Si nous prenons pour acquis le postulat que chaque génération d’enseignant est en retard sur la génération d’élèves à laquelle il enseigne et que ce retard s’est accentué grâce à différentes fractures générationnelles, la nécessité d’innover en éducation devient incontournable.
Le Conseil supérieur de l’éducation du Québec définit l’innovation en éducation de la façon suivante :
Un processus délibéré de transformation des pratiques par l’introduction d’une nouveauté curriculaire, pédagogique ou organisationnelle qui fait l’objet d’une dissémination et qui vise l’amélioration durable de la réussite éducative des élèves ou des étudiants.
L’innovation en éducation implique donc de rassembler les concepts de nouveauté, d’amélioration et de durabilité. Ainsi, dans un contexte quotidien, comment les acteurs du monde de l’éducation, quels qu’ils soient, comptent-ils innover dans leurs pratiques ?
On dit qu’une bonne idée se mesure à sa capacité à être réalisée. Ainsi, comme pour n’importe quoi, et ce, malgré le chaos associé à l’émergence de la créativité, l’innovation en éducation, ça se planifie. Quel est donc le rôle de l’enseignant et quel est celui de la direction d’école ? Voici les huit étapes pour voir l’innovation pédagogique envahir la classe.
Étape 1 : une idée
Enseignant
Tout part de la créativité. L’enseignant connait les besoins des élèves et connait ses forces. Il sait ce qu’il peut tenter et à quel besoin cela répondra. Bref, qu’est-ce qui doit être amélioré dans sa démarche d’enseignement ? Et ces idées s’établissent dans le respect de la personnalité de celui qui les émet, mais aussi dans le respect de la clientèle étudiante à laquelle elle s’adresse. Certes, il faut rêver grand dans un monde de possibilités illimitées, mais surtout, pour que l’idée soit bonne, elle doit être réalisable.
Direction d’école
Le rôle de la direction d’école est double. Dans un premier temps, il est de créer un climat propice à l’émergence d’idées novatrices dans le milieu. Et par la suite, elle doit les supporter et contribuer à les rendre réalisables dans le contexte scolaire, en fonction du projet éducatif de l’école.
Étape 2 : le contexte
Enseignant
La démarche réflexive et les étapes de conception amènent invariablement des questions : pourquoi innover ? Quelle situation l’enseignant souhaite-t-il changer ? Pourquoi ? Est-ce réellement nouveau ce qui est proposé ou est-ce un recyclage de pratiques ? Quels sont les effets à prévoir sur l’apprentissage des élèves ? Quelles sont les ressources dont l’école dispose pour ce faire ? Existe-t-il une compatibilité entre l’idée et le contexte scolaire, social et économique dans lequel l’école est placée ? Quels sont les outils dont je dispose ?
Direction d’école
Est-ce que le projet est viable ? L’école a-t-elle toutes les ressources pour soutenir l’innovation en question ? Si oui, qui mobiliser et comment. Sinon, où trouver les ressources ? Aussi, est-ce en lien avec le projet éducatif de l’école et ses orientations stratégiques ?
Étape 3 : la collaboration
Enseignant
Il est difficile d’innover seul en éducation. L’apport de l’autre a un effet rehaussant et permet de parfaire l’idée originale et lui permettre d’avoir une meilleure vie utile. Parfois, l’effervescence de l’enseignant novateur l’aveugle et il est bon qu’un estimé collègue puisse relativiser les choses.
Également, l’effet mobilisateur de la collaboration enseignante permet la création ou le maintien d’une culture d’entraide au sein des intervenants de l’école.
Direction d’école
Déjà collaborateur de première instance, la direction facilite les nouvelles collaborations entre les enseignants afin de permettre à un maximum de professionnels de contribuer pour améliorer l’idée, prendre part à l’innovation et pour bénéficier des retombées ultérieures.
Étape 4 : l’implantation
Enseignant
C’est la phase de pilotage. Comment cette idée novatrice se porte-t-elle au contact du monde réel ? Est-ce que les promesses et potentialités sont réalisées ? Comment réagissent les élèves ? Les parents ? Les collègues enseignants ? Quels sont les ajustements à apporter ?
Direction d’école
Que peut-elle faire pour faciliter cette implantation ? Il est ici question de mettre en œuvre tout le support pour rendre cette implantation simple et agréable en demeurant à l’affut des écueils possibles. Le rôle principal à cette étape en est un de soutien.
Étape 5 : l’évaluation
Enseignant
Au bilan, il faut se poser les vraies questions : quelle lecture faites-vous de votre expérimentation ? Qu’est-ce qui a bien fonctionné ? Qu’est-ce qui doit être amélioré ? Comme dans l’étape 3, où la collaboration a joué un rôle important dans la conception, il y a lieu de collaborer encore lorsqu’il est question d’évaluer le succès de l’innovation en éducation.
Direction d’école
Dans cette activité de remue-méninge, la direction peut y jouer un rôle important, car elle a observé les différentes étapes d’implantation et elle a, habituellement, une vision globale dans laquelle l’idée a muté depuis sa conception pour devenir une innovation pédagogique.
Étape 6 : la communication et la diffusion
Enseignant
Une fois que l’enseignant a obtenu les résultats souhaités, à la suite de maints ajustements, il est important de partager les réussites. D’autres enseignants pourront bénéficier de ce partage d’expérience, car ils pourront importer ces idées dans leur pratique en les adaptant à leur clientèle estudiantine. Une bonne idée doit être partagée afin qu’elle touche un maximum d’élèves.
D’où l’importance du réseautage, du partage et de la communauté d’apprentissage professionnel. L’effet multiplication doit être initié et une bonne idée doit avoir l’effet d’une contagion positive sur l’entourage immédiat ou élargi de l’enseignant.
Direction d’école
Il s’agit d’un important rôle de mise en valeur. Il utilise ses contacts dans les autres milieux scolaires pour permettre à l’enseignant d’aller à la rencontre de nouveaux collègues dans d’autres écoles pour propager les bonnes idées. La direction comprend que cette démarche de diffusion a des retombées positives sur toute l’école en termes de crédibilité et de rayonnement.
Étape 7 : Veiller à la pérennité
Enseignant
Comment faire survivre l’innovation afin qu’elle soit durable et qu’elle vieillisse bien à travers le temps ? Comment la rendre flexible et adaptée aux nouvelles réalités du milieu scolaire ?
Direction d’école
Grâce à sa vision tournée vers l’avenir, la direction d’école devrait être en mesure de voir venir les nouveautés et les changements à l’horizon. Elle est donc en mesure d’en informer les membres du personnel pour les aider à se préparer face aux éventuels déterminants des nouvelles réalités scolaires à venir.
Étape 8 : récidiver
Enseignant
Une fois que toutes les étapes ont été réalisées, comment récidiver avec une autre idée novatrice ? Le principe est de révolutionner sa pratique et lorsque toutes ces idées ont un effet évident sur l’apprentissage des élèves et le climat de classe, il est temps de se poser à nouveau la question : comment puis-je faire mieux ? L’innovation en éducation est un processus sans fin.
Direction d’école
Son rôle est semblable à celui de la première étape, mais cette fois-ci, elle doit défier l’enseignant de poursuivre dans sa voie novatrice et s’assurer qu’elle maintient cette ardeur à faire de sa pratique, une pratique en ébullition !