À l’origine, nous estimions que le changement en milieu scolaire se mettrait en oeuvre par la force de la mouvance sociale, à savoir que la perméabilité entre ce qui se passe dans la société et ce qui se passe à l’école finirait rapidement par imprégner le tissu scolaire d’avant-gardisme et d’innovation. Nous avions tort; le processus se fait, certes, mais très lentement. Par la suite, nous avons compris que les résistances aux changements dans les milieux scolaires étaient dues à des réactions humaines, normales dans les circonstances : peurs, réticences, croyances établies, forte tradition, etc. En conséquence, plusieurs commissions scolaires et écoles ont mis l’accent sur le leadership transformationnel pour voir émerger le changement directement des classes. Voici quelques observations que j’ai eu l’occasion de faire cette dernière année à travers plusieurs discussions et rencontres que j’ai eues avec plusieurs agents de changements issus d’écoles du pays en entier.
Les fractures pédagogiques et technologiques
Plusieurs décideurs scolaires ont choisi d’outiller les enseignants novateurs pour leur permettre de s’affranchir des contraintes pédagogiques, culturelles et organisationnelles qui les forcent à se complaire dans un modèle scolaire qui ne leur ressemble plus. Ces décideurs voyaient une occasion de contribuer à mettre un terme au nivèlement vers le bas des pratiques pédagogiques pour offrir des modèles professionnels accessibles et rendre l’ambition des leaders locaux enfin accessible. Si cette stratégie a permis à plusieurs professionnels de l’éducation de s’élever et s’émanciper pédagogiquement, il n’en demeure pas moins qu’un autre constat se dresse : les fractures pédagogiques et technologiques se sont accrues ! Si les uns se sont élevés, d’autres sont demeurés là où ils campent depuis belle lurette. Désormais, il y a un schisme, une scission entre les pratiques novatrices des uns et celles plus traditionnelles des autres.
Et qui parcourt quotidiennement cette distance sans cesse grandissante entre les pratiques enseignantes ? L’élève. La question est désormais la suivante : comment rétrécir les fractures pédagogiques et technologiques sans compromettre l’audace pédagogique et ainsi niveler vers le bas ?
La réponse est simple en théorie, mais complexe en pratique : pour paraphraser l’inspirante , il faut adopter le « no teacher left behind » (clin d’œil au « no child left behind » américain). Il est impératif d’aller vers les enseignants rébarbatifs à revoir leurs approches pédagogiques et leur démontrer clairement ce qu’ils ont à gagner et comment leurs élèves en bénéficieraient. Peut-on leur donner accès à conseiller ou mentors pédagogiques ? Les accompagner pédagogiquement en leur permettant de se faire eux-mêmes un plan de développement professionnel ? Ou encore, peut-on les inviter dans différentes communautés d’apprentissages et de partage d’expertises professionnelles dans lesquelles ils peuvent autant contribuer qu’apprendre ?
Sachant pertinemment que pratiquement tous les enseignants qui cherchent à se réinventer le font déjà en profitant d’un contexte didactique favorable à cet égard depuis quelques années, il n’en demeure pas moins qu’il faut accepter que ce ne sont pas tous les enseignants qui sont dans cette prédisposition. Néanmoins, tous doivent instiller une mentalité de croissance professionnelle en tout respect au rythme de chacun. Il importe d’être en mouvement alors que les leaders scolaires mesurent souvent leur ascendant sur la vitesse des professionnels qu’ils aspirent à influencer.
Savoir se réinventer
Cela dit, il faut aller chercher les professionnels de l’éducation dans leurs derniers retranchements. Ils savent tous que tôt ou tard, ils devront changer leurs approches pour les moderniser. Ils savent que ce qui se passe autour d’eux finira par les forcer à adopter une nouvelle posture professionnelle. Ils s’accrochent tant bien que mal à leurs conceptions originales de ce qu’est leur propre profession.
Chaque jour, je découvre de nouveaux enseignants qui sortent de leur silo professionnel. Je les rencontre dans les médias sociaux, à des colloques, congrès, conférences, activités de réseautage, à la lecture de leurs blogues, dans des écoles, dans leurs classes, etc. On en veut plus : plus souvent et plus rapidement. Si ces « nouveaux venus » sont de plus en plus visibles, je doute que nous ayons atteint une masse critique pour faire basculer ce système désuet qui convient plus aux professionnels de l’éducation qu’à leurs élèves.
Pour 2017, j’invite tous ceux qui œuvrent dans l’éducation québécoise, à faire preuve d’audace professionnelle pour ainsi collaborer pour, ultimement, aspirer à ce que nos élèves fassent de même dans leur démarche d’apprentissage. J’invite tous les professionnels de l’éducation à sortir de leur silo dès 2017 pour rejoindre leurs confrères et consœurs et ainsi former une immense communauté d’apprentissage et de partage d’expériences qui sera à la base du renouvèlement des pratiques professionnelles en éducation, et ce, autant pour les enseignants que le personnel de soutien ou de direction.