseignant est ouvertement apprécié par ses élèves ou les parents de ces derniers, il dérange ses collègues. L’enseignant populaire importune, car lorsqu’il brille, soit qu’il aveugle les autres ou que ces derniers craignent de manquer de lumière. Dans une profession où les revendications enseignantes gravitent autour du besoin de reconnaissance, il faut bien faire attention pour ne pas trop reconnaître, féliciter, renforcer, émuler ou louanger pour éviter de susciter une certaine jalousie alimentée par une perception que les enseignants qui se démarquent sont une menace au commun des intervenants d’une école.

Cette attitude face à la compétition issue du milieu scolaire est pour le moins inquiétante, surtout considérant qu’il doit former des travailleurs qui évolueront dans un milieu professionnel fortement compétitif !

Le concurrent

Au moins, jadis, entre les quatre murs de la classe et derrière une porte close, le maître pouvait échapper à cette potentielle rivalité des écoles entre elles ou de cette supposée compétition entre les intervenants du milieu. Mais la réalité contemporaine de l’école du 21e siècle détruit ce havre prétendu. Il abaisse les murs et décloisonne les classes. Le libre accès à la somme des connaissances du monde depuis la nuit des temps tient finalement au creux de la main. Voilà le nouveau concurrent : celui qui redéfinit la pratique enseignante et qui force le changement. Deux réactions sont possibles :

  1. Le changement est embrassé, intégré. Les enseignants changent leurs pratiques, quittent leur traditionnelle tribune pour travailler auprès des élèves dans leur classe. Ils adoptent de nouvelles postures pédagogiques et intègrent les TIC dans leur enseignement lorsque nécessaire et modifient leurs approches en tout temps selon les besoins de leur clientèle étudiante hétérogène.
  2. On tente de faire abstraction de ces changements et on s’isole. On tente de rebâtir les cloisons nouvellement abaissées pour mieux travailler auprès d’une clientèle que l’on considère homogène.

Dans ce premier cas, il est important de spécifier que cela peut se faire à différents rythmes. Il ne faut très certainement tout changer du jour au lendemain, mais, en parallèle, il est important de demeurer en mouvement et dans un état d’éveil, de vigilance.

Dans ce deuxième cas, inutile de préciser que travailler à contre-courant pour tenter de rénover un paradigme qui s’est grandement effrité depuis des décennies doit être une tâche ardue et exigeante. Surtout compte tenu du fait que cette fastidieuse tâche s’ajoute à celle déjà lourde de l’enseignement au quotidien !

Il y a toujours deux façons de voir les choses. Quand l’enseignant s’estime en concurrence contre, par exemple, Google et qu’il refuse fondamentalement de le considérer comme un outil à son service qui pourrait faciliter son travail d’instruction, il y a un problème. Google n’est pas notre maitre à tous. L’humain l’a créé pour son propre bénéfice ! Et cette machine virtuelle peut être utilisée pour raffermir les liens entre les humains. Car au-delà de l’instruction, il y a l’éducation et ceux qui continuent à lutter pour maintenir ce monopole de la diffusion des connaissances à leurs élèves distinguent peut-être mal les nobles visées d’un système éducatif.

Ainsi, les technologies permettent de libéraliser l’accès à l’information. Cela implique une mutation du rôle de l’enseignant qui peut investir davantage de temps dans la pédagogie plutôt que dans la simple diffusion de contenus disciplinaires. On aurait peut-être eu du mal à y croire il y a quelques années, mais les TIC révèlent les vraies qualités pédagogiques de l’enseignant.

Êtres de bons conseils

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Après les commentaires et suggestions reçus concernant mon dernier texte, pourquoi ne pas continuer l’exploration des bonnes pratiques professionnelles en l’éducation ? Dans cette optique, si nous souhaitons voir des enseignants s’épanouir, il leur faut des alliés qui saisissent bien la réalité dans laquelle ils enseignent. Voici donc où interviennent des êtres de bons conseils, les conseillers pédagogiques.

Le propre des conseillers pédagogiques est qu’ils combinent deux atouts importants et incontournables. D’une part, ils sont expérimentés dans leurs domaines respectifs alors que, d’autre part, ils ont le nez décollé de l’urgence qui accapare les enseignants au quotidien. C’est bien connu, les enseignants éprouvent des difficultés à se sortir la tête du tourbillon scolaire dans lequel ils sont plongés pour espérer s’investir dans une démarche de perfectionnement professionnel. Les conseillers comblent ce besoin en suggérant diverses formations pour permettre aux enseignants de continuer à faire évoluer leur pratique. C’est un peu le modèle clés en main de la pédagogie et de la formation continue sur mesure. Ces derniers doivent donc s’ajuster aux impératifs enseignants en plus de faire obligatoirement preuve de flexibilité s’ils espèrent mener à bien leur tâche.

Justement, quelle est cette tâche ? En réalité, elle est difficile à cibler. Sommairement, en voici quatre éléments non exhaustifs :

  • Être un intermédiaire privilégié faisant le pont entre les pratiques professionnelles en enseignement et la recherche scientifique en éducation;
  • Demeurer à l’affût de nouveaux outils didactiques, technologiques ou non, qui conviennent à la pratique d’un enseignant donné;
  • Dispenser diverses formations, collectives ou individuelles, à des enseignants. C’est le retour de la différenciation pédagogique, mais cette fois-ci, au bénéfice direct de l’enseignant;
  • Être le répondant de la commission scolaire ou de l’école dans un champ de spécialisation donné.

Il s’agit donc d’effectuer une certaine veille de ce qui se fait dans le monde de la pédagogie et de la technologie, dans un champ particulier et tout en étant en mesure d’adapter le tout pour un réinvestissement rapide dans les pratiques enseignantes.

Le bon conseil

Pour être de bon conseil, ces professionnels de l’éducation doivent être curieux et avant-gardistes. Ils ne peuvent se permettre d’être à la remorque des pratiques professionnelles émergentes. Ils doivent défricher ce qui se fait en consolidant leur réseau de collaboration réel et virtuel. À propos du réseau, le bon conseiller sait le mettre à profit de trois façons principales : en l’utilisant comme outil de veille pédagogique, en lui acheminant des questions précises et en le mettant au service de l’enseignant. Bref, le réseau du conseiller pédagogique est évolutif et inclusif, car il y a toujours une place pour les enseignants pour s’y greffer. Autrement dit, la pratique professionnelle du conseiller s’inscrit dans le réticulaire et non dans le linéaire. Tout est dans le réseau; l’information est là, ubiquiste, et elle ne demande qu’à être saisie.

Le bon conseil implique un aspect d’accessibilité. En effet, les conseils étant inutiles, voire inexistants, s’ils ne sont pas transmis et partagés. L’aspect relationnel est indissociable d’une bonne pratique et il dépasse la simple question de la vulgarisation de contenu. Au-delà de la disponibilité pour les enseignants, ceux que l’on surnomme affectueusement les CP savent créer un climat de confiance auprès de ceux qu’ils soutiennent.

Délinquance pédagogique et effet multiplicateur

Curieusement, ceux-là mêmes qui sèment le chaos pédagogique dans les têtes des enseignants sont ceux qui permettront à ces derniers d’organiser leurs approches pédagogiques. Les bons conseillers pédagogiques sont donc des délinquants de la pédagogie et ceux qui dérangent la quiétude et le confort des pratiques professionnelles en éducation. N’obéissant aucunement à loi de la gravitation, ils permettent à leurs enseignants de s’élever pour prendre leur envol professionnel en visitant d’autres cieux que ceux déjà explorés. Ils ne sont pas seulement des êtres créatifs et des explorateurs : ils sont les guides de l’inconnu et de la découverte. Leur seule présence rassure.

Les conseillers pédagogiques sont, à l’heure actuelle, la courroie de transmission entre les pratiques enseignantes inscrites dans un quotidien scolaire surchargé et ce qui se fait dans les autres milieux, scolaires ou non. On parle donc d’une relation tripartite répartie entre le milieu scolaire conseillé, le reste du monde scolaire ou postsecondaire (incluant la recherche) et le reste du monde, lui aussi générateur de contenu pédagogique pertinent.

Ces êtres de bons conseils sont d’un naturel ouverts. Véritables prospecteurs des pratiques pédagogiques, ils sont des leaders naturels et crédibles que les enseignants ont le gout de suivre dans différentes aventures éducatives. Ils diffusent leurs découvertes et surtout leur passion; ils sont donc, dans bien des cas, des éléments catalyseurs permettant la naissance d’un effet positif qui sera multiplié et surmultiplié dans les milieux scolaires.

Engendrer le chainon manquant

Définitivement, les conseillers pédagogiques, une espèce presque en voie de disparition, sont des êtres de bons conseils ! Il est d’autant plus triste de constater que le contexte d’austérité fait de ces derniers les principaux émissaires d’une logique comptable d’un service qui n’a pas de prix. Bref, voir diminuer les effectifs de conseillance pédagogique équivaut à briser volontairement cette courroie de transmission ou de retirer sciemment un chainon à la maille du support à l’enseignement.

En complément à tout l’aspect mentorat lié à la conseillance pédagogique, je vous invite à lire mon texte rédigé en réaction à l’abolition de postes de CP en juin dernier.

 

Le bon prof

Qu’est-ce qu’un bon enseignant ? Voilà une question qui revient chaque minute de la vie scolaire. Que ce soit lors de discussions entre élèves, avec les parents ou entre amis, tous ont leur définition de ce qu’est un bon enseignant.

Les documents officiels

Pourtant, il n’existe que très peu de barèmes clairs de ce qui fait d’un enseignant, un bon prof. Si on se fie à la Loi sur l’instruction privée, l’article 22 prescrit clairement les obligations des enseignants :

Il est du devoir de l’enseignant:

1° de contribuer à la formation intellectuelle et au développement intégral de la personnalité de chaque élève qui lui est confié;

2° de collaborer à développer chez chaque élève qui lui est confié le goût d’apprendre;

3° de prendre les moyens appropriés pour aider à développer chez ses élèves le respect des droits de la personne;

4° d’agir d’une manière juste et impartiale dans ses relations avec ses élèves;

5° de prendre les mesures nécessaires pour promouvoir la qualité de la langue écrite et parlée;

6° de prendre des mesures appropriées qui lui permettent d’atteindre et de conserver un haut degré de compétence professionnelle;

6.1° de collaborer à la formation des futurs enseignants et à l’accompagnement des enseignants en début de carrière;

7° de respecter le projet éducatif de l’école.

On en conviendra, cela est bien peu lorsqu’il s’agit de déterminer, pour un parent ou un élève, s’ils interagissent avec un bon enseignant. Le Référentiel des douze compétences professionnelles enseignantes est beaucoup plus précis et fait l’objet d’un certain consensus au sein de la communauté éducative. Bien qu’il ne soit aucunement prescriptif, il fait néanmoins l’objet de fondement de plusieurs démarches de supervision pédagogique en milieu scolaire en plus du canevas de base des programmes de formation des maitres dans plusieurs universités québécoises. C’est un document très peu connu du grand public.

Un pédagogue, un modèle inspirant

Force est d’admettre que lorsque des parents ou élèves parlent d’un bon ou d’un mauvais enseignant, ils s’appuient sur des critères subjectifs. Ils identifient ces derniers en fonction de leurs propres valeurs ou vision de l’enseignement et ont recourt à leurs conceptions de ce qu’est ou devrait être l’éducation.

Dans les faits, comme le souligne David Solway dans son livre Le bon prof, nous avons parfois beaucoup à apprendre des mauvais professeurs. Ils nous aident à apprécier les bons et nous permettent de cerner quels comportements ou attitudes nous ne devrions pas adopter. Ces mauvais enseignants, toujours identifiés selon le schème de référence d’un individu, nous forcent à prendre conscience et à réfléchir à ce que nous ne voulons pas être.

Inversement, pour Solway, bien malheureusement, nous identifions les bons enseignants en fonction du fait qu’ils doivent tout d’abord transmettre ou faire connaitre une certaine « matière », cette matière que les professeurs aiment à rappeler qu’ils doivent « couvrir » en une période de temps donnée. On parle de passer de la matière au détriment de l’aspect pédagogique, soit celui du rendu, de la transmission de cette dite matière.

Les bons professeurs sont donc, sans exception, dotés de cet attribut delphique que nous appelons « la personnalité », ce qui peut expliquer pourquoi il sont si peu nombreux. Ces pédagogues d’exception, en plus de maitriser leur matière, ont une « présence », nimbés qu’ils sont d’une inexplicable force d’influence et d’adhésion. Ils déteignent sur nos personnalités (…).

Donc on peut en déduire que ce qui fait d’un enseignant un bon enseignant reste et demeure deux points. Primo, la maitrise de sa matière, ce qui permet d’instruire ses élèves. Secundo, sa personnalité joue un rôle primordial au niveau de l’éducation de l’élève puisqu’il en façonne la personnalité.

Un enseignant dont la personnalité est remarquable parviendra à instruire ses élèves de par l’ascendant qu’il exerce sur eux, et ce, malgré qu’il maitrise possiblement moins la matière qu’un autre enseignant dont la personnalité est peut-être moins attirante pour ces élèves. À l’adolescence, les élèves sont en quête de modèles et ce qui est le plus attirant pour eux, afin de combler leur besoin d’identification, c’est la personnalité de leurs interlocuteurs. Ils doivent pouvoir y fixer leur admiration afin de se laisser influencer par celui ou celle qui deviendra leur maitre. Il faut prendre conscience de toute la dimension affective qui façonne les comportements et les attitudes des élèves, et ce, malgré que tous savent très bien qu’il ne s’agit pas d’un fondement suffisant, lequel détermine de la compétence d’un enseignant.

En janvier 2015, Rusul Alrubail écrivait dans Édutopia un court article intitulé The Heart of Teaching: What It Means to be a Great Teacher. Elle cible d’intéressants attributs de ce que la profession enseignante implique. Ce dernier doit donc être généreux et empathique, faire preuve de compassion, être positif et inspirant, tout en étant, fondamentalement, un bâtisseur. À cela, à mon humble avis, il faut ajouter que l’enseignant doit être un explorateur, un créateur. Il doit accepter de sortir des sentiers battus et inciter ses élèves à faire de même. Car au fond, que reste-t-il de nos moments partagés avec les élèves ? Il ne reste que l’intangible, le savoir-être. Ces blagues, regardes, sourires, confidences et expériences vécues avec des enseignants impliqués et dévoués. Il est faux de prétendre que les élèves chérissent, vingt ans plus tard, des souvenirs de diverses théories, calculs ou autres prétentions livresques !

Mais au-delà de tout, le bon enseignant, c’est celui qui reconnaît la primauté du droit de l’élève à apprendre sur celui de se faire enseigner. Là est la différence.

Nous ne cernerons pas plus ce qu’est un bon enseignant de façon objective. Il y aura toujours l’aspect émotif qui entrera en jeu ; c’est incontournable. Au moins, il est à souhaiter que cet article se retrouve sur les écrans d’un maximum d’enseignants qui souhaitent devenir de meilleurs enseignants en se rapprochant de ce que leurs élèves veulent !

Comment amorcer un virage pédagogique dans nos écoles ?

On parle beaucoup de virage numérique, de virage technologique et de changement des pratiques pédagogiques. Bien que souvent, on réfère à la nécessité que les enseignants changent, qu’en est-il des directions d’école qui doivent initier ces changements ? Comment mobiliser l’équipe-école pour ce faire ?

Le leadership

Effectivement, la mobilisation des troupes est le nerf de la guerre ! Imposer un virage ne mène à rien. La contrainte n’a jamais rien donné en éducation. Si cela est vrai pour les élèves, ce l’est également pour les enseignants. D’où l’importance d’exercer un leadership participatif ayant pour but de stimuler la responsabilisation et la mobilisation chez les intervenants scolaires. Dans les faits, le leadership est l’art d’amener des personnes à accomplir une tâche de façon volontaire. Il faut donc expliquer pourquoi le changement est nécessaire et surtout, vous devez le démontrer.

Lorsqu’on parle de réforme ou de changement en éducation, on parle souvent d’imposition d’une nouvelle structure ou de nouvelles façons de faire lesquelles sont prescrites par les instances. En langage familier, emprunté de l’anglais, on parle d’initiatives top-down (vers le bas), alors que ce qui est souhaité doit émerger de la base, de ceux qui côtoient les élèves. On parle alors d’initiatives bottom-up (vers le haut). Dans les faits, la seule chose qui doit être top-down en éducation, c’est le leadership et celui-ci doit être articulé de façon à voir émerger des initiatives ou des pochettes de leadership qui émergent du terrain. Le top-down doit donc être au service du bottom-up!

Le leadership tire sa force de toute la modélisation qu’il implique. Au risque de recourir à un cliché ou de sonner comme Gandhi, incarnez le changement que vous prêchez. Bref, soyez branchés en réseau. Parlez à vos collègues des autres écoles et allez au-devant pour former votre propre cercle. Si vous êtes pour le recommander, comme c’est souvent le cas, soyez vous-même impliqué dans une démarche de développement professionnel.

Inspirez-vous de ceux qui ont déjà initié un tel virage. Ils ont des expériences à partager. Vous en avez aussi. Le monde de l’éducation est un collier de perles d’expertises diverses. Vous ne faites pas exception à la règle! Bref, donnez l’exemple et rayonnez vous-même si vous souhaitez que votre personnel rayonne! Ça ne sert à rien d’être brillant si on n’éclaire personne, non ?

Directeurs incontournables

Les technologies en éducation

Difficile d’envisager le changement en éducation sans traiter de la place des TIC dans les salles de classe.

Tel que précisé plus tôt, ne réinventez pas la roue. Inspirez-vous de ceux qui ont déjà initié un tel virage dans leurs milieux respectifs. Inspirez-vous de leur expérience; relevez leurs erreurs et tablez sur leurs réussites. Adaptez cela à la culture de votre milieu et aux besoins de vos élèves et de leurs enseignants. Vous ne pouvez qu’être gagnant avec cette approche. Vous ne perdez absolument rien !

Toujours au niveau des technologies, cela implique un important investissement qui ne prend son sens qu’avec une portée pédagogique. Les TIC ne sont pas une fin, mais un moyen de consolider, approfondir les apprentissages ou de différencier les approches pédagogiques. Avez-vous pensé à un conseiller pédagogique pour supporter les enseignants et les rassurer ? Des formateurs ? Conférenciers ? Vous trouvez que cela coute trop cher ? Est-ce que cela coute plus cher que de voir un investissement dormir ou prendre la poussière sur le bureau d’un enseignant ? J’en doute.

Enfin, ne sombrez pas dans le fétichisme technologique. Ce que l’on veut, ce sont des changements de pratiques et de l’innovation pédagogique. Cela ne passe pas toujours par les TIC. Faites confiance à vos enseignants et respectez leur autonomie professionnelle. Exigez cependant qu’à travers cette autonomie, ils sachent innover, se remettre en question et varier leurs approches. Enfin, supportez-les dans leur réflexion. Soyez un coach, un mentor et non le directeur qui les sanctionnera s’ils échouent dans leur démarche de changement. Les enseignants doivent différencier leurs approches. Différenciez la vôtre auprès de votre personnel. Pour certains, de petits pas sont en fait des pas énormes.

La reconnaissance

En parlant d’échec, valorisez-les. Comme pour les élèves, l’apprentissage passe par l’échec. La créativité passe par l’expérimentation et par l’indissociable couple essais-erreurs. De plus, si vous voulez que les membres du personnel vous pardonnent vos propres échecs, vous devez leur avoir pardonné les leurs ! L’humilité, si on veut qu’elle s’apprenne, il faut l’enseigner ! Et si on veut célébrer nos victoires et nos progrès, il faut accepter l’échec et en faire une occasion d’apprentissage.

Un autre cliché : circulez dans votre école. Marchez-la. La direction est un travail de terrain. Ne vous laissez pas ensevelir sous la paperasse et les rapports à n’en plus finir. Promenez-vous. Écoutez. Voyez ce qui se fait dans les classes, pendant le quotidien scolaire. Soulignez les comportements que vous voulez voir. Félicitez vos intervenants. Appréciez-les. Ne faut-il pas soutenir l’innovation et les pratiques pédagogiques divergentes pour ne pas dire délinquantes ?

Enfin, le meilleur renforcement pour un intervenant est de lui permettre d’exporter son expertise. Mettez-le en valeur. Offrez ses services de conseil, de mentorat ou d’animation auprès des autres intervenants. Peut-il animer des ateliers à un congrès ? Participer à la formation de ses collègues ? N’oubliez pas que lorsque vous lui offrez les occasions de se valoriser et que, simultanément, vous mettez en relief votre institution scolaire. À moyen ou long terme, votre école sera reconnue comme un havre d’innovation et un lieu où le changement s’est bien amorcé.

 

 

 

La virtualité, un levier pédagogique inéluctable

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Plusieurs humains craignent la virtualité. Mais pourquoi ? Qu’est-ce qui amène cette crainte ou ces réserves face à l’aspect virtuel de nos vies contemporaines ? Et surtout, quel est l’impact du virtuel dans éducation ?

Nous avons été habitués à vivre une vie polarisée, bidimensionnelle : soit que nous sommes dans le réel ou soit que nous sommes dans l’imaginaire. Or, depuis environ une décennie, avec l’avènement des médias sociaux, notre vie ne se cantonne plus dans l’un ou l’autre de ces pôles : la virtualité émerge.

C’est la troisième dimension de la relation humaine ; elle complémente le réel et l’imaginaire. Le virtuel est donc enclavé au centre, entre ces deux dimensions traditionnelles. Il en devient l’articulation menant l’équation à l’équilibre.

 

Le réel, le virtuel et l’imaginaire dans le pédagogique 

Si on importe ce nouvel équilibre dimensionnel en pédagogie, les perspectives sont intéressantes, pour ne pas dire incontournables. La beauté de la chose est que le virtuel et le réel se côtoient facilement, presque instantanément. La pédagogie a cette faculté de concrétiser rapidement l’abstrait en incarnant des notions et des relations dans des contextes authentiques. Les exemples pullulent : des rencontres virtuelles qui deviennent réelles à travers des communautés d’apprentissage, une rétroaction via un logiciel qui permet à l’élève d’intégrer les commentaires constructifs de son enseignant pour améliorer son rendement académique, etc.

De plus, le virtuel permet également d’agir positivement, en continuité sur l’imaginaire en faisant cheminer l’idée vers sa concrétisation. Dans un premier temps, il permet de concevoir des activités mentales issues de l’imagination et de les transformer en situations bien concrètes. Il ajoute donc cette phase de conception qui impose un processus mental nécessaire afin que la situation devienne bien réelle. Non seulement le virtuel devient-il un entremetteur vers la réalisation, mais en plus, il permet la schématisation de l’imaginaire. Il lui donne un sens, une forme qui, bien qu’intangible, demeure néanmoins en présence d’un potentiel d’achèvement. On quitte le fantasme, l’idéal, la possibilité pour se diriger vers le domaine des possibles.

 

L’effet rehausseur des TIC

Et cette phase de conception, via la virtualité, est renforcée par des outils technologiques qui rehaussent la qualité et la précision du façonnement des idées afin que, non seulement elles puissent prendre forme dans le réel, mais qu’en plus, elles puissent naitre dans un contexte fertile concret. Voilà donc où le pédagogique libère l’esprit créateur et où le technologique devient un outil puissant de rehaussement de l’expérience éducative.

On parle souvent d’enfants distraits, qui rêvassent et qui flottent. Ceux-là pourraient s’engouffrer dans les méandres du virtuel et y demeurer prisonniers. Il est inquiétant de constater que ces élèves sont figés devant leurs écrans à vivre leur virtualité sans égard à leur vie réelle. Cet équilibre dimensionnel est donc fragile. L’individu, au lieu de passer au réel pourrait très bien s’enfermer dans les rêveries et le fantasme. Comme le cite Serge Tisseron, avec le virtuel, tout est affaire d’usage. Et cet usage doit être encadré par le pédagogue.

Voilà donc un autre enjeu central de la pédagogie : il faut que l’enseignant puisse faire progresser l’élève d’une dimension à une autre puisque le but de l’imaginaire, du moins en éducation, est de s’assurer qu’il puisse se concrétiser. Quelle belle leçon d’estime personnelle lorsqu’un enfant réalise qu’il a tout ce qu’il faut en lui pour voir ses rêves prendre forme et qu’il est en mesure de faire transiter ses idées vers le réel en passant par différentes étapes de conception à l’aide de divers outils technologiques ou non. Voilà qui est motivant et qui démontre les bienfaits de la pédagogie active !

Où est la révolution ? Le virtuel ne date pourtant pas d’hier ! La lecture est effectivement une des premières manifestations de la virtualité. La différence majeure réside dans le fait que les TIC permettent de façonner plus efficacement et précisément les idées. Les outils deviennent donc un moyen et non une fin pédagogique. Ils permettent au meilleur de la créativité d’émerger.

La virtualité, donc, sous la houlette bienfaisante de l’enseignant, devient un levier important pour l’apprentissage, mais surtout pour le développement de compétences du 21e siècle des élèves : créer, collaborer, communiquer, réfléchir et concevoir. Toutes des compétences qui impliquent un niveau d’activité important pour l’élève.

La querelle des anciens et des modernes, version 2.0

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Au 17e siècle, une politique issue de l’Académie française agite le monde littéraire et culturel de l’époque. Deux courants s’affrontent : d’un côté, les anciens basent leur écriture sur l’imitation des œuvres prétendument parfaites de l’époque grecque ou romaine. Selon leurs vues, ces œuvres sont accomplies et imperfectibles. De l’autre côté, les modernes proposent plutôt une approche novatrice en littérature en refusant de considérer les œuvres antiques comme des modèles indépassables.

Cela vous rappelle quelque chose ?

Le modèle 2.0

Effectivement, deux visions s’opposent aujourd’hui en pédagogie contemporaine et elles reprennent les grandes lignes de la querelle originale. Voici les principaux arguments :

Les classiques de la pédagogie estiment que les stratégies pédagogiques traditionnelles sont imperfectibles. L’enseignement dirigé est toujours la meilleure façon de passer la matière. La technologie n’a pas sa place en pédagogie puisqu’elle est un outil qui pervertit l’apprentissage.

Les modernes, eux, entrevoient la pédagogie comme une approche évolutive et différenciée. L’intégration des technologies permet essentiellement trois choses. La première, d’augmenter le champ des possibles afin de varier les approches pédagogiques. Ensuite, elle permet une certaine exploration, une curiosité pavant la voie à l’intégration de la créativité dans l’acte d’enseigner et, éventuellement, dans l’acte d’apprendre. Enfin, les pédagogues modernes reconnaissent que depuis quelques années, les technologies ont envahi toutes les sphères de la société et qu’il est du devoir de l’école de préparer les élèves aux impératifs du monde du travail où ces futurs travailleurs devront justement intégrer cesdites technologies à leurs activités professionnelles.

Au cœur de la querelle

Ces deux idéologies s’affrontent au quotidien dans les écoles nord-américaines. D’une part, les enseignants classiques estiment que leurs stratégies pédagogiques ont été éprouvées et qu’ils ont l’histoire derrière eux pour appuyer leurs méthodes. Y a-t-il un plus beau sophisme que celui-ci ?

J’ai toujours enseigné comme ça et cela a toujours fonctionné. Pourquoi cela ne fonctionnerait-il plus ?

Comme si ce que l’on apprend à l’université est immuable et insoumis aux impératifs évolutifs. Comme si cela était un gage de réussite pour les trente années subséquentes. L’autre analogie tire légèrement sur le cliché, mais quand même, elle semble néanmoins représenter la meilleure comparaison : iriez-vous chez un médecin qui n’a pas mis ses pratiques à jour depuis trente ans ? Certes, la tradition est puissante en pédagogie et, pour les tenants de la transmission des connaissances, le maitre passe sa matière et l’élève a intérêt à être au rendez-vous pour l’assimiler !

Pour eux, la relation maitre-élève s’appuie sur un rapport d’autorité axé essentiellement sur le fait que le premier est le seul et unique dépositaire des connaissances à être dispensées en classe. Mais au moins, cet attachement au classique se veut plus passif.

Bien que je comprenne ce que nous enseigne Serge Tisseron dans son livre Du livre et des écrans, à savoir que les pratiques d’écran sont souvent entourées d’un halo catastrophiste qui empêche d’en mesure les véritables enjeux, je réalise que certains se permettent cependant d’aller trop loin dans leur affirmation dans l’appartenance au classicisme pédagogique. Par exemple, l’inimitable Réjean Bergeron nous a habitués aux superlatifs lorsqu’il qualifie la pratique des technopédagogues en éducation en les qualifiant de réparateurs Maytags ou de squeegees à écrans plats, d’esclaves, de Narcisse des temps modernes ou de fétichistes technologiques (qualificatif probablement emprunté ici) . D’autres, comme Molly Worthen du New York Times, proposent tout de même des argumentaires un peu plus éloquents et respectueux en mettant l’accent sur l’enseignement de l’écoute. Cela se conteste toutefois pour deux raisons. Dans un premier temps, un individu décrochant un diplôme de baccalauréat aura passé, grosso modo, seize années à écouter les enseignants ou professeurs qui auront défilé devant lui à travers les années. Deuxièmement, si on enseigne l’écoute, comment se fait-il que nous voyions le nombre de diagnostics de déficits de l’attention augmenter aussi drastiquement ? Bien que je comprenne que ce diagnostic s’appuie sur une pléthore de critères plus scientifiques que l’ennui et le gout de bouger, il y a néanmoins une question à se poser : nos élèves sont-ils trop passifs en classe ou pire, sommes-nous si ennuyeux ? Cette pédagogie de l’écoute crée-t-elle des élèves fantômes ? Lola Vanier a sa petite idée là-dessus !

Pour les modernes, l’avènement du technologique en éducation est la troisième révolution du genre à survenir dans l’histoire de l’humanité. Après le passage de la tradition orale à l’écriture et après celui du passage de l’écriture à l’imprimé, le passage de l’imprimé au virtuel est une révolution pédagogique en soi, probablement la plus importante depuis que le premier imprimé est sorti de la presse de Gutenberg. La diffusion du savoir est tel qu’il est largement démocratisé grâce à des outils comme Google ou diverses encyclopédies en ligne. Cela implique inéluctablement un changement d’approche pédagogique. D’où la pertinence du qui pose en tant qu’éveilleur de consciences pédagogiques et d’ébranleur de pratiques professionnelles traditionnelles en éducation.

Les modernes visent l’innovation pédagogique pour consolider et approfondir l’apprentissage des élèves. Ce sont des précurseurs, des explorateurs qui mettent souvent leur égo professionnel et personnel en expérimentant de nouvelles stratégies. Ils placent l’élève au centre de leurs préoccupations et différencient leurs approches, bien souvent à l’aide desdites technologies.

Enfin, ils n’ont pas la prétention d’exercer une pratique parfaite et ils s’évertuent à les mettre à jour. La formation continue leur est incontournable et ils épousent les vertus de ce que les anglophones appellent le lifelong learning.

À défaut de voir des personnalités respectables comme Racine, Perreault, La Fontaine s’opposer dans cette querelle des anciens et des modernes originale, la réplique pédagogique aura pris quelques siècles avant d’éclater au grand jour et elle oppose des centaines de milliers d’éducateurs dispersés dans les quatre coins de l’Occident.

Je peux comprendre qu’il existe toujours deux côtés à une médaille. J’estime également qu’il ne faille pas polariser cette querelle et qu’il faille débattre. Or, au-delà du débat, il y a l’action. Pendant que nous débattons, les systèmes d’éducation de bons nombres de pays occidentaux s’enlisent.

Si le virage moderne en éducation n’est qu’une question de temps et les résistants n’auront d’autre choix que de plier contre leur gré à défaut d’en reconnaître eux-mêmes la pertinence, la question demeure la suivante : comment pouvons-nous exercer notre leadership pour éviter cette cassure et être à l’avant-plan pour convaincre les enseignants d’épouser, à leur propre vitesse, les impératifs que nous dictent la société ? Par l’action et par la modélisation en laissant goûter aux enseignants originalement réfractaires, les plaisirs des nouvelles pédagogiques. L’effet multiplicateur, vous connaissez ? Il est temps de le déployer à sa force maximale.

L’école mortifère

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Vous croyez que les médias projettent l’école sous un angle négatif ? Vous n’avez rien vu ! Voici un livre coup de poing. Une sortie en règle contre l’école, ses mœurs et sa culture comme on en voit rarement, et ce, à tous les niveaux allant du primaire à l’université. L’auteure n’y va pas par quatre chemins : au lycée, elle qualifie le milieu d’anti-jeunes et adulto-centriste, alors qu’elle souligne le mépris avec lequel toute la structure du monde universitaire traite ses étudiants avec, en tête, des professeurs aucunement soumis à des mécanismes de réédition de comptes. Tous y passent : les enseignants snobinards, les dirigeants déconnectés, les professeurs d’université et les doyens méprisants, etc.

Avant tout changement, il faut comprendre pourquoi changer et, dans certains cas, il faut atteindre un point de rupture. Voici donc cette rupture. Et l’auteur nous envoie sa version des faits entre les dents.

La méritocratie

L’école primaire et secondaire (lycée) y goutent. Pour Lola Vanier, il s’agit de milieux déshumanisés où des règles aliénantes prennent le dessus sur la pédagogie qui est d’ailleurs déconnectée des besoins des élèves. Qu’en est-il de la primauté du lien à établir avec l’élève ? Un triste portrait d’une dictature axée sur le contrôle, brimant l’élève dans son besoin de s’exprimer et de développer son sens critique : (…) l’immobilité est signe de discipline, écouter sans broncher, et la plupart du temps, presque toujours, la fermer. Seuls ceux qui jouent le jeu survivent ; ce sont les élèves méritants et le régime politique scolaire est, toujours selon l’auteure, une méritocratie.

Apprendre pour le plaisir, sans égard à l’utilité alors, qu’au contraire, l’école que dénonce Lola Vanier est celle de l’utilité, certes, mais surtout celle de l’ennui et de la démotivation. Elle dénonce la platitude de ses enseignants, ces prêcheurs soporifiques, et le peu d’imagination dont ils font preuve dans leur pédagogie en soulignant que l’érudition de ces derniers, bien souvent, s’exerce au détriment des préoccupations actuelles des élèves. Il n’y a pas à souhaiter de former des spécialistes ou des savants d’une matière donnée. L’enseignant parle, les élèves écoutent. Il dicte, nous écrivons. Il ordonne, nous obéissons. Impossible d’échapper au rapport de force. À cette dualité rigide. À cette distance qui fait de nous des inconnus familiers. L’auteure se questionne : le respect que l’élève voue à son enseignant est-il basé exclusivement sur le respect des règles imposées ?

L’école mortifère

L’ennui nous subvertit. Au secours, on s’emmerde ! À ces affirmations, la réponse estudiantine verse dans le désengagement et dans le triste constat que des centaines de milliers d’élèves dressent quotidiennement : il y a lieu d’abandonner et se résigner face à la machine scolaire. Car cet absentéisme discret où on va à l’école par obligation pour faire plaisir s’attaque indirectement au tabou de l’élève fantôme, celui qui est présent en classe physiquement, alors que ses pensées et énergies sont ailleurs. Les bâillements contagieux rivalisent avec le désir de crier, de bouger et, pour les plus rebelles, de s’opposer, de s’émanciper ou de défier l’ordre établi. La passivité, l’immobilisme et le mutisme ne sont pourtant pas des synonymes d’écoute active ou de concentration.

Que dire de cette phrase qu’on  entend encore ici et là dans nos milieux de la bouche des tenants de la méthode pédagogique mortifère : il faut souffrir pour apprendre ! Est-ce notre héritage judéo-chrétien qui met la souffrance en valeur et qui rejette autant l’hédonisme scolaire ?

Mais, heureusement, Lola Vanier reconnaît qu’il existe des enseignants qui bousculent la quiétude intellectuelle de leurs élèves et qui incitent au dépassement. Justement, elle explique que lorsque l’élève peut établir un lien significatif avec son enseignant, il est susceptible de se laisser inspirer pour éventuellement s’élever à un niveau originalement insoupçonné. Dans le fond, une fois le parcours terminé, que reste-t-il de nos souvenirs scolaires ? Des anecdotes bien plus humaines qu’académiques !

En effet, si la critique est parfois dure à l’égard des enseignants, ils ne sont pas toujours à blâmer pour autant. Pris dans une lourde structure bureaucratique, peut-être s’ennuient-ils autant que leurs élèves ? Cette lourdeur annihilant l’autonomie et le rayon d’action des professionnels de l’enseignement est étouffée par des bureaucrates imposent leurs directives déconnectées à un corps enseignant décimé et ignoré.

L’école, un microcosme social ? 

L’école est-elle une microsociété ? Si tel était le cas, on mettrait l’accent sur les liens exercés entre les individus. Cependant, l’école, selon l’auteure, met l’accent sur les talents. Et dans quel milieu met-on en valeur les talents des protagonistes ? Dans un marché, un milieu où on peut se démarquer pour acquérir quelque chose. Dans le marché scolaire, les notes sont donc la mesure de la démarcation et tout est mis en oeuvre pour que les talentueux réussissent. La question est donc : qu’arrive-t-il pour les autres élèves ? D’où l’importance de recentrer l’école vers l’importance des rapports humains et des liens à établir entre les individus, enseignants inclus.

Pourquoi un marché ? Parce que les sacrosaintes notes pavent la voie à une compétition certaine. Quand on y pense, toute l’organisation et la structure scolaire sont basées sur les notes : la réussite, la promotion, la diplomation. Ensuite, au postsecondaire, on reprend là où on a laissé pour s’ouvrir au marché du travail. Le talent et les notes ouvrent les portes aux perspectives professionnelles.

D’un paradoxe à un autre

Quelques paradoxes relevés en milieu scolaire tapissent le livre d’un couvert à un autre. Au lycée, pour des adolescents constamment à la recherche de cohérence et qui sont à un moment charnière dans leur vie où ils remettent en question leurs propres références, (…) les élèves ont pour seule fonction d’absorber ce que dit le professeur qu’on ne conteste jamais. Pourtant, au même moment, on prétend développer l’esprit critique de ces derniers. En rafale, que dire de l’enseignant qui coupe la parole à son élève ou l’ignore alors que ce dernier propose une explication divergente de la théorie enseignée. L’école secondaire serait un monde où s’excuser est un signe de faiblesse. À l’inverse, de la part d’un élève, présenter des excuses est un signe d’humilité.

Vous avez déjà entendu un enseignant se scandaliser du fait que ses élèves soient si faibles ? Lola Vanier se surprend du fait que ces mêmes enseignants ne s’interrogent pas sur leurs propres approches pédagogiques et des effets qu’ils ont sur les apprentissages de ces mêmes élèves. Cette constatation pourrait-elle être liée à la qualité des programmes et de l’enseignement dans le milieu scolaire, duquel ils font partie ?

L’université n’y échappe pas. Que dire du professeur qui celui qui ne répond presque jamais à ses courriels ou celui qui est indisponible pour rencontrer ses élèves à l’extérieur des heures de cours. Enfin, un classique, les bonnes notes sur des travaux qui reviennent sans annotations de la part des enseignants, ce qui pousse les étudiants à s’interroger à savoir si ledit travail a été lu.

Des pistes de solution

Pourquoi ne pas paver la voie au plaisir dans les apprentissages au détriment des connaissances déshumanisantes ? Le respect, l’obéissance peuvent être atteints de façon détournée. La contrainte n’a jamais rien donné de positif en éducation. Au contraire, ces valeurs sont synonymes d’anonymat, d’uniformisation et d’homogénéité. Le but n’est-il pas de forger l’estime personnelle et le caractère de l’élève et de le voir s’actualiser à travers le développement d’un esprit critique ?
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En somme, malgré qu’il semble irréaliste que cette pauvre Lola Vanier puisse avoir vécu toutes ces mésaventures, il n’en demeure pas moins qu’il y a beaucoup à extraire de ces récits ou réflexions. De durs constats, rendus nécessaires à faire pour relancer l’école occidentale laquelle, semble-t-il, n’a pas été remise en question depuis des lustres. On dépasse largement le règlement de compte pour y voir poindre un idéal, une espoir que l’école retrouvera sa vocation et c’est ce qui rend la réflexion pertinente. D’ailleurs, outre le fait qu’elle force le milieu scolaire à réfléchir sur ses interventions quotidiennes auprès des élèves,  ce livre n’a pas été rédigé par lune adolescente qui vient tout juste quitté les bancs d’école. C’est une adulte qui écrit ces lignes et son âge, quoique inconnu, a largement atteint le fameux tu comprendras quand tu seras plus vieille! Or, la voilà plus vieille et, visiblement, elle ne comprend toujours pas.

Le livre Longtemps, je me suis ennuyée à l’école est disponible chez Max Milo Éditions.

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La nécessité de faire autrement

La semaine a bien commencé en éducation canadienne, car la population a porté au pouvoir un nouveau premier ministre qui est issu de la fonction enseignante. Cela fera changement des habituels avocats ou économistes. Bien que je vous avoue candidement que je n’ai pas contribué à la fameuse vague rouge, j’ai apprécié le ton de Trudeau durant cette (trop) longue campagne électorale. En effet, il a semblé plus positif que ses opposants et son message général était beaucoup moins négatif. Le Washington Post titre d’ailleurs qu’un politicien n’a pas à être frustré pour être élu. Ce changement de ton est-il précurseur d’une nouvelle ère en Amérique du Nord où il est si facile de chialer et de dénoncer pour sombrer dans le cynisme ? D’où la raison pour laquelle j’ai choisi de moins écrire pour le Huffington Post : j’étais tanné des messages de ces tenants de la théorie du complot qui éclaboussent les auteurs de leur fiel et de leur hargne.

Mais pour revenir à Trudeau, est-ce le fait qu’il s’agisse d’un professionnel enseignant qui implique un changement de ton en politique canadienne ? Probablement. Ces derniers sont habitués de voir le meilleur chez autrui et leur approche humaine et chaleureuse permet, bien souvent, de parvenir à des résultats intéressants auprès des élèves de la classe. Cependant, la classe de monsieur Trudeau est passée d’une trentaine d’élèves à une trentaine de millions de citoyens. Tout un défi pédagogique ! Sur un ton plus humoristique, s’il réussit à rallier la population canadienne à sa cause, malgré la taille de sa classe, je croirai que le nombre d’élèves dans une classe n’influe pas sur les apprentissages.

Enfin, comme l’a fait la , il y a lieu de saluer l’élection du premier ministre Trudeau, le collègue enseignant.

La collaboration entre les enseignants

Dans un autre ordre d’idées, Pasi Sahlberg, un de mes modèles en éducation, lequel j’aurai la chance de rencontrer à Banff en avril prochain, a relayé ce petit bijou sur son fil Twitter. Le texte, rédigé par Tim Walker, porte sur la collaboration entre les enseignants :

Collaboration is all about the sharing of work. When teachers are stressed, it’s easy to view collaborating as a luxurious add-on. And once teachers become convinced that they can’t afford to work together, the sharing of work just doesn’t happen. Overwhelmed teachers rarely leave their classrooms while they’re at school. They even skip lunch. And at the end of each day, they’re the ones who rush out of their schools, eyes set forward, hoping that they won’t bump into a colleague because they see this interaction as unproductive. In this environment, teaching starts to look like a rat race—where only the fittest survive.

À la lecture du paragraphe précédent, nous avons tous l’image d’un(e) collègue qui nous vient en tête. Oui, trop d’enseignants posent tout sur leurs épaules et choisissent de travailler en silo. La collaboration et le partage entre les enseignants seraient deux facteurs importants de diminution du stress professionnel. Et je ne peux éviter de penser qu’une collaboration naturelle entre enseignants pourrait certainement diminuer le taux de décrochage professoral.

Je dois avouer qu’il y a quelque chose de pathétique en 2015 de continuer de prêcher les vertus de la collaboration en enseignement. L’isolement d’un enseignant, plus que jamais, est un choix professionnel et personnel et non une contrainte du système.

Recycler de vieilles solutions

Comme je l’ai indiqué dans mon texte sur le déversement massif d’eaux usées dans le Fleuve, cette solution politique démontre un triste manque de créativité et d’innovation. Quelle belle occasion ratée de mettre à contribution la population de façon pédagogique : nous avons un problème et en voici les enjeux. Quelle solution proposez-vous ? J’entends déjà les politiciens dire que je suis déconnecté. Peut-être. Probablement. Mais moi je leur réponds qu’ils sont mal organisés. À ce que je sache, ça doit faire au moins un an que cette situation leur est connue. Nous avons donc manqué une superbe occasion de collaborer collectivement à résoudre un problème qui concerne des centaines de villes riveraines d’un grand fleuve. Nous préférons limiter notre action à son pouvoir de dilution. Pas fort pour une ville qui tire une partie de sa réputation pour l’effervescence de la créativité de ses entreprises.

Difficile pour moi d’éviter de faire un lien avec cet du Forum économique mondial dressant un palmarès des dix pays les plus innovateurs, palmarès dans lequel nous n’apparaissons pas… Probablement que nous sommes en train de nous évertuer à recycler de vieilles solutions pour régler de vieux problèmes. Sommes-nous atteint du syndrome du poisson rouge qui se cogne toujours le nez au même endroit dans son bocal ?

Retour vers le futur

Cette semaine, un vieux film culte des années 80 nous a brusquement rappelé que nous étions rendus dans le futur ! Ce humoristique du Johnny Kimmel Show nous offre une douce critique de notre évolution technologique.

Le futur, c’est aujourd’hui. Nous y sommes ! Peut-être faudrait-il que nos approches pédagogiques évoluent aussi rapidement que la société ? Pourtant, dans la majorité des classes québécoises, les approches pédagogiques sont les mêmes qu’il y a trente ans, alors que le film est sorti sur nos écrans. C’est tout dire, non ?

Donc, à première vue, vous pourriez être tentés de vous demander ce que Trudeau, la collaboration entre les enseignants, la gestion des eaux usées à Montréal et le film Retour vers le futur ont en commun. La réponse est simple : ils nous démontrent tous la nécessité de faire autrement.

Une précision concernant les incontournables de l’éducation sur Twitter

Vous avez été plusieurs à réagir sur la publication de nos incontournables de l’éducation sur Twitter. Tant mieux. Cependant, nous croyons qu’il soit pertinent de faire une petite précision qui, nous l’admettons, aurait dû être faite avant de publier le tout. Jean-François et moi avons animé un atelier sur Twitter pour des enseignants et nous n’avions pas prévu une question pourtant fort simple : qui suivre ? Chaque enseignant voulait connaitre qui étaient les incontournables correspondant à leur profil professionnel. C’est à ce moment que cette idée a germé et vu que Patrick anime ou participe à plusieurs #eduprim et #edusec alors nous lui avons demandé de participer à notre petit projet. Ce que les incontournables l’éducation sur Twitter sont :

  •  Des listes de ceux qui nous ont inspirés à un moment ou l’autre de notre vie professionnelle. Ceux dont les pratiques détonnent et sont susceptibles d’avoir un effet positif sur de nouveaux utilisateurs de Twitter ou des néophytes en technopédagogie;
  •  Un point de repère pour débuter dans l’immensité virtuelle de Twitter. Quand on débute, on doit assimiler les mœurs et le langage du média social. Nous souhaitons que nos listes puissent permettre aux nouveaux utilisateurs de se concentrer sur l’apprentissage du fonctionnement au lieu de perdre leur temps à rechercher d’autres enseignants parmi les millions d’abonnés existants;
  •  Un geste de générosité et de partage, sans arrière-pensée. Simplement le goût de rendre service et de redonner ce que nous avons reçu à un moment ou un autre;
  •  La somme de ceux que nous connaissons et la réalisation qu’en fait, nous connaissons peu. Cela fait de l’opération un exercice imparfait.

Ce que les incontournables l’éducation sur Twitter ne sont pas :

  •  Un palmarès;
  •  Une liste de mise en valeur d’amis ou de connaissances;
  •  Des omissions volontaires ou un règlement de compte de possibles guerres de clocher.

En bref, nous avons reçu un nombre imposant de messages de tous genres. Vous n’avez pas à être émus, gênés ou heureux d’avoir été identifiés et surtout, vous n’avez pas à être fâchés de ne pas figurer sur une des listes. Une chose demeure, si vous réagissez (positivement ou non) à ces listes, c’est signe que vous reconnaissez que vous jouez un rôle important dans le développement professionnel de vos collègues en termes de partage et contribution à  leur formation continue virtuelle. Et c’est tout ce qui compte. Continuez à être actifs, positifs et effervescents. Les milieux scolaires ne compteront jamais assez de personnes comme vous en leur sein. Les listes sont incluses en format .jpeg et vous pouvez les utiliser dans un contexte de formation ou de partage avec vos élèves ou collègues.

M-A Girard (@magirard) pour Jean-François Houle (@jiefhoule) et Patrick Valois (@patvalois)

 

Pourquoi éduquer les élèves aux TIC au 21e siècle ?

Voici un petit résumé graphique du compte rendu de recherche de Patrick Giroux et de son équipe (Giroux, P., et al., Regard de futurs enseignants sur l’importance des compétences TIC pour les jeunes et la responsabilité de divers intervenants à cet égard, Formation et Profession, Vol. 22, No. 1, 2014, p. 13 à 26.)

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Utilisation libre de droit, sous réserve de la mention des sources.

Aide aux devoirs ou inversion de la séquence pédagogique ?

Depuis quelques jours, le monde de l’éducation est à l’avant-scène de l’actualité québécoise. Que ce soit la place de la lecture à l’école, les coupures budgétaires imposées ou même les discussions entourant la création d’un ordre professionnel des enseignants, il semble que les inquiétudes de la population se manifestent à travers diverses problématiques rapportées par les médias. De ces dernières, celle qui a fait le plus de bruit est certainement la précarité des programmes d’aide aux devoirs.

La situation actuelle
Bien qu’il soit totalement compréhensible que le milieu scolaire ainsi que les parents s’insurgent contre de telles coupures qui affectent directement l’élève, il n’en demeure pas moins que la situation démontre clairement que le modèle pédagogique dominant au Québec est révolu. La réalité est frappante : les élèves ont besoin d’aide pour faire leur devoir. Quel autre constat pouvons-nous en tirer sinon que le temps de classe n’est pas suffisant pour permettre aux élèves de comprendre ce qu’ils ont à faire en devoir ? Serait-ce l’occasion de revoir les méthodes enseignées et utilisées actuellement, de refaire une beauté au métier d’enseignant, de refondre ses assises?

L’organisation traditionnelle de la majorité des classes est simple : l’enseignant offre un exposé théorique magistral. Les élèves sont assis, ils écoutent, prennent des notes. Diverses activités sont prévues pendant le temps de classe mais très souvent, l’enseignant impose différents travaux qui doivent être complétés à la maison. La question que plusieurs se posent est pertinente : si les élèves ne comprennent pas ou ne savent pas comment résoudre les problèmes demandés et qu’ils ont besoin d’aide, qui peut les aider ? Un camarade de classe ? Le parent ? Force est d’admettre que l’aide n’est pas accessible immédiatement. À une époque où les parents sont de plus en plus sollicités par leurs occupations professionnelles, il semble évident que le temps soit venu de repenser la formule des devoirs en mobilisant la personne la mieux placée pour aider l’élève dans ses exercices et activités : l’enseignant.

La classe inversée
Le principe de base de la classe inversée est fort simple. Le contenu magistral est enregistré sur des capsules vidéo mises à la disposition des élèves sur différentes plateformes. Les élèves s’organisent pour les visionner à la maison. Ils peuvent la faire rejouer à volonté, la mettre sur pause. Bref, la leçon théorique devient ergonomique au sens où elle s’adapte aux besoins et contraintes de l’élève. Les activités traditionnellement exigées en devoir sont réalisées en classe, sous la supervision du pédagogue. Ce dernier répond aux questions des élèves. Cet aménagement du temps de classe permet ainsi de favoriser, entre autres, l’apprentissage par les pairs, le travail collaboratif et le socioconstructivisme. Les élèves pourront, grâce à cette formule, faire preuve de créativité en transférant leurs connaissances dans des situations concrètes et amorcer une démarche réflexive et critique sur leur processus d’apprentissage. Sachant qu’à l’habitude, les élèves n’ont pas besoin d’accompagnement pour visionner les capsules vidéo élaborées par les enseignants à la maison, ils ont tout l’accompagnement nécessaire pour réaliser les tâches exigées par l’enseignant.

Non seulement la classe inversée devient-elle une avenue intéressante, intégrant pleinement les technologies de l’information et de la communication à la pédagogie, mais surtout, elle situe définitivement l’élève au centre de la démarche d’apprentissage contrairement à l’approche traditionnelle qui, bien souvent, place l’enseignant au centre de cette même démarche. Il est d’ailleurs démontré que la pratique concrète et l’apport de sources d’information variée permet de développer des compétences plus solides qu’une approche linéaire et unique. Il y a lieu de se questionner sur la véritable définition de la pédagogie active : est-ce l’enseignant qui doit être actif ou l’élève ? Or, en plus de permettre à l’enseignant de personnaliser ses interventions en classe, l’approche inversée oblige l’élève à s’impliquer, à s’engager dans sa propre réussite.

… et la fracture numérique ?
Il est important de comprendre que le fondement de la classe inversée n’est pas la réalisation de capsules vidéo. En fait, c’est plutôt la libération du temps de classe occasionné par l’évacuation du magistral qui permet à l’enseignant de pouvoir mieux interagir auprès de ses élèves qui fait la différence. Maintes recherches en éducation démontrent que le premier facteur influençant la réussite scolaire est l’enseignant. Justement, la classe inversée permet de rendre ce dernier disponible pour mieux guider ses élèves vers une démarche d’apprentissage approfondie et enrichie par des discussions pertinentes aux thématiques abordées en classe. Cependant, une question surgit naturellement : que faire avec les élèves qui n’ont pas accès aux ressources technologiques requises ? Dans un premier temps, selon le Centre canadien d’éducation aux médias et de littératie numérique, 99% des jeunes canadiens ont un accès régulier à l’internet. Dans les milieux aisés, cet accès se traduit essentiellement par des outils portatifs qui sont utilisés (téléphones intelligents, tablettes numériques, portables, etc.). Et pour ceux qui n’ont pas accès, l’école offre habituellement un accès à l’internet via ses laboratoires informatiques. Bien sûr, il y a toujours des exceptions à la règle mais la pédagogie différenciée, entre autre chose, permet justement aux enseignants de trouver des accommodements pour leurs élèves en fonction des ressources disponibles.

Le changement volontaire comme antidote au changement imposé
La classe inversée, devenue l’apprentissage inversé grâce à son souci d’adopter une approche centrée sur l’élève et les mécanismes individuels lui permettant de mieux apprendre, permet une alternative intéressante pour atténuer les impacts des coupures ministérielles dans l’aide aux devoirs. L’équation est simple : s’il y a moins de devoirs dans le sens traditionnel du terme, les élèves auront moins de besoins d’aide. De plus en plus d’enseignants occidentaux se penchent sur cette question : comment mieux rentabiliser le temps en classe avec les élèves et, incidemment, on ne peut que reconnaitre que cette approche inversée permet de recentrer l’élève au centre de l’activité pédagogique en permettant, par la même occasion, de solutionner une problématique financière. Les temps changent. La société change. Les élèves changent. Le monde scolaire doit également changer. Bien que les coupures dans le monde de l’éducation ne soient aucunement souhaitables, il est illusoire de s’attendre à ce que tous les services en place depuis des décennies demeurent disponibles ad vitam aeternam. C’est probablement la raison pour laquelle le monde de l’éducation doit être à l’avant-garde au lieu de se faire imposer de changer par les règles budgétaires du MELS. En ce sens, l’apprentissage inversé n’est qu’un exemple parmi tant d’autre.

Marc-André Girard
Directeur des services éducatifs
Auteur du livre Le changement en milieu scolaire (Éditions Reynald Goulet)

Marie-Andrée Croteau
Conseillère pédagogique en intégration des technologies

Lettre ouverte à un enseignant-technophile

J’ai l’habitude de bloguer en utilisant un style de rédaction surtout axé sur l’essai ou le texte argumentatif. J’essaie d’être objectif, dans la majorité des cas, même si mes opinions reflètent indubitablement mes propres valeurs. Cette fois-ci, je me permets de m’adresser au lecteur de façon plus personnelle, en délaissant le vous de politesse pour employer un je, introspectif et, totalement assumé. Je me permets d’être plus direct et incisif.

Mon texte qui a été publié dans Le Devoir du 9 janvier dernier aura permis de créer un petit débat d’idées à même le site web où il a été publié : Pour ou contre l’intégration des iPad à la pédagogie ? D’ailleurs, Le Devoir a publié aujourd’hui un texte qui réfute mon argumentaire. Je vous invite à le lire et à le commenter directement sur le site du Devoir. En lisant les commentaires, qui jouxtent mon texte, cela nous permet de mettre en relief les résistances qui, de facto, corroborent directement mon argumentaire. Nous pouvons y lire des critiques essentiellement fondées sur :

  • La gloire du classicisme ou la peur d’avoir peur

Si j’étais parieur, j’aurais gagé que la première critique proviendrait d’intellos nostalgiques qui font l’apologie des grands penseurs qui ont marqué notre culture. Le raisonnement sophiste du c’était bien mieux avant ou surtout le on le faisait comme ça avant et ça fonctionnait. Pourquoi changer? plombe les perspectives éducationnelles qui permettent au monde de l’éducation, non seulement de s’adapter à la société dans lequel il évolue, mais aussi agir en tant que leader au sein de cette même société. Bien qu’il ne faille pas pour autant renier nos racines et les fondements de notre culture occidentale, il n’en demeure pas moins que ces grands penseurs étaient ancrés eux aussi dans leur société de l’époque avec les moyens dont ils disposaient. Et si Socrate avait inventé internet, peut-être leur discours aurait été différent ?

Cette nostalgie est si forte chez certains qu’elle dénigre l’avènement des technologies. Un peu comme si elles nous empêchent de penser ou de développer notre esprit critique et surtout, d’éduquer nos élèves à en faire un bon usage. Tout ce qui se faisait avant était mieux, forcément…

Ce qui est certainement d’autant plus frustrant, c’est qu’il semble qu’il y ait nécessité d’opposer les nouvelles stratégies pédagogies aux anciennes alors qu’en réalité, on ne vise qu’une intégration des TIC aux approches existantes et non une annihilation de ce qui se fait depuis des lunes !

  • L’éphémérité de la technologie ou l’art de pelleter vers l’avant

Il est juste de prétendre que la technologie actuelle est éphémère. Le problème, qui n’en est pas tout à fait un, c’est qu’elle évolue rapidement. C’est en fait une caractéristique d’une société en plein essor. Face à ce constat, que devons-nous faire ? Il y a deux possibilités :

  1. Attendre que toutes ces innovations technologiques ralentissent ou cessent. Ainsi, nous pourrons faire un choix sûr parmi ce qui est sur le marché.
  2. Faire un choix parmi ce qui est disponible et l’assumer. Ce choix se fait en consultation avec les enseignants et les activités de réseautage avec les autres écoles font que le partage des hauts et des bas des choix qui ont été faits par des partenaires ou des compétiteurs permettent à une institution d’éviter les écueils.

Il est évident que le premier choix est impossible. Dans un premier temps, les innovations technologies se succèdent à un rythme effarant et c’est tant mieux ! Ensuite, permettre aux enseignants de travailler avec une technologie qui n’existe pas encore ou qui n’est pas à point, permet à leurs élèves de développer un certain confort dans ce qui les attend sur le marché du travail, où ils seront constamment appelés à utiliser de nouvelles technologies, dans des emplois qui, bien souvent, n’existent toujours pas.

Le tout, bien évidemment, au lieu de reporter à plus tard le besoin de faire des choix technologiques en laissant cette prérogative à nos successeurs, ce qui, par la même occasion, expose au grand jour le manque de leadership de plusieurs enseignants ou cadres scolaires actuels. Et, cette situation sous-entend implicitement et étrangement que les successeurs de ces derniers seront aptes à prendre les décisions qui s’imposent.

Enfin, il est clair que plusieurs technologies ne sont pas à la pointe des attentes du milieu scolaire à l’heure actuelle. C’est pour cette raison que nous avons besoin de faire preuve de patience et d’accommodement pour contribuer à rendre le tout plus fonctionnel. Les enseignants sont des spécialistes de la pédagogie. Avec une bonne dose de créativité, ils sauront rendre ces technologies pertinentes et utiles pour leurs élèves afin de varier leurs approches pédagogiques.

  • L’invasion du milieu éducatif par le milieu corporatif ou le désir de laver plus blanc que blanc

Certains commentateurs appréciant particulièrement la critique sans rien apporter de différent ou pertinent au débat s’inquiètent de l’omniprésence de l’image de marque dans nos écoles. Je comprends bien que le iPad est une marque de commerce, mais comme Frigidaire, Frisbee, Kleenex et j’en passe, ils sont devenus des noms propres de fréquente utilité. Possiblement qu’on y réfère trop. Et alors ? Est-ce le plus grand enjeu dans le monde de l’éducation actuellement ? Est-ce que cela diminuera le décrochage scolaire ? Augmentera la mobilisation étudiante et professorale ? Est-ce que cela améliorera le financement de nos écoles ? Je ne crois pas.

Ce désir de laver plus blanc que blanc ou de se fermer à des ouvertures de développement professionnel sur la simple et unique base qu’on refuse de laisser une marque faire son entrée au sein de notre vie scolaire m’exaspère. Je trouve ce débat stérile, car par le désir de certains de protéger les élèves de toutes ces méchantes multinationales qui veulent l’âme de nos jeunes en les fidélisant dès la maternelle n’est pas fondé. Si vous aviez une idée géniale en développant un produit et que son nom de commerce devenait une sommité dans le domaine de l’éducation, vous seriez certainement fier de votre accomplissement et de cette reconnaissance. Lorsque l’on parle d’Epson, d’Apple, d’IBM, de Dell, de Didacti ou de Moodle, faut-il nécessairement en censurer l’appellation pour préserver l’innocence de nos petits ? Pourtant, personne ne s’insurge de l’utilisation des crayons Sharpie, Bic ou Papermate ! Et que dire des Cahiers Canada. Nous lancerons-nous dans un débat sur l’impérialisme canadien ?

On s’inquiète de nos élèves et de leurs parents qui sont rapides sur le recours à la théorie du complot pour expliquer un bon nombre de situations scolaires. Est-ce nécessaire que nos enseignants adoptent la même attitude et qu’ils voient un complot nécessairement capitaliste ?

L’éducation est certainement un des  derniers domaines qui résiste à intégrer les TIC. Pourtant, il devrait y faire figure de leader et ouvrir la voie aux autres domaines. La technologie est bien accueillie dans la majorité des sphères de la société. Sur la scène judiciaire, les progrès du domaine médicolégal a complètement révolutionné la pratique professionnelle des avocats, des policiers et des juges. En médecine, vous n’accepteriez pas que votre médecin vous propose une lobotomie comme remède à vos migraines aiguës. Dans le domaine de l’automobile, les nouveaux moteurs plus performants et moins énergivores suscitent votre envie. Mais en éducation, tout cela nous effraie ! Paradoxe : c’est un peu comme si nous étions conscients que des perspectives illimitées que nous offrent nos nouveaux outils, mais que l’on s’entête à continuer d’utiliser des moyens qui ont été élaborés il y a des décennies, des centenaires et même, dans certains cas, des millénaires.

Enseignants-technophiles de tous les pays, unissez-vous !

Tout cela qui me permet de conclure que, par mon expérience et mes observations, que l’espace pédagogique est occupé davantage par les enseignants réfractaires au changement plutôt que par ceux qui le soutiennent. Ces derniers sont principalement à l’œuvre sur différents forums virtuels ou dans des colloques ou congrès où leur clientèle est déjà acquise. Ce que je suggère est de poursuivre ce réseautage, mais surtout, se lancer sur des tribunes où les enseignants réfractaires se cantonnent ! Il faut contaminer positivement ces professionnels et agir en tant qu’effet multiplicateur.

Bref, pour paraphraser Marx, enseignants-technophiles de tous les pays, unissez-vous ! pour ainsi convaincre vos collègues du bien-fondé de votre démarche professionnelle !

Les stéréotypes véhiculés face à l’intégration des iPad à la pédagogie

Cette semaine, le gourou québécois de l’intégration des TIC  à la pédagogie a publié les résultats de son enquête sur l’intégration des iPad à l’école. En effet, Thierry Karsenti, titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les technologies en éducation a publié L’iPad à l’école: usages, avantages et défis : résultats d’une enquête auprès de 6057 élèves et 302 enseignants du Québec.

Plusieurs points retiennent mon attention, à commencer par le fait que l’ouvrage a été publié lundi dernier et que le jour même, plusieurs acteurs du monde de l’éducation l’avaient déjà lu dans son entièreté. Cela démontre l’aspect toujours plus rapide de l’instantané. Comme si ce qui pouvait être immédiat, pouvait l’être davantage… Néanmoins, cela prouve que l’amalgame de l’édition numérique et des médias sociaux a une force de frappe efficace et surtout, efficiente.

Le rapport, en tant que tel, donne des munitions à tous les intervenants dans le monde de l’éducation; autant aux détracteurs de l’intégration des TIC à la pédagogie qu’aux technopédagogues. Le meilleur exemple est certainement l’article paru dans La Presse deux jours après la parution des résultats de recherche de l’étude. Le journaliste Michael Oliviera a eu la brillante idée de titrer son court article de la façon suivante : Un élève sur trois joue sur son iPad en classe. À défaut de nous informer adéquatement sur la recherche de Monsieur Karsenti, le journaliste nous donne une leçon de journalisme sur l’art de relever les informations évidentes pour les publier hors contexte de façon perfides, tendancieuses, démagogiques et fallacieuses.

(…) une étonnante proportion de 99% [des élèves] a dit avoir trouvé l’outil technologique distrayant (…)

Il est évident que la presque totalité des élèves trouve l’iPad distrayant. C’est le principe même de l’outil ! Avec son intégration à l’enseignement, on vise, entre autres, la combinaison d’un outil personnel d’un élève pour l’en faire découvrir les aspects « professionnels » qui lui seront utiles dans sa profession d’élève. On vise l’intégration du scolaire directement dans sa sphère personnelle d’élève. C’est évident qu’il sera distrait ! Non seulement peut-il utiliser ses manuels scolaires sur son iPad en plus d’utiliser différentes applications propres à une matière, mais aussi, il peut aller sur Facebook, texter ses amis, etc. Nul besoin de rappeler que l’adolescence est particulièrement marquée par le besoin de socialiser chez les élèves, il est donc évident que l’iPad en classe sera utilisé à cette fin. L’élève trouvera toujours un outil pour communiquer avec son voisin de classe. Il n’y a qu’à penser au petit papier qui circulait à l’époque où nous étions élèves. Malheureusement, l’article de La Presse ne traite pas de l’importance de la formation des enseignants en gestion de classe avec un tel appareil, information pourtant omniprésente dans le rapport Karsenti.

Un tiers des étudiants du Québec sondés sur l’usage du iPad en classe ont admis pratiquer des jeux durant les heures d’école (…)

C’est probablement le commentaire le plus insignifiant qu’il m’ait été donné de lire dans un article portant sur l’intégration des TIC à la pédagogie. Cette lapalissade met en relief la première utilisation que les élèves ont  reconnue au iPad : le jeu. Il ne faut pas s’étonner du fait qu’ils veulent jouer avec l’appareil. Cependant, l’affirmation laisse fallacieusement croire que le tiers des élèves ne fait que ça ! Comme s’ils jouaient tout le temps de leur quotidien scolaire… Les heures d’école incluent des pauses et les élèves jouent principalement à ce moment. Cela ne veut pas dire qu’ils jouent en classe pour autant. Cependant, soyons réalistes. Il est évident que plusieurs élèves jouent pendant la classe et y perdent leur temps. Mais, dans les classes sans iPad, ces mêmes élèves crayonneraient ou dessineraient dans leurs cahiers, rêvasseraient ou perdraient leur temps de différentes façons. Le problème n’est pas l’iPad mais bien les stratégies d’enseignement peu motivantes employées par certains enseignants. Il m’apparait important de bien recentrer la problématique.

(…) bien que seulement quelques élèves ont dit avoir eu l’impression qu’une tablette informatique les aidait à mieux apprendre (…)

Ce qui est magique en éducation, c’est lorsque les élèves apprennent sans s’en rendre compte. Souvent, les élèves associent l’apprentissage à un processus ennuyeux, douloureux et souffrant alors qu’il y a une pléthore de façon de favoriser l’apprentissage par différentes formes de jeu. L’apprentissage ludique, par le plaisir, l’humour, ça existe. Il semble que plusieurs l’ignorent, à commencer par les journalistes. Avant d’écrire une telle phrase dans un journal à tirage national, n’y aurait-il pas lieu de clarifier quels apprentissages sont favorisés ? Et pour moi, l’apprentissage passe par la créativité, la curiosité, etc., et non pas seulement par l’assimilation ou l’ingurgitation de contenus disciplinaires. Malheureusement, le grand public ne reconnaît pas cela et, une fois de plus, les journaux entretiennent leurs lecteurs dans une certaine ignorance (sic). L’iPad permet l’apprentissages de maintes compétences de divers ordres transcendant les compétences transversales et disciplinaires au programme. C’est à ne pas négliger. 

Selon l’enquête, 70% des enseignants sondés n’avaient «jamais ou très rarement» utilisé l’iPad avant que leur usage ne soit instauré dans leurs classes, contre 53,6% du côté de leurs élèves sondés.

Le premier iPad est sorti sur le marché canadien en mai 2010. La collecte des données des chercheurs dans les milieux scolaires a été effectuée à partir de l’automne 2012 (p. 8). Un an et demi s’est écoulé entre la mise en marché de l’appareil et cette mesure de son intégration en classe. Il n’est donc pas surprenant qu’une aussi grande proportion d’élèves ou d’enseignant ne l’ait jamais utilisé, surtout compte tenu de son prix de vente qui n’en fait pas l’appareil le plus accessible aux familles québécoises. Si cette information est pertinente dans la recherche, quelle en est l’importance de la relever dans un tel article de journal ?

L’avènement des technologies en éducation, c’est une révolution dans le monde de l’éducation. Comme le cite la recherche, cela se compare à l’invention de l’imprimerie (p. 4). Je comprends qu’une révolution, ça dérange les forces conservatrices établies qui, bien malheureusement, détiennent le monopole de l’opinion dans le monde de l’éducation. L’article de Monsieur Oliviera ne fait que renforcer les stéréotypes négatifs de l’utilisation du iPad en classe en relevant principalement les défis posés par son intégration pédagogique plutôt que mettre en relief ses avantages. S’il est vrai que cette intégration est à parfaire, il y a lieu de réaliser que, en bien peu de temps, certaines écoles visionnaires ont fait le nécessaire pour prendre le virage technologique qui s’impose, en toute imperfection, certes, mais au moins, ils l’ont pris. Car au 21e siècle, la pire façon que le monde de l’éducation peut réagir face aux défis qui se posent dans la société, c’est par l’immobilisme.

 

Références :

Karsenti, T. et Fievez, A. (2013). L’iPad à l’école: usages, avantages et défis : résultats d’une enquête auprès de 6057 élèves et 302 enseignants du Québec (Canada). Montréal, QC : CRIFPE.

Le rapport est disponible sur le Internet de Thierry Karsenti.

 

OLIVIERA, M., Un élève sur trois joue sur son iPad en classe. Site téléaccessible au http://techno.lapresse.ca/nouvelles/produits-electroniques/201312/11/01-4720088-un-eleve-sur-trois-joue-sur-son-ipad-en-classe.php. Site consulté le 11 décembre 2013.

Technopédagogie et pédagogie active

Les TIC et la motivation scolaire
La technopédagogie est un néologisme adopté par le monde de l’éducation, lequel traduit une réalité incontournable au XXIe siècle : l’intégration des TIC à la pédagogie. Au Québec, nous réalisons honteusement que le taux de décrochage scolaire oscille autour de 30% et ce, en dépit du fait que les gouvernements prétendent  vouloir le faire diminuer et prennent une série de mesures pour y parvenir, lesquelles, bien tristement, s’avèrent peu fructueuses.

Également, il existe un clivage important entre les natifs numériques, cette nouvelle génération d’élèves branchés et compétents au niveau technologique. Ces derniers sont tombés dans la potion et adoptent un mode de vie numérique pour ne pas dire virtuel. À l’opposé, on trouve des enseignants, des parents qui utilisent leur appareils, dans bien des cas, de façon incomplète. Ils les utilisent pour leur fonction première (une caméra pour prendre une photo, un téléphone cellulaire pour téléphoner, etc). Ils considèrent d’ailleurs souvent ces appareils comme étant des gadgets. Ces immigrants numériques intègrent partiellement les TIC à leur vie, mais sans plus, contrairement aux plus jeunes qui les exploitent à fond.

La technopédagogie se veut ainsi le rapprochement de ces deux solitudes autour d’une stratégie pédagogique rassembleuse, maximisé par des enseignants soucieux de renouveler leur pratique professionnelle en vue de l’adapter aux nouvelles réalités de leur clientèle, constituée d’élèves motivés à apprendre différemment.

Selon les études de Thierry Karsenti, titulaire de la Chaire de recherche sur les TIC en éducation, il existe un lien positif direct entre l’intégration des TIC à la pédagogie et la motivation scolaire. Il appert que la modification du contexte scolaire a effectivement un rôle important à jouer avec la persévérance scolaire. Entre autres, on parle de :

  • Réalisation d’apprentissages mobilisateurs plaçant l’élève au coeur de l’action;
  • Création d’un espace créatif renouvelé autant chez l’élève que chez l’enseignant. C’est en quelque sorte, le retour de la valorisation de la créativité pédagogique, sur laquelle s’appuie une nouvelle dimension de la flexibilité pédagogique;
  • Retour de l’aspect ludique de l’enseignement. Oui, il est possible d’avoir du plaisir en classe et ce n’est pas vrai que l’apprentissage doit être ennuyeux ou même douloureux. Les recherches démontrent clairement qu’un élève qui s’amuse en classe en est un qui réussit mieux;
  • L’importance du réseautage. Les élèves connectent étroitement entre eux. Cela fait partie de leur vie. Ils le font virtuellement, ce qui explique entre autres l’importance qu’ils accordent à leurs appareils électroniques portatifs. Ils communiquent virtuellement dans plusieurs sphères de leur vie désormais numérique : autant dans leurs travaux scolaires, qu’au niveau des médias sociaux qu’au niveau des jeux vidéos.

Le retour du ludique et du créatif dans un monde pédagogique en proie à l’ennui et à l’inertie
À la suite de ces constats, on se rend compte que les TIC nous permettent d’apprendre à mieux apprendre. Nous réalisons également que la technopédagogie est impossible à réaliser sans une pédagogie active. Il est donc pertinent de prétendre que l’amalgame de la pédagogie conventionnelle combinée à l’utilisation d’outils technologiques en classe est carrément un désastre. Afin d’intégrer les TIC à la pédagogie, cela vise indubitablement un virage.

La pédagogie active implique donc une action directe et soutenue auprès de l’élève, ce qui pave la voie à la pédagogie différenciée. Cette dernière sort un peu de son contexte habituel. Sans nécessairement renier la nécessité de différencier ses interventions pédagogiques en fonction des élèves sous la responsabilité de l’enseignant, cette différentiation est surtout orientée vers la stimulation de la créativité chez l’élève en lui permettant de réaliser un travail dans la forme qui l’intéresse. Les objectifs à atteindre et les consignes sont indiqués. Le reste appartient à l’élève qui utilise sa créativité et les outils mis à sa disposition afin de réaliser la tâche que l’enseignant lui a soumise. C’est le type de différentiation pédagogique qui devient possible avec les perspectives technopédagogiques qui s’offrent désormais au monde de l’éducation. Mais, à première vue, cela peut faire peur aux enseignants. Comment cette pédagogie active peut-elle être applicable dans l’état actuel des choses où les classes sont bondées ? Impossible pour un enseignant d’être actif auprès de tous en même temps. D’où l’importance d’instaurer les conditions idéales d’enseignement coopératif. La classe contemporaine n’est plus le terrain d’exécution de la dictature du savoir où l’enseignant a le monopole de la connaissance. C’est un terrain fertile de coconstruction des savoirs. L’enseignant, certes connaissant, est surtout un stratège de cette connaissance, car il oriente l’élève vers sa découverte. Mon collègue illustre la situation de cette façon sur son compte Twitter: L’arrivée des appareils mobiles en éducation ne peut que conduire à transformer le rôle de l’enseignant soliste à celui de chef d’orchestre.

Si l’élève est sous-stimulé ou qu’il s’ennuie, il éprouvera le besoin de se distraire. C’est inévitable. Et cela n’est pas seulement propre à l’adolescent, mais bien à l’ensemble de l’humanité. L’impression de faire du temps est la pire perception qui doit être évacuée hors du monde de l’éducation, car elle est à la base du désengagement scolaire, cette forme de décrochage scolaire de l’esprit.

Parallèlement, on entend souvent les mêmes critiques. Les technologies sont en fait des jeux pour les élèves. Et puis ? C’est bien tant mieux si les élèves peuvent combiner jeu, plaisir et apprentissage. Les apprentissages réalisés dans une atmosphère de plaisir sont plus durables et signifiants pour les apprenants, petits et grands. C’est une occasion de perdre du temps. Effectivement, un élève en proie à l’ennui en est un qui perdra son temps avec ce qui l’occupe ou le passionne : réseaux sociaux, jeux, sites web d’intérêt, etc. Dans ce cas, deux solutions peu imaginatives s’imposent : soit que l’on interdise ces appareils en classe ou que les élèves ferment leur appareil. A priori, on réalise que la contrainte n’a jamais donné de résultats probants en milieu scolaire. Secundo, à quoi sert d’avoir ces outils sur les pupitres s’ils sont fermés ? En fait, ce n’est pas les TIC en classe qui sont une perte de temps. C’est l’ennui causé par des cours peu stimulants et mobilisateurs qui incite à des élèves à faire autre chose et à décrocher de ce qui se fait en classe. N’est-ce pas une facette de la nature humaine de s’ennuyer lorsque peu actif, stimulé ou intéressé ?

Des connaissances au bout des doigts… dans les poches !
Plus que jamais, le rôle de l’enseignant est d’enseigner des compétences liées au traitement de l’information puisque les connaissances sont disponibles au bout de nos doigts, dans nos poches. Nous assistons à une explosion de la disponibilité de l’information et à une surexposition des médias facilitant et façonnant nos communications. Mais, alors que nous communiquons de plus en plus, la qualité de ces rapports est discutable. L’enseignant éduque donc l’élève à se servir convenablement de ces connaissances en plus de l’éduquer à l’éthique de la recherche de sources convenables et crédibles. C’est, en quelque sorte, contribuer à développer esprit critique.

L’enseignant n’est plus l’unique pôle de connaissance et il doit céder sa place à l’affluence des connaissances en circulation grâce à Google, Wikipedia et leurs milliers d’émules. L’enseignant qui se sent diminué professionnellement face à ce fait ne réalise pas qu’en fait, c’est plutôt la nature de son travail qui évolue.

Également, ces enseignants accros au contrôle de toutes les facettes de leur classe sont inquiets : cette démocratisation des savoirs a de quoi menacer leur gestion de classe et la conduite de leurs activités pédagogiques quotidiennes. Les TIC sont une perte de contrôle sur les orientations que peut prendre un cours. Étant donné que les horizons sont illimités, les chemins de la connaissance que peuvent emprunter les élèves sont certainement hors du contrôle de l’enseignant qui n’a possiblement toutes les réponses à ces éventuelles questions. Si pour certain, c’est un dur rappel à l’humilité que de réaliser que l’on ne sait pas tout, il n’en demeure pas moins que les élèves ont le droit de réaliser des apprentissages hors de ceux déjà réalisés par leur enseignant. De plus, pour d’autres enseignants, les perspectives de coconstruction des savoirs et de coproduction de contenus sont des situations haletantes et motivantes. Ne faut-il pas simplement lâcher prise et accepter de simplement guider et orienter les élèves en acceptant de découvrir des connaissances avec eux ? Finalement, si on enseigne aujourd’hui de la même façon qu’il y a 10 ans, il se peut effectivement qu’on perde le contrôle de la classe. C’est à ce moment que l’attention des élèves se fixe sur une panoplie de sujets complètement hors propos, facilités par les TIC.

Ce qui est fascinant avec la technopédagogie c’est qu’autant pour les enseignants que pour les élèves, le tout en est à ses balbutiements et que tous découvrent en même temps et ensemble les rudiments de ce qui n’a plus de limites. C’est en quelque sorte la transformation du milieu scolaire en immense laboratoire de collaboration et de réseautage tous azimuts avec des individus qui, bien qu’ils maitrisent les TIC à différents niveaux, visent tous les mêmes objectifs. Prendre le virage de la révolution du monde de l’éducation du XXIe siècle.

 

 

 

 

 

Les sept caractéristiques des technopédagogues hautement efficaces

Nous venons de lire un court article sur un blogue américain intitulé , ou toujours préparé (dans le sens de préparation ou planification pédagogique). Court, mais plein de bons sens car on y fait référence à 7 caractéristiques incontournables chez l’enseignant technopédagogue. Également, nous vous rappelons que, selon le référentiel des 12 compétences professionnelles chez les enseignants québécois, la compétence #8 est sans équivoque : intégrer les technologies de l’information et des communications aux fins de préparation et de pilotage d’activités d’enseignement-apprentissage, de gestion de l’enseignement et de développement professionnel. 

Voici ces sept caractéristiques, traduites en français et augmentées au goût du jour :

1. Ils visent un but précis en utilisant les outils technologiques

En aucun temps, ils n’utilisent la technologie simplement pour l’utiliser. Ils le font avec un but en tête ou s’en servent pour déployer une stratégie. La technologie est un outil au service de la pédagogie et de son pédagogue et non pas l’inverse.
 

2. Ils sont flexibles et démontrent une bonne capacité d’adaptation

Évidemment, ils sont flexibles et sont en mesure de s’adapter aux nouveautés technologiques. Ils savent pertinemment qu’ils devront s’adapter encore dans deux ou trois ans à de nouveaux outils. Mais cette perspective ne les effraie pas, au contraire. Ils sont stimulés par cette situation puisqu’ils entrevoient les possibilités d’être des enseignants plus performants, dispensant un enseignement de qualité supérieure.

Jamais l’idée de devoir réviser leur planification de cours ainsi que leurs leçons ne les effraie puisqu’ils n’ont jamais entretenu une perception de l’enseignement comme étant statique et à l’abri d’inévitables mises à jour de leur propre développement professionnel.

3. Ils sont ouverts au changement

Pour eux, le changement est une occasion enivrante de faire les choses différentes et c’est une nouvelle occasion de se dépasser. Ils ne subissent pas le changement, ils le génèrent. En période d’instabilité, ils sont des forces motrices et influencent positivement les forces restrictives, plus réfractaires au changement. Ces enseignants sont donc les premiers à adopter de nouveaux outils alors que leurs collègues se complaisent souvent dans leur confort routinier. Le monde a beau détester le changement, il n’en demeure pas moins que c’est ce même changement qui apporte l’innovation et le progrès.

4. Ils partagent à outrance

Ces enseignants sont de la trempe de ceux qui donnent sans compter et qui partagent autant leurs découvertes que le matériel qu’ils créent. Ils savent pertinemment qu’ils ont beau partager, ils empruntent probablement autant. Ils travaillent en réseau et non en silo et ce réseautage s’effectue autant à travers des colloques ou ateliers divers qu’au niveau du partage grâce aux réseaux sociaux, entre autres Twitter et Facebook. Ces pédagogues exportent leurs pratiques gagnantes vers d’autres collègues issus de contrées lointaines ou non et importent celles de ces mêmes collègues pour apprêter le tout à leur style d’enseignement et à la culture de leur établissement.

5. Ils sont des ambassadeurs

Ils savent convaincre l’administration de débloquer les ressources nécessaires pour supporter leurs stratégies d’enseignement avec des outils technologiques. Également, ils sont en mesure de rendre ces mêmes outils faciles à utiliser pour leurs élèves et d’en expliquer quels avantages ils peuvent en tirer. C’est la même chose pour les parents de ces élèves qui peuvent parfois se sentir inquiétés de voir les TIC envahir l’espace éducatif. Ces enseignants sont des agents multiplicateurs positifs et transmettent l’envie aux autres enseignants de travailler à se dépasser professionnellement.

6. Ils sont prévoyants et clairvoyants

Ils planifient d’avance et son rarement à la dernière minute. Ils savent quel outil utiliser pour chaque situation d’apprentissage ou d’évaluation et ne laissent aucun détail au hasard.

7. Ils sont impliqués et actifs

Leur enthousiasme pour l’utilisation d’un nouvel outil est facilement décelable et cette excitation est à la base de l’appréciation de l’élève qui se sent stimulé et actif dans ses apprentissages. Comment se sentir autrement lorsque l’élève est en contact avec un enseignant stimulant et actif ? C’est contagieux !

 

Bien que l’article fasse état de sept caractéristiques, nous estimons que l’on pourrait en ajouter une huitième. En effet, plusieurs craignent, avec l’avènement des TIC en éducation, que les relations entre les différents acteurs du monde scolaire se déshumanisent au profit d’une certaine virtualité relationnelle. Les enseignants-technopédagogues utilisent les TIC comme outil et non comme une fin en soi. Cette technologie est au service de l’enseignement et non le contraire. Cela dit, bien au contraire de la crainte souvent répandue, les TIC, sous l’emprise de ces enseignants, favorisent les relations constructives entre les humains.

Mieux comprendre l’impulsivité et l’égocentrisme adolescent

Les professionnels de l’éducation secondaire en témoignent quotidiennement : les adolescents repoussent les limites de l’égocentrisme et des variations comportements extrêmes.

Nous savons tous que l’adolescence est marquée par de profonds changements physiques, hormonaux et psychologiques liés à la puberté. Les nouvelles technologies médicales permettent une nouvelle cartographie du cerveau et la neurologue, professeure et chercheuse en neurosciences cognitives, Sarah-Jayne de Blakemore de Université College of London (UCL) a quelques éléments d’explication pour nous.

Ses recherches, menées grâce à une nouvelle technique d’imagerie par résonance magnétique, révèlent plusieurs conclusions intéressantes que tous les enseignants et parents évoluant en compagnie d’ados devraient connaître :

  • Diminution de la matière grise dans le cortex préfrontal explicable par une certaine épuration de l’activité synaptique où le lobe se débarrasse de certaines synapse dans une perspective de renouvellement en vue de l’accomplissement de nouvelles activités cérébrales. Le cerveau est, en fait, en train de muer pour se préparer à délaisser les tâches enfantines pour accomplir des tâches plus complexes destinées à la vie adulte;
  • L’étude du cerveau dit social révèle que l’activité cérébrale du cortex préfrontal médian est diminuée par rapport à la même région chez un adulte, ce qui explique que les cerveaux des ados et ceux adultes emploient des stratégies différentes lors d’interactions sociales diverses.
  • Les perspectives sociales, dues au développement du cerveau, sont donc essentiellement altérées chez les adolescents. Cela explique donc que les ados ne peuvent réagir de la même façon que les adultes face à des situations de la vie commune.
  • Il en résulte une difficulté marquée à prendre en compte une perspective provenant d’autrui, laquelle a pour but de guider leur propre comportement et ce, dans tous les sens du terme.
  • Le jugement social de l’adolescent est donc altéré par un ralentissement de certaines zones cérébrales.

Les résultats de la recherche expliqueraient donc, en partie du moins, les comportements qui sont habituellement dénoncés par les adultes à propos des adolescents :

  • Ils sont écervelés et prennent des risque inutiles, sans égard aux conséquences de leurs actes;
  • On observe des variation d’humeur fréquentes qui peuvent paraître injustifiées;
  • Ils sont impulsifs et peuvent adopter un comportement ou un langage excessif;
  • Semblent à avoir de la difficulté à s’autocensurer;
  • Ils sont égocentriques et absorbés par leur propre personne.
Pour de plus amples informations, consultez le du Pr. Blakemore.

 

La classe inversée

Crédit : Fabrice Landry

La pédagogie inversée est une stratégie pédagogique consistant à concentrer le temps de classe afin réaliser les travaux pratiques en évacuant le temps requis pour l’exposé magistral. En réalité, ce n’est pas la pédagogie qui est inversée mais davantage la démarche d’enseignement. Puisque les élèves sont habituellement passifs lors des exposés magistraux de leur enseignant, ces derniers peuvent consulter le tout au moment et à l’endroit qui leur convient le mieux, via des canaux de communication issus des médias sociaux. Le tout implique que les élèves peuvent utiliser leur téléphone intelligent ou tablette électronique afin d’accéder au contenu publié par leur enseignant dans des médias comme YouTube, Didacti ou des portails institutionnels.

Autrement dit, l’enseignant n’a plus à répéter d’une classe à l’autre son cours. En fait, il passe davantage de temps auprès de l’élève à discuter, expliquer, supporter et orienter l’apprentissage. Il devient une ressource, un guide et un stratège pédagogique.

Les cours sont à visionner en devoir et les exercices sont à réaliser en classe, avec l’enseignant. Et ces vidéos ou podcasts sont accessibles, préférablement, en version compatible avec les appareils portatifs afin que les élèves puissent consulter ces capsules lorsqu’ils sont en transit entre l’école et la maison.

Historique

Si vous suivez moindrement l’actualité pédagogique américaine, vous savez pertinemment de quoi il est question. Ce que les anglophones appellent la Flipped Classroom, la Reversed Classroom est une idée géniale qui commence à être importée au Québec. Effectivement, cette stratégie pédagogique est mieux connue sous le nom de pédagogie inversée ou classe inversée.

La stratégie est née récemment aux États-Unis en 2007 par hasard alors que deux jeunes enseignants de science se questionnaient comment accommoder les élèves qui étaient fréquemment absents et dont les absences influençaient négativement les résultats académiques. C’est ainsi que Jonathan Bergmann et Aaron Sams ont entrepris d’enregistrer leurs cours pour ainsi les publier afin que leurs élèves puissent les visionner au moment où ils le jugent opportun, lors de leurs temps libres, à l’extérieur des heures normales de cours.

Les résultats ont été stupéfiants puisque les deux enseignants ont noté une baisse inattendue de l’absentéisme scolaire ce qui traduit une augmentation évidente de l’intérêt porté envers la matière. De plus, on a noté une augmentation de l’interactivité en classe et des discussions constructives et productives entre les élèves. Le tutorat par les pairs s’est imposé de lui-même et la collaboration et coopération étudiante a atteint un nouveau seuil.

Devant ce succès, les deux collègues ont poursuivi la création de capsules vidéo pour ainsi libérer l’essentiel de leur tâche en classe à aider les élèves dans leurs travaux pratiques.

Un autre succès les attendait au détour. Leurs capsules vidéo ont été téléchargées des centaines de milliers de fois par des élèves de partout dans le monde. On se doute que même des enseignants les ont utilisées puisque Bergmann et Sams ont été invités à prononcer des conférences aux quatre coins des États-Unis afin de promouvoir la stratégie pédagogique dont on leur attribue la paternité.

Pendant ce temps, Salman Khan mène une expérience parallèle de tutorat à distance via téléphone et Doodle avec l’une de ses cousines basées dans un autre état américain. Le mot s’est passé dans la famille et devant les difficultés de faire concorder les horaires de tout le monde, Khan a entrepris de s’enregistrer en vidéo et de partager le tout. Ce dernier, un virtuose des sciences et des mathématiques issu de la prestigieuse Harvard University, a donc construit un bon nombre de capsules destinées à ses cousins dans le but de les aider dans leurs difficultés académiques. Les résultats ont tellement été probants que l’éducateur a abandonné son emploi du monde de la haute finance pour fonder la Khan Academy. Cette entreprise a été sous les feux de la rampe puisqu’elle a obtenu des subventions de Google (2 millions de dollars) et de la Fondation Bill and Melinda Gates (1.5 millions de dollars). Grâce à ces subventions, un site web avec tous les outils nécessaires pour créer et supporter plus de 3300 vidéos hébergées sur YouTube, lesquels ont attiré plus de 82 millions de consultations en quelques années seulement !

De retour chez-nous, c’est depuis 2011 que la pédagogie inversée apparaît dans le paysage scolaire québécois. Cette situation est sans aucun doute liée à l’omniprésence des appareils technologiques qui envahissent les classes où plusieurs enseignants et administrateurs se penchent sur la question de l’intégration des TIC en milieu scolaire. Et à cette réponse, la stratégie dont il est ici question semble apporter des éléments intéressants de réponse. Deux pionniers de la classe inversée sont omniprésents sur la toile québécoise : Éric Noël, dit le , enseignant de sciences et mathématiques au Saguenay, ainsi que , enseignant au Cégep régional de Lanaudière à Terrebonne.

Le livre de Bergman et Sams a également été traduit en français par les Éditions Reynald Goulet.

Façon différente d’enseigner ou se libérer des conventions

Derrière ces innovations pédagogiques qui ont, par accident, donné naissance à la pédagogie inversée, il y a en fait une véritable révolution scolaire alors que les fondements du quotidien pédagogique traditionnel sont ébranlés. Pour adopter les principes de la pédagogie inversée, il faut apprendre à penser différemment en tant qu’enseignant pour se défaire peu à peu des paradigmes traditionnels qui ont défini notre vision de l’éducation en tant qu’élèves, puis étudiants, puis enseignant. Et ce n’est pas si simple de s’émanciper de nos conceptions et perceptions.

Voici donc deux nouveaux paradigmes à adopter :

Paradigme 1 : L’enseignant-ressource ou un pas de plus vers une pédagogie active.

L’enseignant est toujours un outil de transmission de savoirs. Il en sera toujours un. Cependant, force est d’admettre qu’avec la démocratisation de l’information, il ne peut concurrencer Google et Wikipedia. C’est la connaissance d’un professionnel contre celle du monde entier. Il faut donc accepter notre nouveau rôle qui est celui d’éduquer nos élèves à rechercher et consulter les bonnes ressources grâce à un esprit critique. À cet égard, une éthique de recherche devient indispensable puisqu’il faut apprendre à vérifier les sources et à les citer adéquatement. Nos élèves sont curieux et ils portent la connaissance du monde dans leurs poches. Mettez-vous à leur place. Vous contenteriez-vous de la connaissance de votre enseignant ou seriez-vous poussé à en savoir davantage ? Au siècle actuel, à l’époque du web social, il est tout à fait normal et compréhensible que les élèves soient plus informés ou cultivés que ces mêmes élèves d’il y a dix ou vingt ans. Cependant, force est d’admettre qu’ils sont certainement moins éduqués à utiliser cette même connaissance et moins compétents à l’utiliser en situation de la vie quotidienne. Donc, en un certain sens, c’est la fin du monopole du savoir.

Cela implique donc qu’il n’est plus nécessaire de bâtir ses cours autour d’une stratégie de cours magistraux. Et ce, pour deux raisons. Dans un premier temps, pour un élève, pourquoi serait-ce pertinent d’écouter l’exposé d’un enseignant quand tout ce qu’il dit, ou presque, se retrouve sur internet et que ce contenu est accessible au moment et de la façon qu’il le désire ? De plus, s’il a des questions, il n’a qu’à texter son compagnon de classe ou poser une question sur Facebook où sa communauté d’amis lui répondra illico. D’où la pertinence de modifier ses stratégies pédagogiques pour favoriser un apprentissage plus actif, où l’élève est poussé à s’investir et à entreprendre une réelle démarche.

Bref, exit le Sage on stage et vive le Guide on the side pour reprendre l’expression américaine consacrée de la flipped classroom. Dans la classe inversée, nous sommes dans l’écoute et dans l’agir plutôt que dans la valorisation de l’exposé oral théorique. Nous enseignons aux élèves à apprendre à apprendre. C’est l’enseignement à la métacognition pure et simple.

 

Paradigme 2 : Travailler en réseau et non en silo.

Soyons honnêtes et disons-le tout haut. Les enseignants ont tendance à travailler en silo. La notion de protectionnisme est malheureusement omniprésente dans le monde de l’éducation. C’est un peu comme si certains  enseignants protégeaient jalousement un secret d’État. Les raisons expliquant ce repli sont certainement nombreuses et probablement toutes aussi bonnes les unes que les autres, mais on constate trop souvent que deux enseignants qui enseignent la même matière au même niveau n’ont pas les mêmes exigences, les mêmes situations d’apprentissage ou les mêmes grilles d’évaluation.

Cependant, nous sommes actuellement à l’air du partage et cela n’est pas applicable seulement entre collègues de la même institution et du même niveau. La communauté éducative doit se mobiliser davantage afin d’établir des réseaux de partage d’idées et de stratégies. D’entrée de jeu, un enseignant est un professionnel doté d’un sens inné de la curiosité et de l’exploration. Pourquoi ne pas assouvir cette curiosité pour ainsi explorer les pratiques de ses autres collègues québécois, européens ou nord-américains ?

Actuellement, Twitter est un excellent outil de partage qui s’intègre bien dans la vie d’un enseignant qui est occupée et hyper sollicitée de toute part. Twitter est concis et universel. Pas d’artifice. Facebook et ses nombreux groupes sont également sollicités. Il existe des regroupements professionnels qui sont également animés par des conseillers pédagogiques qui reconnaissent l’importance du réseautage. Le succès connu par le Réseau pour le développement des Compétences par l’Intégration des Technologies, mieux connu sous l’acronyme RÉCIT, est un excellent exemple de l’importance que prend le réseautage dans le monde de l’éducation.

Devant la nécessité de modifier nos pratiques pédagogiques, il appert nécessaire, voire incontournable, d’aller voir ailleurs ! Qu’est-ce qui se fait ? Quels en sont les résultats ? Comment puis-je importer cela dans mon milieu en fonction de mon style d’enseignement ? Souvent, ce sont les adaptations de ce qui se fait ailleurs qui ont le plus de succès.

L’importance de participer à ces colloques et formations ponctuels est incontournable et mène à une grande ouverture sur le monde éducationnel en plus d’élargir les perspectives de notre développement professionnel. Si nous prenons souvent l’allégorie du médecin qui ne se renouvelle pas, elle a certainement autant de sens chez l’enseignant qui enseigne toujours de la même façon et qui ne se renouvelle pas plus !

À un niveau plus pragmatique, en classe, le programme de formation de l’École québécoise valorise clairement la compétence « apprendre à travailler en équipe ». La pédagogie inversée se situe dans le courant de l’enseignement coopératif où les élèves sont appelés à échanger et discuter ensemble afin de construire leur savoir et le vérifier auprès de leurs collègues. Ce qui émerge naturellement de ces situations d’apprentissage c’est l’instauration de mesures de tutorat par les pairs qui est, implicitement et indirectement, supervisées par l’enseignant. Autrement dit, les élèves s’aident entre eux et partagent leurs découvertes et leur compréhension de diverses situations amenées par l’enseignant.

Cette nouvelle atmosphère de travail permet différentes expérimentations pédagogiques laissant libre cours à la créativité de l’enseignant. La latitude ainsi obtenue peut permettre à ce dernier de pousser l’expérience vers d’autres niveaux qui n’ont de limites que son imagination. Mais surtout, ce qui est intéressant est que la partie magistrale maintenant largement évacuée du temps de classe, cela libère du temps pour une pédagogie plus personnalisée donc, mieux différenciée.

Paradigme 3 : Revoir l’organisation des ressources informatiques et matérielles

Les ressources informatiques et matérielles, en milieu scolaire, sont indissociables du progrès pédagogique. Ces ressources doivent être accessibles et ouvertes en terme d’attitude et de vision. Impossible de travailler en silo puisque, prônant une approche collaboratrice et coopérative, elle travaille conjointement avec la département de la pédagogie. S’il est toujours possible que l’aspect pédagogique soit abordé séparément de celui de l’informatique, l’inverse n’est pas possible. Du moins, pas dans une école inscrite dans la contemporanéité du 21e siècle.

Les ressources matérielles et informatiques sont la pierre d’assise de la pédagogie actuelle. Elles facilitent à plusieurs égards l’ouverture sur le monde et offrent de nouvelles possibilités de collaboration autant pour les enseignants que pour les élèves. Il est donc primordial, voire vital, de mettre ces ressources au service de la pédagogie. Et pour ce faire, il est impératif que les outils destinés à l’usage enseignant soient conviviaux et faciles d’utilisation. Surtout lorsqu’il s’agit des ressources informatiques. Déjà, en partant, plusieurs enseignants sont réticents à intégrer les TIC en classe, s’il faut que la transition se fasse difficilement ou de façon cahoteuse avec les outils mis à sa disposition, plusieurs enseignants ne persévéreront pas dans leur actualisation de stratégies d’enseignement.

La pédagogie implique la valorisation d’un certain exercice de créativité professionnelle chez l’enseignant. Or, pour être créatif, on doit travailler, dans la mesure du possible, avec les outils que l’on préfère, que l’on privilégie. L’imposition de certains outils ou services informatiques dans l’exercice des fonctions est navrante. Le fait d’imposer des blocages divers à l’utilisation d’un site web ou autre, devient, à la longue, démotivant et… castrant ! Bloquer Hotmail, Facebook, YouTube, Twitter, etc., est souvent plus compliqué pour les enseignants technophiles que pour les élèves eux-mêmes ! Surtout qu’actuellement, ils ont leur téléphone intelligent dans leurs poches et ils peuvent aller sur ces sites n’importe quand. Mais lorsqu’un enseignant souhaite utiliser un de ces sites à des fins éducatives, il est désagréable de devoir faire le pied de grue devant le bureau du technicien pour demander une dérogation aux règles de blocage de certains sites. Plusieurs enseignants, qui se considèrent à l’avant-garde technopédagogique, estiment qu’ils sont toujours en train de quémander de nouveaux outils ou ressources afin de satisfaire leurs besoins en TIC. Bien que tous reconnaissent qu’il y a des limites budgétaires à respecter, il est résolument nécessaire d’alimenter ces enseignants qui sont, à bien des égards, des modèles pour leurs pairs au sein du milieu. Si eux le font avec plaisir, cela influencera certainement des collègues à faire le saut !

Également, une nouvelle tendance pour les établissements scolaires est le fameux BYOD : Bring your own device ou apportez votre propre appareil. Autoriser les téléphones intelligents en classe permet de régler une partie du problème alors qu’on se demande quel outil privilégier en classe. IPad ? Tablette Android ? MS Surface ? IPhone ou Galaxy ? Comme dans n’importe quel établissement commercial ou non, il y a des règles budgétaires à respecter. Et l’achat de matériel informatique, ce n’est pas donné. Prévoir ces dépenses, c’est une chose, mais voir cet investissement désuet après un an en est une autre. Au rythme où vont les choses, Apple sort deux nouveaux iPad par année. Il y a de quoi rendre les écoles frileuses face à l’adoption de cette technologie. Le premier iPad a été commercialisé en mai 2010 et cet appareil n’est déjà plus supporté par iOS 6 ! Bref, les appareils informatiques ont, de nos jours, une durée de vie très (trop) limitée.

Voilà donc une alternative peu couteuse et combien tendancieuse, car les établissements scolaires profitent de la « mode » de la mobilité des appareils électroniques afin de les inviter en leurs murs. Cependant, cela implique que ces mêmes établissements offrent un réseau internet complètement libre et accessible à sa clientèle étudiante. Parallèlement à cette ouverture, il est important que les élèves comprennent que l’école n’offre pas de service de soutien technique pour la pléthore d’appareils mobiles qui existent sur le marché. D’ailleurs, cela libère l’équipe technique des établissements d’enseignement alors que le fardeau du soutien technique et des mises à jour des appareils incombe directement à l’utilisateur. Génial, non ?

Mais ce qui est le plus intéressant avec le modèle BYOD, c’est certainement enfin d’apprendre aux élèves comment utiliser leur appareil de façon éducative. Ils en connaissent les applications sociales, mais très peuvent l’utilisent à bon escient. Alors comment est-ce que ces appareils peuvent devenir des outils productifs au lieu de devenir des outils de prolongement de la personnalité d’un individu. À constater quotidiennement le rapport étroit que les jeunes entretiennent avec leur téléphone intelligent, il est effectivement inquiétant de réaliser à quel point cet appareil meuble outrageusement leur existence. Il est temps d’enseigner aux élèves comment utiliser un appareil personnel et le transformer en outil professionnel lorsque besoin il y a.

La pédagogie inversée est tributaire des nouvelles technologies. Prendre le virage signifie immanquablement d’entreprendre un virage technologique afin de rendre différentes ressources disponibles pour les enseignants et les élèves. L’un ne va pas sans l’autre.

Au niveau des ressources matérielles, certaines classes doivent être réaménagées. Outre la possibilité d’y placer du matériel informatique, il est question de disposer de l’environnement physique différemment afin de favoriser la collaboration. Comment placer les tables ? Les chaises ? Le bureau de l’enseignant ? Certains enseignants arrivent en classe simplement avec… une chaise qu’ils déplacent au gré de leurs interventions. Exit le bureau du prof !

 

Façon différente d’apprendre

Qu’on le veuille ou non, la clientèle scolaire a grandement changé depuis les dernières années. Elle a changé probablement plus ces dernières années qu’au cours des deux décennies précédentes. Ces élèves apprennent différemment. Et comme dans n’importe quel marché, on doit s’adapter à notre clientèle et offrir des services qui attirent leur attention. Si l’éducation a souvent échappé à cette logique mercantile, il n’en demeure pas moins qu’il y a lieu d’importer quelques credos. En fait, notre milieu est probablement le seul qui n’a presque jamais eu à se soucier de s’adapter à sa clientèle et même, qui pousse sa clientèle à s’adapter à ses pratiques de façon presque tyrannique. Possiblement que c’est une des raisons qui explique le haut taux de décrochage scolaire en Occident, dont au Québec qui dépasse honteusement les 30%. La pédagogie traditionnelle est une sorte de « melting pot » qui reprend le modèle « one size fits all » alors qu’en réalité, les années 2000 sont celles de la pédagogie différenciée et des intelligences multiples.

La pédagogie inversée rompt avec ce constat et cette tendance pernicieuse afin de personnaliser les interventions éducatives des enseignants en classe, sur une base quotidienne. Également, l’accent est mis dur la nécessité d’apprendre pour apprendre, non pas pour l’objectif réducteur de simplement réussir l’examen. Il devient agréable d’apprendre pour les élèves parce qu’ils en reconnaissent la pertinence et la signifiance à la base de leur implication dans le processus d’apprentissage. Quand on va à la rencontre de la connaissance, l’aventure nous mène à toujours vouloir en savoir plus puisque nous sommes partie active intégrante de cette aventure. Lorsque nous sommes sujets d’un enseignant qui déballe son lot de connaissance et qu’elle parvient clé en main à notre intellect, nous développons une triste habitude de passivité envers notre propre processus d’éducation. Triste constat, certes, mais tellement omniprésent dans nos classes…

 

Quelques mythes à déboulonner

  • Le remplacement de l’enseignant par l’ordinateur ou dévaluation de la profession enseignante

Les craintes des enseignants d’être remplacés par la technologie sont répandues. C’est plutôt la maximisation de la ressource qu’est l’enseignant qui est au centre de la pédagogie inversée. Rien ne peut remplacer l’enseignant dans la classe pour une éducation de qualité. Il est erroné, voire loufoque, de croire le contraire.

  • La pédagogie inversée, c’est se filmer en train d’enseigner

La pédagogie inversée n’est pas seulement l’utilisation de la vidéo dans un contexte pédagogique. C’est plutôt le réaménagement du temps en classe et des stratégies qui y sont déployées qui est la pierre angulaire de cette stratégie. Les capsules vidéo du contenu magistral sont en fait la conséquence de ce réaménagement. La pédagogie inversée se prête également à la consultation de sites web ou la lecture de documents préalables au cours. L’important, au risque de répéter, c’est de libérer du temps en classe afin que l’enseignant intervienne de façon active auprès d’élèves actifs.

  • Manque d’autonomie et de sens des responsabilités chez les élèves

Nous entendons souvent que les élèves ne sont pas assez autonomes et matures pour assumer leur responsabilité d’apprenant et ainsi y jouer un rôle central. Dans cette optique, comment les rendre plus autonomes si on continue à solidifier le lien de dépendance qu’ils entretiennent envers l’enseignant dans leur classe ? L’autonomie n’est pas innée, mais elle s’acquiert plutôt au gré de différentes situations éducatives. Il est donc de la responsabilité de chacun des acteurs scolaires, incluant les parents, de veiller à créer des conditions de développement de cette aptitude humaine essentielle dans la vie en société. En ce qui concerne l’enseignant, oeuvrant en pédagogie inversée et en agissant en tant que guide et boussole, il crée un climat propice au développement de l’initiative et de l’autonomie afin que l’élève joue prépondérant dans ses apprentissages et dans la construction de son savoir et de sa culture personnelle. Cela dit, l’élève devient autonome puisqu’il n’a plus besoin de l’enseignant pour l’alimenter et le stimuler. Il y parvient seul et sait s’affranchir de la contribution des autres dans sa propre vie.

Inutile de vous dire que l’édification de l’estime personnelle du jeune se voit grandement favorisée car on lui fournit les conditions gagnantes à sa propre réussite. L’enseignant fournit les conditions, mais l’élève les réalise. Ainsi, un élève qui réussit en est un qui se réalise.

  • Il faut faire des clips vidéo de grande qualité

Bien qu’il soit important que la capture audio soit de bonne qualité et que le débit de voix soit ralenti, il n’est pas nécessaire de réaliser des clips vidéo qui deviendront finalistes à la cérémonie des Oscars. En fait, ce qui importe, c’est que l’élève reconnaisse son enseignant et qu’il soit familier avec le style d’enseignement de ce dernier. Pour le reste, le contenu est beaucoup plus important que le contenant.

Évacuez la pression issue du perfectionnisme enseignant. Il se peut que votre collègue ait plus de compétences informatiques lui permettant d’utiliser des programmes de screencasting plus évolués. Mais sachez qu’il existe plein de ressources conviviales et intuitives sur le marché dont plusieurs sont complètement gratuites.

Donc, la classe inversée, c’est l’avènement de la collaboration en classe, rendue possible grâce au réaménagement du temps de classe vu l’évacuation de l’aspect magistral désormais disponible en vidéo pour visionnement par les élèves sur leur propre temps personnel. Dans cette optique, l’enseignant se désenclave de son rôle traditionnel de distributeur de leçons magistrales et de passeur de matière devenir un agent collaborateur sous forme de guide et d’orienteur de discussion académique et éducative.

Peu importe les arguments des détracteurs de la stratégie pédagogique dont il est question, il n’en demeure pas moins que la classe inversée se veut une rupture avec le modèle traditionnel. Et c’est exactement ce que le monde de l’éducation a besoin actuellement : du dynamisme, de l’ouverture, de la collaboration et surtout, de l’innovation !

Mais attention. La pédagogie inversée n’est pas la panacée. C’est un pas de géant dans une pédagogie plus active. À long terme, ne faire que de la pédagogie inversée nous ramène au même problème qu’actuellement, en pédagogie traditionnelle. Ça peut devenir blasant.

La conciliation travail-études chez les élèves au secondaire

Le deuxième cycle au secondaire du milieu scolaire québécois a de plus en plus de difficultés à concurrencer le monde du travail. À vrai dire, il est engagé dans une lutte sans merci contre un monde qui lui vole des cerveaux pour les aguerrir à diverses tâches payées un peu plus qu’au salaire minimum. Récemment, il était question, dans les quotidiens, des inquiétudes des enseignants qui constatent que les élèves étudient de moins en moins. Ils n’ont plus le temps !

Pourtant, les bienfaits du monde du travail pour les jeunes sont indéniables. Cela permet de développer le sens de l’organisation et des responsabilités de nos élèves en plus de contribuer à stimuler l’émergence de qualités essentielles chez un adulte en devenir : entregent, autonomie, ouverture, etc. À 16 ans, il est souhaitable, voire essentiel qu’un élève apprenne à gérer différentes facettes de sa vie : amis, famille, amour, travail, école. La clé du succès est cependant l’équilibre et actuellement, nous avons des raisons de croire que trop d’élèves s’investissent aveuglement et exagérément dans leurs activités dites « professionnelles ».

« Si le travail nuit à tes études, lâche l’école ! »

Alors que nous parlons depuis longtemps de la conciliation travail-famille pour les adultes québécois qui allient tant bien que mal leur vie familiale et leur vie professionnelle, nous faisons face à une nouvelle réalité : la conciliation travail-études chez nos jeunes en milieu scolaire. Déjà, aussitôt qu’en quatrième année du secondaire, soit à 15 ans, ils apprennent à jongler avec les horaires de travail et leurs obligations scolaires.

Prenons le cas d’un élève qui travaille trente heures dans une entreprise quelconque. À ses heures de travail, on en ajoute trente-cinq passées à travailler en milieu scolaire. Au total, sur les 168 heures hebdomadaires, il a déjà passé près de 40% de son temps à travailler à l’école ou ailleurs. À cela, si on ajoute les neuf heures de sommeil quotidien recommandées pour les adolescents par la Société canadienne du sommeil, 75% du temps de l’élève dans une semaine est ainsi occupé. Il reste bien peu de temps pour les études et leçons à la maison ainsi que pour les activités sociales et familiales. Le stratagème estudiantin est alors simple : sommeiller à l’école, négliger devoirs et leçons au détriment du rendement académique, négliger la vie familiale. Autrement dit, pour l’appât du gain immédiat, l’élève hypothèque son futur puisque le cercle vicieux s’enclenche : trop de travail, baisse du temps investi dans ses études, baisse des résultats, baisse des possibilités d’admission au cégep dans un programme contingenté, etc. Le monde du travail devient donc la solution en bout de ligne puisque l’élève a épuisé ses possibilités et son ambition pour les études postsecondaires. Dans plusieurs cas, il restera de façon permanente sur le marché du travail aux mêmes conditions que lorsqu’il était aux études. Sans compter que ce surmenage n’est probablement pas étranger à la recrudescence des cas de mononucléose ou de dépression chez nos élèves. Quel gaspillage de talents !

Une lutte inégale

Voici ce que propose le monde du travail à nos jeunes. Un salaire alléchant oscillant autour de 10$ de l’heure avec des horaires flexibles. Pour un élève travaillant 25 heures, cela signifie des paies bimensuelles de 500$ dont sans les impôts sont remboursés immédiatement ou au printemps suivant. Les déductions salariales se limitent donc aux cotisations d’assurance-emploi et aux cotisations syndicales. Le monde du travail apporte ce que les jeunes recherchent : une gratification immédiate permettant de jouir immédiatement des bienfaits d’un argent de poche. Sans compter que les élèves ont déjà des comptes à payer ! Les factures de téléphonie cellulaire sont souvent salées et, comme cela a toujours été le cas, l’accès à une voiture, indubitable signe de liberté, implique des dépenses considérables.

Parallèlement, le milieu scolaire québécois offre des promesses à long terme. Pour une génération d’adolescents vivant dans le présent, le choix est facile à faire. On a beau promettre que dans une dizaine d’années ces jeunes seront des citoyens complets, en moyens, avec une tête bien faite et bien pleine, on ne peut le faire impunément car il manque un ingrédient important que le milieu scolaire peut difficilement contrôler : la persévérance. Car c’est définitivement un véritable modèle de persévérance, pour ne pas dire d’opiniâtreté, où le gain s’échelonne sur plusieurs années qui est proposé par l’École québécoise.

Nous ne sommes pas de calibre; nous proposons une solution à long terme qui s’oppose à une gratification à court terme qui s’inscrit pourtant exactement dans les valeurs sociales actuellement véhiculées. Cela veut tout dire. Comment ainsi blâmer nos élèves ? Ils ne veulent que jouir des avantages d’être adulte. D’ailleurs, le monde du travail est tellement puissant et omniprésent qu’il exige, à l’occasion, une lettre de l’école pour motiver l’absence au travail de nos élèves, leurs employés, lors d’un voyage scolaire ou d’une semaine d’examens. Cependant, il y a lieu de tourner cette lutte inégale à l’avantage du milieu scolaire, donc des élèves.

La solution ?

Il est évident, en premier lieu, que les parents doivent s’impliquer dans les choix des élèves d’évoluer sur le marché du travail. Ils doivent déterminer dans quelle mesure et de quelle façon les besoins de leurs enfants doivent être comblés. De plus, le rôle de l’école en est un de sensibilisation et d’éducation face au phénomène. Le milieu scolaire doit expliquer quelles sont les conséquences mesurables de l’investissement exagéré des élèves dans leurs activités « professionnelles ». D’ailleurs, pourquoi ne pas imposer un contrat de travail avec les élèves de la quatrième et de la cinquième année du secondaire où ces derniers s’engagent à limiter leurs heures travaillées dans d’autres milieux que l’école. Ce contrat serait également un outil de sensibilisation garni de statistiques et faisant l’éventail des conséquences mesurables du phénomène, dans les milieux scolaires, au niveau de la diplomation, du décrochage scolaire ou de l’effet sur les notes.

Également, le gouvernement devrait s’impliquer dans le dossier. Pourquoi ne pas légiférer en limitant les heures de travail des élèves inscrits à temps-plein au secondaire ? Y aurait-il lieu d’imposer des pénalités fiscales aux élèves afin qu’il y ait d’autres déductions qui s’appliquent sur leur salaire ? Idem pour les entreprises : peut-on les pénaliser en ce sens ?

Finalement, il y a lieu de souligner une belle initiative. Le Réseau réussite Montréal est un organisme de réseautage et de mobilisation d’institutions (et d’employeurs) adhérant aux valeurs scolaires et priorisant la réussite scolaire de leurs employés. C’est  un lieu de convergence des actions ayant une influence positive sur les jeunes, les parents et les intervenants dans le but d’accroître la persévérance, la réussite et le raccrochage scolaire. Il est évident que le succès d’une telle mesure passe par la sensibilisation des entreprises face au phénomène. L’école, d’ailleurs, peut être plus active à cet égard en sollicitant l’appui des entreprises environnantes quant aux horaires de travail des élèves.

Il importe de cesser d’exploiter la naïveté des élèves et de nourrir leurs aspirations en gratifiant immédiatement leur désir d’affranchissement. En leur permettant de se lancer tête baissée dans le monde de l’emploi, nous leur permettons de courir à leur perte alors que nous prétextons que ce monde contribue à leur essor personnel. Il ne devrait y avoir aucune conciliation travail-études. Rien ne devrait entraver le travail scolaire de nos élèves de deuxième cycle du secondaire. Nous avons tous la responsabilité de leur faire comprendre que la vraie richesse est celle de l’investissement en leurs capacités, leurs passions et en leur futur. Rien de moins.